Des pelures d’orange redonnent vie à un désert au Costa Rica
Au milieu des années 1990, Daniel Janzen et Winnie Hallwachs, deux chercheurs écologistes de l’Université de Pennsylvanie imaginent une nouvelle manière de revaloriser des terrains appauvris et désertiques, tout en recyclant les déchets industriels. Pour mettre en pratique leur projet, ils se rapprochent d’une société productrice de jus de fruits, Del Oro, au Costa Rica pour leur proposer de déverser gratuitement et légalement tous ses déchets végétaux dans une zone de pâturage totalement stérile du parc national de Guanacaste, au nord du pays.
L'entreprise Del Oro accepte l'idée. 12 000 tonnes de pelures d’orange stockées dans mille remorques sont alors déversées sur le sol stérile du parc. Cet épandage massif de matière végétale extrêmement concentrée et riche en nutriments a un effet impressionnant et quasi-immédiat sur la fertilité de la terre. Au bout de six mois seulement, les premières couches de peaux d'orange commencent à se transformer en un bon terreau bien noir, riche, humide et tendre.
Toutefois, malgré ces débuts extrêmement prometteurs, les chercheurs sont accusés de souiller les sols par TicoFruit, une autre entreprise productrice de jus de fruits, concurrente direct de Del Oro. La Cour suprême du Costa Rica force les écologistes à arrêter immédiatement tous les dépôts de pelures d'oranges. Del Oro reprend les méthodes classiques d'élimination de déchets, et le site est complètement oublié pendant les 15 années suivantes... avec ses monticules d'épluchures.
En 2013, dans le cadre de ses recherches, un autre chercheur de l'université de Princeton, Timothy Treuer décide de se rendre sur les lieux avec son équipe afin d'analyser le sol, par curiosité. Fertilisé, le pâturage stérile a laissé place à une forêt prospère et luxuriante. Après avoir échantillonné le sol de la zone et celui d’un pâturage voisin dépourvu de peaux d’oranges, les chercheurs tentent de déterminer dans quelle mesure les épluchures de fruits ont influencé la croissance de la végétation locale.
Les résultats publiés dans la revue Restoration Ecology en août dernier suggèrent que la zone fertilisée par les déchets d’oranges a des sols plus riches en macronutriments et micronutriments ainsi qu’une variété d’espèces d’arbres plus conséquente.
Pour David Wilcove, professeur de biologie au Princeton Environmental Institute et co-auteurs de l’étude, c’est une expérience concluante qui pourrait être réitérée à plus grande échelle. Le scientifique suggère par exemple que nous pourrions « utiliser les “restes” de la production alimentaire industrielle pour restaurer les forêts tropicales ».
Source : VSD