Le Burkina Faso demande réparation à Monsanto...qui quitte le pays par la petite porte
Dans un e-mail envoyé à ses amis et collaborateurs, Doulaye Traoré , le représentant de Monsanto en Afrique de l’Ouest, basé à Bobo-Dioulasso, annonce que la firme américaine spécialisée dans les pesticides et les OGM « a décidé de suspendre ses activités au Burkina Faso », exception faite « de celles relatives aux aspects réglementaires » – comme les tests en cours sur le maïs transgénique, réalisés avec des chercheurs de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (Inera).
Résiliation de contrat
Traoré indique avoir lui-même résilié le contrat qui liait son cabinet, Tho & Gniré, à Monsanto le 22 septembre. D’autres agents burkinabè de la firme se sont vu signifier la rupture de leurs contrats ces derniers jours.
La nouvelle n’a pour l’heure pas été officialisée. Mais plusieurs sources jointes à Ouagadougou et à Paris confirment que Monsanto aurait décidé de quitter ce pays, dans lequel il avait pourtant placé tous ses espoirs pour « vendre » aux Africains ses OGM, et qui fut longtemps son seul client en Afrique de l’Ouest.
Deux raisons sont avancées : le rachat de Monsanto par le groupe allemand Bayer, annoncé mi-septembre ; et la décision de la filière coton burkinabè, prise en mai dernier, de ne plus cultiver le coton Bt fourni par Monsanto, jugé décevant tant sur le plan du rendement que sur celui de la qualité de la fibre. La prochaine récolte, que la filière annonce très bonne – le chiffre de 700 000 tonnes est avancé –, sera ainsi estampillée « sans OGM ».
Le pays s’estime lésé par la moindre qualité de son coton depuis qu’il a adopté les semences OGM de Monsanto. L’interprofession burkinabè du coton réclame au semencier américain près de 50 milliards de francs CFA, l’équivalent de 74 millions d’euros.
Le Burkina Faso demande réparation à Monsanto. Depuis que les sociétés cotonnières ont adopté ses semences Bollgard II, une variété génétiquement modifiée pour lutter contre le ver du coton, le coton burkinabè a perdu un de ses principaux atouts : la longueur de sa fibre, le premier critère de qualité du coton, parce qu’une longue soie facilite la fabrication du fil.
Dès 2012, la baisse de qualité du coton transgénique burkinabè s’est fait sentir… dans les revenus perçus par les sociétés cotonnières. Le coton burkinabè était décoté par rapport aux autres cotons ouest-africains sur le marché mondial. Mais difficile pour les sociétés cotonnières burkinabè de renoncer du jour au lendemain aux semences de coton BT. Elles étaient très populaires auprès des agriculteurs, parce qu’elles nécessitaient moins de passages de pesticides et qu’elles amélioraient sensiblement les rendements pour les paysans les moins bien formés.
Un préjudice financier conséquent
Monsanto s’était en outre engagé à retravailler ses semences, mais visiblement sans succès à ce jour. D’année en année, les sociétés cotonnières ont donc fait reculer le coton OGM, qui avait atteint jusqu’à 80 % des surfaces. Cette année, il est demandé aux agriculteurs de renoncer totalement au coton transgénique et de ne semer que du coton conventionnel.
Le nouveau directeur général de la Sofitex, l’une des principales sociétés cotonnières, a pris la mesure des dégâts : 20 à 30 francs CFA de moins par livre de coton désormais. Un préjudice financier encore plus lourd en cette période de déprime des cours, mais aussi un préjudice moral, le coton burkinabè a perdu sa réputation, c’est l’or blanc du pays, deuxième ressource après l’or métal.
Faute d’obtenir gain de cause dans ses négociations discrètes avec Monsanto, l’interprofession burkinabè du coton (AICB) réclame désormais au géant américain des semences 48,3 milliards de francs CFA, environ 74 millions d’euros. Une demande raisonnable aux yeux des professionnels du secteur.