NUCLEAIRE : en visite en Inde, Macron fait le commercial d'EDF
Le développement du solaire était présenté comme le premier objectif de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron en Inde, ce week-end. Mais samedi, à la veille du sommet de l’Alliance solaire internationale, c’est l’atome qui a tenu la vedette dans la villa Hyberabad, le Matignon indien. Tout sourire, le Premier ministre Narendra Modi et son invité ont annoncé, au milieu d’une petite cinquantaine de partenariats commerciaux et non-commerciaux, la signature d’un accord industriel par EDF pour la livraison de six réacteurs nucléaires EPR à Jaitapur, petite ville côtière connue pour ses vergers de mangues et de noix de coco, et située entre les plages de Goa et Bombay, dans le sud-ouest de l’Inde.
Neuf ans après le premier protocole d’accord, signé à l’époque par Areva, le dossier a fait «une avancée très significative», selon les mots d’un conseiller de l’Elysée, qui affirme qu’il n’y a «pas de retour en arrière possible» et que l’objectif est de signer «un accord définitif d’ici la fin 2018». Si le projet aboutit, le site de Jaitapur deviendra «la plus grande centrale nucléaire du monde avec une capacité totale de 9,6 GW, et devra permettre à l’Inde d’atteindre son objectif de 40% d’énergie non fossile d’ici à 2030», s’enthousiasme le communiqué conjoint.
Alors que toute la journée, la délégation française s’est félicitée des initiatives de l’Inde en matière de solaire, comme la signature pour la construction d’une centrale flottante par une PME française, voilà donc le nucléaire propulsé dans les rangs des énergies renouvelables dans un pays qui dépend encore très largement des énergies fossiles polluantes. En juillet, un think tank proche du gouvernement indien affirmait que l’Inde, déjà quatrième émettrice mondiale de CO2, serait dans l’obligation de construire une centaine de nouvelles centrales à charbon, contrairement à ses promesses, et ce pour répondre aux besoins de développement des 1,3 milliard d’habitants, dont près d’un quart n’a toujours pas accès à l’électricité. Alors que chaque matin, New Delhi, comme beaucoup de villes du pays, est noyé dans une brume de pollution, que les activités commerciales et de service sont handicapées par des coupures de courant à répétition, la construction des EPR pourrait changer la donne.
Les deux parties semblent s’être entendues sur la mise en œuvre de la loi indienne sur la responsabilité nucléaire qui expose le fournisseur au paiement de dommages et intérêts en cas d’accident, ce qui a longtemps freiné les constructeurs. Mais le dossier est encore loin d’être abouti. Depuis le premier achat de mille hectares de terres en 2008, les paysans et pêcheurs locaux enchaînent manifestations et pétitions, dénoncent des pressions pour la vente de leurs terrains et les futures atteintes à l’environnement. Et même si les protestations des habitants semblent s’essouffler avec le versement d’indemnisations, le projet devra être encore validé par la Cour suprême, véritable instance de pouvoir en Inde.
Par ailleurs, le montant de la transaction reste encore à négocier, et les Indiens voient avec inquiétude les années de retard et les surcoûts phénoménaux des premiers chantiers, comme à Flamanville et en Finlande. Le nucléaire ne représente pour l’instant que 2% du mix énergétique indien, et le coût de revient de cette énergie n’est plus si compétitif par rapport au solaire, dont les prix ont baissé spectaculairement durant les deux dernières décennies. Emmanuel Macron inaugurera d’ailleurs lundi la plus grande centrale solaire de l’Uttar Pradesh construite par Engie à Mirzapur, près de Bénarès.
Enfin, la technologie EPR à eau pressurisée n’a toujours pas été testée en conditions réelles, ce qui alarme particulièrement les associations antinucléaires. Nul ne sait comment la future centrale de fabrication française, posée sur les bords de la mer d’Arabie, résisterait à un tremblement de terre ou un tsunami. Comme celui qui a frappé la centrale de Fukushima, au Japon, il y a sept ans, jour pour jour.
Source : libération.fr