Grève scolaire pour le climat : «En 2050, vous serez morts, pas nous !»
La première édition française du rassemblement des jeunes pour le climat a rassemblé un millier de lycéens et d'étudiants au pied du ministère de la Transition écologique, à Paris.
François de Rugy, le ministre de la Transition écologique et solidaire, a dû sentir ses fenêtres tinter ce vendredi après-midi. Un petit millier de jeunes, en grève scolaire pour le climat, s’étaient donné rendez-vous au pied de son ministère (boulevard Saint-Germain à Paris) avec banderoles et mégaphones, pour réclamer une politique environnementale plus ambitieuse, aux cris de «et un, et deux et trois degrés, crime contre l’humanité».
Le rassemblement était annoncé depuis le 8 février. 300 étudiants réunis en assemblée générale sur le campus de Jussieu avaient voté à l’unanimité le début d’une grève scolaire pour ce 15 février, reconductible chaque vendredi. L’objectif : faire monter la pression jusqu’au 15 mars, date de la grève scolaire internationale lancée par l’égérie des jeunes écolos, Greta Thunberg.
«Je suivais tout ce que se passe ailleurs en Europe, en Belgique, en Allemagne et j’avais hâte que ce mouvement arrive chez nous !» s’enthousiasme Anouk, en 1ère ES au lycée Balzac dans le XVIIe arrondissement. «En France, les unions lycéennes sont très politiques, je ne me voyais pas aller les voir pour organiser une grève écolo.»
«Gouvernement dans l’inaction»
La particularité du mouvement français est de présenter chaque semaine au gouvernement une revendication «impérative pour éviter le désastre écologique», d’après les termes du manifeste publié dans la foulée de l’AG de Jussieu. La première, annoncée la semaine dernière, était de débloquer des moyens exceptionnels et contraignants pour s’engager dans la voie d’une réduction annuelle de 4% d’émissions de gaz à effet de serre.
«Une semaine pour faire avancer une revendication, c’est bien sûr un laps de temps très court mais c’est à la mesure de l’urgence climatique. Avec une demande hebdomadaire, on veut imposer notre agenda au gouvernement», explique Claire Renauld, en master d’affaires publiques à la Sorbonne et co-organisatrice de la grève. «Même si le gouvernement continue à se complaire dans l’inaction, cela nous permettra aussi de montrer aux citoyens l’ampleur des mesures à prendre», complète Antoine Soulas, étudiant à l’ENS d’Ulm et autre co-organisateur.
Si ces revendications ne sont pas entendues, les jeunes promettent dans leur manifeste «d’entrer en résistance, car face à l’inaction politique la seule solution est la désobéissance civile». L’objectif du jour : bloquer la circulation sur le boulevard Saint-Germain, pour ne laisser passer que les bus, n’a pas pu être mis en œuvre face à l’importante présence policière. Mais en bloquant temporairement le boulevard par un sit-in, les jeunes manifestants ont au moins réussi à convaincre les CRS de les laisser avancer jusqu’à l’entrée du ministère.
A peine arrivés, les plus motivés y improvisent une AG : faut-il tenter d’envoyer des représentants au ministre pour discuter ou se contenter de protester ? Le mégaphone circule et les avis divergent. «Si on refuse de négocier, on va perdre toute crédibilité», estime un lycéen. «Si on refuse le dialogue aujourd’hui, c’est parce qu’eux ont refusé l’action pendant des années», lui répond un autre.
Ne plus avoir d’enfant
Un peu en retrait, Neil, étudiant à Sciences-Po qui préfère ne pas donner son vrai prénom, soupire en entendant résonner des slogans anticapitalistes. «C’est important de porter un message non partisan, qui ne soit pas spécifiquement de gauche. L’environnement est un problème qui concerne tout le monde, il ne faut pas se couper des sympathisants d’autres courants politiques.»
Si la question des stratégies à adopter divise, tous rappellent l’urgence à agir et le caractère exceptionnel de l’enjeu. «La situation est inacceptable. On sait que certaines mesures permettraient de limiter les problèmes climatiques et rien n’est fait, juge Maud, 16 ans, en 1ère S à Louis-le-Grand. C’est à nous, les jeunes, de pousser pour que ça bouge parce que c’est de notre futur dont il s’agit, ce dont personne n’a l’air de se rendre compte.»
Certains ont l’impression d’être nés avec l’écologie, mais d’autres avouent sans complexe n’être pleinement conscients des enjeux du dérèglement climatique que depuis peu. C’est le cas de Quentin, 16 ans, lycéen à Claude-Monet, dans le XIIIe arrondissement. «Je ne me sens vraiment concerné que depuis le début de cette année scolaire. Avec tous les rapports qui paraissent, les mauvaises nouvelles qui s’accumulent. Les insectes et les oiseaux qui disparaissent, tous ces poissons morts en Australie, les vagues de froid en Amérique du Nord… Ça nous montre que la planète court à sa fin et qu’il faut qu’on se bouge maintenant.»
Alice, 19 ans, qui se dit pourtant sensibilisée à ces questions depuis plusieurs années, sent, elle aussi, l’urgence monter. «On a de plus en plus peur. Aujourd’hui j’en suis à un point où je ne veux plus avoir d’enfants parce que je ne veux pas qu’ils vivent dans un monde sans futur.» Un peu plus loin une pancarte brandie vers les fenêtres du ministère rappelle : «55 degrés en 2050 ? Vous serez morts. Pas nous.»