La 5G débarque en France...une bombe sanitaire se prépare.
La France s’apprête à déployer la 5G, qui repose en partie sur l’utilisation d’ondes à très haute fréquence. Aucune étude épidémiologique n’ayant été faite, scientifiques, médecins, et jusqu’aux services de l’État s’alarment.
La cinquième génération de standards pour la téléphonie mobile, ou 5G, est la promesse de pouvoir se connecter d’où que l’on soit sur la planète. C’est aussi l’occasion d’aligner les superlatifs : de partout et tout le temps, ultra haut débit, transmission à moins d’une milliseconde. À tel point que certains parlent « de changement sociétal sans précédent à l’échelle mondiale », avec l’arrivée des objets connectés, 155 milliards d’ici 2025 [1], des villes intelligentes, des voitures autonomes, des robots chirurgiens, etc. Revers de la médaille, « la 5G augmentera l’exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquence (CEM-RF) », ont prévenu, en septembre 2017, plus de 170 scientifiques issus de 37 pays. Ils réclament un moratoire « jusqu’à ce que les dangers potentiels pour la santé humaine et l’environnement aient été (...) évalués par des scientifiques indépendants de l’industrie (...) Il est prouvé que les émissions CEM-RF sont nuisibles à l’homme et à l’environnement ».
Dès 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait classé les radiofréquences comme « cancérogènes possibles pour l’Homme ». Puis en 2016, une étude étasunienne du National Toxicology Program de grande ampleur montrait que des rats exposés à des ondes développent des cancers. La même année, en juillet, une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) estimait que ces « ondes ont des effets possibles sur les fonctions cognitives et le bien-être des plus jeunes ».
« Le problème de la 5G est similaire, mais en pire, aux problèmes que l’on constate déjà avec les premières générations de téléphone, du fait que les ondes sont pulsées »
Ces études scientifiques incontestées ne concernent pas directement la 5G. C’est d’ailleurs ce que souligne le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques du 11 décembre 2018 sur la 5G. Les auteurs relèvent « que le financement d’études indépendantes (...) est pour l’heure compromis : le projet de loi de finances 2019 a supprimé une taxe additionnelle qui servait jusqu’alors à ces financements. Et son remplacement par une subvention n’est pas acté ».
« Toute nouvelle technologie suscite des inquiétudes », relativise Gilles Brégant, directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Alors légitimes ou fantasmées ? Les craintes s’alimentent peut-être du fait qu’on semble mettre la charrue avant les bœufs : miser sur une technologie dont on ne peut mesurer les effets sanitaires que plusieurs années plus tard ne revient-il pas à faire de la population des rats de laboratoire ?
Car, en juillet 2018, le gouvernement a présenté sa feuille de route, prévoyant l’attribution de nouvelles fréquences aux opérateurs dès 2020, une couverture des principaux axes de transport par la 5G d’ici 2025. Contactée par Reporterre, l’Anses rappelle pourtant l’une de ses recommandations formulée dès 2013 : « Le développement des nouvelles infrastructures de réseaux doit faire l’objet d’études préalables en matière de caractérisation des expositions, en tenant compte du cumul des niveaux existants et de ceux qui résulteraient des nouvelles installations. »
Comme le fait remarquer la docteure Annie Jeanne Sasco, médecin épidémiologiste du cancer et coordinatrice en Europe de la pétition contre le déploiement de la 5G, « il faut du temps pour développer un cancer ». Comment évaluer en quelques mois les effets de nouvelles fréquences sur le vivant ? Sans parler des combinaisons de fréquences. Cela n’empêche pas la cancérologue d’affirmer que « le problème de la 5G est similaire, mais en pire, aux problèmes que l’on constate déjà avec les premières générations de téléphone, du fait que les ondes sont pulsées ». « L’être vivant n’est pas fait pour être exposé à ce type de champs électromagnétiques. Des cellules vivantes peuvent à la rigueur s’adapter à des expositions continues, estime l’épidémiologiste. Mais passer en “on/off, on/off, on/off” à la vitesse extraordinaire de la 5G ne va pas permettre à nos cellules de s’adapter. »
Car la 5G repose sur un ensemble de fréquences : celles assez classiques, situées dans la bande allant de 3,4 à 3,8 GHz, voisines du spectre de la 3G et de la 4G. Mais aussi sur une autre tranche du spectre électromagnétique, située aux alentours des 26 GHz. « Cette bande n’a jusqu’à présent jamais été utilisée pour des réseaux mobiles », souligne le régulateur des télécoms français, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), le 31 janvier 2019, qui encourage, comme le gouvernement, les villes à lancer des expérimentations en « situation réelle ».
L’autre caractéristique des bandes de très haute fréquence, dites « millimétriques », aux largeurs considérables, c’est d’être courte. Avantage pour le corps humain, les millimétriques ne pénètrent pas dans l’organisme à plus de 2 mm. « Cela dit, tempère le président des Robins des toits, Pierre-Marie Theveniaud, même à 2 millimètres, la conduction nerveuse en surface est modifiée, les tissus chauffent, sans compter que l’exposition est d’autant plus forte que le rapport poids/volume est grand. » Quid alors des effets sur les insectes, les abeilles, les oiseaux… et sur les enfants ?
« S’il n’y a pas de téléphone, vous n’êtes pas visé »
Inconvénient de cette faible pénétration pour la propagation des ondes en ville : elles sont facilement stoppées par des « obstacles urbains » tels que les immeubles, les arbres, le béton… Pour surmonter cette difficulté, les promoteurs de la 5G vont déployer des satellites dans l’espace et des petites antennes sur terre, les « small cells », qui vont s’incruster en ville au sein d’arrêts de bus, lampadaires, panneaux d’affichage, etc. jusqu’à tous les 100 mètres. JCDecaux, le publicitaire urbain, a ainsi annoncé qu’il allait accompagner une douzaine de villes en France dès cette année dans l’installation des petites antennes. Contacté par Reporterre, il regrette ne pouvoir révéler le nom des villes « du fait d’un accord de confidentialité avec les opérateurs ». Dans sa communication, le propriétaire de mobilier urbain publicitaire fait référence aux résultats positifs de l’exposition du public aux ondes d’une récente étude de l’ANFR, consacrée aux small cells, mais réglées pour la 4G !
L’étude conclut que « les small cells permettent de multiplier par trois les vitesses de téléchargement avec un bilan de l’exposition du public aux ondes positif notamment du fait de leur plus faible distance avec les utilisateurs ainsi que la réduction de la puissance d’émission des smartphones de 2 à 5 fois ; ce qui limite ainsi l’exposition aux ondes tout en prolongeant l’autonomie des batteries ». Quoi qu’il en soit, en 4G ou 5G, l’argument rassurant est le suivant : le téléphone émet moins fort et moins longtemps car les antennes sont plus proches. De plus, ajoute Gilles Brégant, de l’ANFR, « les constructeurs sont en train de développer des antennes pour la 5G qui peuvent se focaliser comme un projecteur vers le téléphone qui est à proximité, ce qui permettra d’éviter une permanence de fonctionnement ». Et de conclure : « S’il n’y a pas de téléphone, vous n’êtes pas visé. » À raison de 75,5 millions cartes SIM en service en France au 30 septembre 2018 [2], le répit d’émission risque toutefois d’être court, du moins en journée.
Pour le docteur Marc Arazi, fondateur de l’association Alerte PhoneGate, 4G ou 5G, l’enjeu sanitaire repose sur la définition des normes : « Or, celles de la 5G sont en train d’être discutées ! » Depuis 2016, le médecin avertit sur le fait que « des centaines de modèles de téléphones portables, autorisés sur le marché, mettent en danger la santé de six milliards d’utilisateurs ». Une alerte qui trouve sa source dans des rapports de l’ANFR et de l’Anses publiés en 2016 et dont certaines données sont accessibles.
« Un manque de connaissance sur les niveaux d’exposition aux équipements radioélectriques utilisés près du corps pour les différents usages en conditions réelles »
Depuis juin 2017, la réglementation est plus protectrice : la directive européenne RED exige que la distance de test en « DAS tronc » soit fixée à maximum 5 mm au lieu de 15 à 25 mm auparavant. Le DAS, c’est le débit d’absorption spécifique, que contrôle l’ANFR en France. Il permet de mesurer le niveau d’exposition des utilisateurs aux ondes des téléphones mobiles. Auparavant, les constructeurs de portables pratiquaient les tests dans des conditions variables, mais jamais au contact du corps, collé à l’oreille, comme dans la poche de la veste, du pantalon ou dans un soutien-gorge.
L’Anses assure que les pouvoirs publics veillent désormais au respect des valeurs limites d’exposition réglementaires, « quels que soient les dispositifs émetteurs mobiles utilisés, selon des conditions raisonnablement prévisibles d’utilisation ». Les « conditions raisonnablement prévisibles » correspondent-elles à des « conditions d’utilisation réelles » ? Telle est la question.
En tout cas, l’État s’en inquiète. Un courrier interne aux administrations que s’est procuré Alerte PhoneGate, d’octobre 2017, mentionne que « l’apparition de nouvelles technologies de communication mobiles, qui utilisent de nouveaux types de signaux (5G) » et « les données actuelles disponibles concernant essentiellement des signaux 2G, 3G et le wifi mettent en évidence un manque de connaissance sur les niveaux d’exposition aux équipements radioélectriques utilisés près du corps pour les différents usages en conditions réelles ». Et de conclure par une demande d’expertise « dans les meilleurs délais » : fin 2017 pour la partie I, fin 2018 pour les parties II et III. Mais, depuis, rien ne s’est passé.
Questionné à ce sujet par Reporterre, le ministère de la Transition écologique et solidaire explique que « l’avis relatif au dépassement du DAS est attendu pour mai 2019 et que celui relatif au nouvel indicateur le sera ultérieurement ». Ultérieurement… Pour rappel, l’Anses en 2013 recommandait des études « préalables ». Le ministère assure qu’une évaluation a été demandée pour juin 2019. Sachant que les premiers vrais téléphones 5G n’arriveront en France que cet été, le timing des tests risque d’être serré. En attendant, les expérimentations sur des « débits inégalés », pour des « usages inédits » fleurissent. Ainsi, 21 nouvelles stations 5G expérimentales ont été autorisées par l’ANFR en janvier dans la bande 3,5 GHz, pour un total de 78 stations autorisées en France [3].
[1] D’après les prévisions de l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe.
[2] Selon les dernières statistiques de l’Arcep dans son « observatoire des marchés des télécommunications » du 8 novembre 2018.
[3] 24 pour Orange, 19 pour SFR et 35 pour Bouygues Telecom.
Source : reporterre.net