L’agriculteur qui plantait des arbres pour réparer la planète
Pendant trente ans, l’agriculteur Christophe Piquet estime avoir « bousillé l’environnement ». Après s’être converti au bio, il a planté un millier d’arbres sur l’une de ses parcelles.
Des solutions pour la planète. « Pendant trente ans, j’ai bousillé l’environnement. Saccagé la planète. Pendant trente ans, cela m’a fait souffrir. » Désormais, Christophe Piquet, agriculteur de 61 ans installé à Azé (Mayenne), n’a qu’une chose en tête : redonner un peu de vie à cette terre nourricière que des décennies de productivisme agricole ont laissée exsangue, selon lui.
Il estime avoir sa part de responsabilité dans cette réalité, et n’en est pas fier. Christophe Piquet est fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’agriculteur. Il s’est installé sur les terres familiales en 1982. Petit, il aimait écouter les conversations des grandes personnes. « J’avais environ 12 ans. Je me souviens de mon voisin, également paysan, qui disait à mon père qu’il avait sali sa terre depuis qu’il y avait mis de l’engrais et des pesticides… Ces propos m’ont suivi tout au long de mon parcours. »
Christophe Piquet le reconnaît. En tant qu’agriculteur, il a toujours été « coupé en deux ». Entre le fait de « produire toujours plus et mal » et son aspiration profonde à « respecter la planète ». « Pendant trente ans, je n’ai pas eu la conscience tranquille. Nos machines agricoles étaient de plus en plus grandes, performantes. On s’est adapté aux machines. Nous étions à leur service », raconte-t-il.
« Mes bêtes ne voyaient jamais le jour »
Pendant toutes ces années, Christophe Piquet est un bon petit soldat. « On n’était plus des agriculteurs, mais des gestionnaires. Ce qui comptait, c’était le petit chiffre de revenus en bas du bilan. Mes bêtes ne voyaient jamais le jour. Elles ne savaient pas ce qu’était l’herbe non plus. » Il ne gardait ses jeunes bovins qu’un an, avant qu’ils ne prennent la direction de l’abattoir.
« Autour d’un arbre, il y a toute une vie »
À la prochaine Toussaint, comme l’ont fait son arrière-grand-père Auguste, son grand-père Ernest et son père Ernest avant lui, Christophe transmettra la ferme à la génération suivante. L’homme s’est lancé un dernier défi : nettoyer la terre que lui, comme les générations précédentes, ont « saccagée ».
Fin 2018, il a planté 1 000 arbres dans l’une de ses parcelles. « Toute la famille s’y est mise. » Les amis et les Azéens aussi : en tout 70 personnes, ont mis les mains dans la terre. Le champ sera toujours cultivé et servira de prairie pour le troupeau. Ce principe se nomme l’agroforesterie.
« C’est un complément de l’agriculture biologique, décrit Christophe Piquet. L’arbre a un rôle régulateur. Son enracinement lui permettra de puiser des minéraux dans le sol, de recréer de l’humus, de faire baisser la température du sol. L’arbre va drainer, irriguer, fertiliser. Autour d’un arbre, il y a toute une vie. » Le cheptel de vaches « rouge-des-prés » y trouvera aussi son bonheur. L’été surtout, lorsqu’il cherchera de l’ombre.
« Pendant dix ans, on va avoir du boulot »
Des projets de cette ampleur sont très rares chez des particuliers. Chênes, châtaigniers, mûriers, noyers grandissent aujourd’hui paisiblement dans le champ azéen. « Chaque essence a son auto-écologie, explique Cyrille Barbé, le professionnel qui a accompagné Christophe Piquet dans son projet. On les a plantées en fonction de leur position dans la parcelle. »
Le Mayennais pense déjà à l’étape suivante : veiller sur les arbres. « Il faudra tailler les branches, couper les racines de surface pour les obliger à descendre très profondément… Pendant dix ans, on va avoir du boulot, mais après ça va se faire tout seul », sourit-il.
Christophe Piquet dit de lui-même qu’il n’est pas un intellectuel. Mais ses paroles sont pleines de sagesse. Tel le colibri qui veut éteindre l’incendie à la force de son minuscule bec transportant des gouttes d’eau, il veut faire sa part pour sauver la planète.
« Les arbres qu’on plante aujourd’hui, c’est pour dans une ou deux générations… » Pour ses sept petits-enfants. Comme le petit Diego, capable de reconnaître « ses » arbres au premier coup d’œil. Le garçonnet de 5 ans ne voit pas son avenir ailleurs qu’à la ferme. Les mains dans la terre qu’il a travaillée avec papy, les yeux dans les arbres qu’il a plantés avec lui.