Glyphosate : 36 produits ne seront pas réautorisés en France
Ces produits représentaient, en 2018, entre la moitié et les trois quarts des tonnages de pesticides à base de glyphosate vendus en France.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a annoncé, lundi 9 décembre, que 36 produits phytosanitaires à base de glyphosate ne seraient pas ré-autorisés. Passé un délai de grâce de quelques mois, ils ne pourront plus être utilisés en France à compter de fin 2020, précise l’agence dans un communiqué. L’Anses ajoute qu’elle n’a pas accordé leur première autorisation de mise sur le marché à quatre autres produits contenant la célèbre molécule herbicide.
Au total, en France, 69 produits à base de glyphosate ont dû soumettre à l’Anses une demande de ré-autorisation en 2017, consécutivement à la réhomologation pour cinq ans de la substance active, décidée au niveau européen. « Les 36 qui ne seront pas ré-autorisés représentaient en 2018 entre la moitié et les trois quarts des tonnages de produits à base de glyphosate utilisés en France, explique Caroline Semaille, directrice générale déléguée de l’Anses, chargée des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires. Cependant, tous les autres ne seront pas nécessairement ré-autorisés : les données fournies par leurs fabricants sont encore examinées. »*
L’agence de Maisons-Alfort précise que les fabricants des 36 produits rejetés n’ont pas fourni les données expérimentales suffisantes pour exclure un risque génotoxique de leurs produits – c’est-à-dire un risque de toxicité pour l’ADN. « Cela ne signifie pas que ce risque a été identifié, mais que les données transmises n’ont pas permis à l’agence de l’évaluer correctement », précise Mme Semaille. Quatre des onze nouveaux produits à base de glyphosate, en lice pour une première autorisation de mise sur le marché, n’ont pas été acceptés pour les mêmes raisons. Les sept autres ont été soit autorisés, soit sont toujours en cours d’examen.
Doutes sur la génotoxicité
Dans le système européen d’homologation des pesticides, les substances actives (en l’occurrence le glyphosate) sont autorisées au niveau communautaire, tandis que les produits formulés – contenant aussi des adjuvants destinés à potentialiser l’action des substances actives – sont évalués et autorisés au niveau national. « En 2017, à l’issue de la ré-autorisation du glyphosate pour cinq ans en Europe, la Commission a recommandé aux Etats-membres de veiller particulièrement à l’évaluation du risque génotoxique des produits contenant cette substance », poursuit Mme Semaille.
Contrairement aux apparences, la décision de l’Anses est disjointe de la controverse sur le glyphosate : en l’espèce, ce sont plus des doutes sur la génotoxicité de mélanges de produits contenant du glyphosate, que des doutes sur la génotoxicité de la substance isolée. Celle-ci a été considérée comme ne présentant pas de potentiel génotoxique par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) : l’Anses dit s’en tenir, pour l’heure, à cette opinion. L’Agence a toutefois lancé un appel à projet pour mobiliser des laboratoires de recherche sur ce sujet précis et évaluer la génotoxicité du glyphosate.
De son côté, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’agence de l’Organisation mondiale de la santé chargée d’inventorier et de classer les agents cancérogènes, estime que le glyphosate est bel et bien génotoxique ; le CIRC a classé le glyphosate comme « cancérogène probable » pour l’homme en mars 2015. La controverse sur la génotoxicité de l’herbicide repose largement sur les sources scientifiques mobilisées pour l’évaluation. Des travaux publiés en janvier dans la revue Environmental Sciences Europe ont montré qu’environ 70 % des études publiées dans la littérature scientifique attribuent un potentiel génotoxique au glyphosate ou à des produits contenant du glyphosate, tandis que 99 % des études industrielles, transmises par les fabricants aux agences réglementaires, ne trouvent pas à l’herbicide de telles propriétés.
La controverse n’est non seulement pas finie, mais devrait repartir de plus belle dans les prochains mois avec le lancement de la réévaluation européenne de l’herbicide, en vue de sa ré-autorisation, en 2022. En France, Emmanuel Macron s’était engagé en 2018 à une sortie du glyphosate à l’horizon 2021, avant d’affirmer, un an plus tard, que cet objectif n’était « pas faisable » à 100 %.