Huile de palme contre forêt tropicale : l'enjeu du contrôle des exploitations
Des dizaines de Penan armés de sarbacanes et de lances ont érigé des barrages sur les routes construites par les compagnies forestières au coeur de leurs forêts, au Sarawak, dans la partie malaisienne de l'île de Bornéo. Ces chasseurs-cueilleurs veulent empêcher la destruction des parcelles qui constituent leurs derniers territoires de chasse, rapportait fin juillet Survival International. Cette ONG soutient les revendications des peuples indigènes confrontés à l'arrivée des grandes entreprises industrielles attirées par l'exploitation du bois de valeur et la possible conversion de vastes surfaces en culture de rente - comme ici le palmier à huile.
Depuis quelques années, des histoires comme celles du peuple penan alimentent la chronique quotidienne du pays qui, avec l'Indonésie, concentre 85 % de la production mondiale d'huile de palme. Début juillet, Greenpeace, avec une quinzaine d'autres ONG, a lancé une campagne contre l'entreprise indonésienne Astra Agro Lestari pour qu'elle renonce à étendre sa production de palme dans les forêts primaires d'Aceh (Sumatra), où vivent d'importantes populations d'orang-outangs.
Où trouver ces terres ? Le palmier à huile, originaire d'Afrique de l'Ouest, trouve ses meilleures conditions de croissance dans les zones tropicales humides. Celles qui abritent les derniers grands bassins forestiers primaires. Si on ajoute le fait que l'huile de palme est aussi une plante prisée pour produire des agrocarburants, on comprend l'insistance des ONG à voir encadrée son exploitation.
Cette situation a poussé Rainforest Alliance à sortir du chemin "balisé" de la certification qu'elle pratique sur le cacao, le café, la banane et le thé depuis une quinzaine d'années. En avril, à l'issue de deux ans d'évaluation, l'ONG américaine a ajouté l'exploitation du palmier à huile sur la liste des cultures qu'elle juge pouvoir être pratiquées en respectant des critères de développement durable.
"La certification, en permettant de distinguer ceux qui produisent en étant soucieux de l'environnement et des droits sociaux, peut contribuer à lutter contre la déforestation, même s'il faut rester modeste. Les Occidentaux ont peu d'influence. L'Europe achète seulement 9 % de l'huile de palme indonésienne. L'essentiel part en Chine et en Inde", explique Chris Wille, responsable de l'agriculture durable au sein de Rainforest Alliance.
De nouveaux critères ont été introduits dans son processus de certification : interdiction de labéliser toute exploitation ayant coupé des arbres après 2005, pratiqué le brûlis, utilisé des herbicides ou des pesticides, converti des forêts primaires ou secondaires. Rainforest exigera aussi que l'exploitant reconstruise les corridors biologiques qu'il aurait pu détruire...
"Nous jouons une partie sensible, la culture du palmier à huile en Asie se déploie dans un contexte politique et institutionnel peu lisible. Il n'est pas question pour nous de récompenser quiconque aurait pris récemment part à la déforestation", insiste Chris Wille en estimant que les premiers certificats devraient être délivrés en Amérique du Sud plutôt qu'en Asie.
Cette prudence se justifie. La première tentative de certification lancée à partir de 2004 n'a jusqu'à présent pas réussi à trouver sa place. Créée à l'initiative du WWF, elle réunit pourtant tous les acteurs de la filière : producteurs, raffineurs, distributeurs, ONG... Si le WWF reste engagé, d'autres comme Greenpeace ou les Amis de la Terre se sont éloignées.
"Les critères ne sont vraiment pas suffisants. Ils assurent à peu près la protection d'espèces emblématiques comme l'orang-outang mais restent laxistes sur l'utilisation d'herbicides interdits en Europe et aux Etats-Unis, ou la destruction des forêts secondaires...", note Sylvain Angerand, des Amis de la Terre.
Face à la pression de la demande, tout le monde s'accorde cependant sur la nécessité de trouver une réponse qui permette à la fois de satisfaire les besoins alimentaires des pays du Sud et la protection des dernières forêts. Après l'Asie, le front de développement du palmier à huile pourrait rapidement revenir dans son berceau d'origine : de grands projets sont déjà à l'oeuvre au Cameroun. D'autres sont en discussion au Congo.