Menacé par le désert qui a déjà envahi plus des deux tiers du territoire, le Niger, pays sahélien pauvre, fait la promotion de son gaz pour freiner la coupe sauvage du bois, principal combustible pour une écrasante majorité des habitants.
Panneaux géants aux carrefours de la capitale Niamey, publicités à la gloire du gaz chantées par des stars locales à la télévision et sur les ondes, opérations de porte-à-porte: les autorités ne lésinent pas pour atteindre leur objectif.
Il faut «accroître la consommation du gaz» pour «inverser la tendance à la déforestation», a récemment lancé Foumakoye Gado, le ministre de l'Energie.
La campagne de sensibilisation a démarré en 2012. Pour stimuler les consommateurs, les réchauds, via des subventions d'Etat, ont vu leur prix diminuer de 35% (passant de 23.000 à 15.000 francs CFA, soit de 35 à 23 euros) et les bonbonnes de 6 kilos de près de 50% (1.800 FCFA au lieu de 3.500, soit 2,74 euros au lieu de 5,34).
De nouvelles baisses devraient être annoncées prochainement.
Les entreprises du secteur ont également négocié avec les banques locales des «conditions souples» d'emprunt pour que les particuliers s'équipent en cuisinières à gaz, explique Mahamoud Ali, directeur de la société privée «Ganigaz».
Il est même possible de s'en offrir une en épargnant du crédit de son téléphone portable, convertible ensuite en monnaie sonnante et trébuchante, ajoute M. Ali.
Tous les moyens sont bons pour séduire les Nigériens, dont le pays produit annuellement depuis 2011 44.000 tonnes de gaz domestique. Mais la consommation reste marginale en raison du faible pouvoir d'achat des ménages.
Dépassant les préoccupations économiques, le principal enjeu est écologique. «Si les Nigériens arrivaient à consommer la totalité du gaz produit localement, cela compenserait largement les pertes environnementales engendrées par les coupes de bois», estime un expert onusien requérant l'anonymat.
Car «plus de 90%» des ménages n'utilisent que le charbon de bois - fabriqué à partir de bois, alors même que le sous-sol contient du charbon fossile - pour se chauffer durant le court hiver nigérien, s'éclairer et cuisiner à longueur d'année, selon les services nigériens de l'Environnement.
Quelque 200.000 tonnes de bois sont ainsi consommées tous les ans, soit «l'équivalent de 100.000 hectares de forêt détruits», s'alarme Ibro Adamou, un agent des Eaux et forêts.
- 1% de zones forestières -
L'impact est intenable pour l'aride Niger, dont le Nord est recouvert par le Sahara. «Nous sommes aux portes du désert et nous continuons à détruire le peu de bois qui nous reste», peste Moustapha Kadi, dirigeant de l'ONG CODDAE promouvant l'accès à l'énergie.
Depuis 1990, les zones forestières du Sud ont perdu «un tiers» de leur surface, pour ne plus représenter que «1% du pays», d'après le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).
«Avant on coupait du bois à cinq kilomètres de Niamey. Aujourd'hui il faut aller à 200 kilomètres, à l'intérieur du Burkina Faso voisin», explique Hama Maïgari, un vendeur de bois.
Faute d'arbres, le désert s'étend inéluctablement et «engloutit doucement les terres fertiles», au moment où «la population de plus en plus nombreuse en a besoin pour l'agriculture», déplore l'expert onusien.
Etat le plus fécond au monde, avec 7,6 enfants par femme, le Niger devrait voir sa population tripler d'ici 2050, pour passer de 17 à 56 millions d'habitants.
Les surfaces arables sont en ce sens autant de trésors pour un pays abonné aux crises alimentaires, notamment dues à la sécheresse et aux changements climatiques, où 80% de la population vit d'une agriculture de subsistance.
Face «au rythme alarmant des pertes des terres productives, la lutte contre la désertification est une urgence», assène le ministre de l'Environnement, Adamou Cheffou.
Les efforts des autorités sont plutôt fructueux: la consommation de gaz a plus que quintuplé en trois ans, passant de 3.000 tonnes en 2012 à plus de 17.000 tonnes en 2015, selon les statistiques gouvernementales.
Ce «bond important» permet de «sauver» 40.000 hectares de bois par an, se réjouit le forestier Ibro Adamou.
Mais au-delà des efforts gouvernementaux, «une vraie reconversion des mentalités» est nécessaire, affirme Moustapha Kadi, qui se désole que «certains ministres cuisinent encore au bois».