Les voleurs de rêve

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Abattre un arbre, c’est toucher à l’âme du monde, c’est le violenter avec la force aveugle et rugissante du développement.

Un arbre n’est pas juste un arbre, il n’est pas simplement ce que l'on voit de lui ou ce qu’il nous montre. Un arbre est bien plus qu’un tronc sur lequel poussent des branches et sur lesquelles poussent des feuilles. Dans les arbres on retrouve l’âme du monde, la Terre les portent comme elle porte les océans, ils sont les témoins valeureux et vigoureux de notre monde et de son histoire.

L'arbre symbolise cette douce poésie, parfois teintée de romantisme, parfois de mélancolie où l'on s'imagine les images d'autrefois de personnages déambulant dans des paysages bucoliques. Il est symbole de douceur et de joie de vivre, il nous fait rêver, il nous apaise, nous enlève nos maux, il nous fait grandir. L'arbre porte en lui le divin, il est à lui seul une forme de magie extraordinaire ! Plantez une graine en terre, donnez-lui un peu d’eau et de soleil, et cette graine n’aura qu’une envie ; se fendre, éclore, sortir de la terre pour aller toucher le ciel, pour aller à la rencontre du créateur. Une puissante volonté de vie anime une graine alors qu’elle n’a pas même éclos, elle est l'étincelle divine. Un peu de terre, de l’eau et du soleil et la voilà qu’elle s’éveille, prête à devenir cet arbre robuste qui traversera les âges.

J'ai la ferme sensation qu'il y a comme une jalousie dans l’esprit de certains hommes. L’arbre traverse les siècles, il se bonifie et grandit à chaque saison alors que l’homme peine à arriver à quatre-vingt ans en bonne santé. C’est à croire que la seule chose que l’homme autoriserait à lui survivre seraient ses propres créations, c’est-à-dire des canettes de soda dans les ruisseaux et des parkings. L’arbre dans toute sa magnificence est une insulte à l’égo de l’homme, il traverse les âges sans se soucier de lui et lui montre à quel point il n’est rien. Alors, l’homme pour se croire quelque chose, abat ce qui le ramène à sa propre condition de mortel ; tel un papillon de nuit éphémère ne supportant pas son évanescence.

Abattre un arbre, c’est nous priver de poésie et de spiritualité, comme si ce nouveau monde froid et lisse, gouverné par ce dieu obscure qu’on appelle « croissance » réclamait des sacrifices pour empêcher les humains de rêver, car un humain qui rêve n’est pas productif doivent marteler en cœur les hommes en cravate dans leurs tours de verre et d’acier…si loin du sol, si loin de la terre.

Protéger les arbres, les aimer, les chérir va bien au-delà de leur simple protection, se faisant, nous gardons l’âme du monde, nous protégeons nos rêves, nous sommes garants de l’œuvre de Dieu. Tout être qui protège les arbres est un gardien de la Terre. La Terre a besoin de plus de gardiens, car n’oublions pas que ce monde a besoin de poésie, l’être humain a besoin de beauté, il a besoin de s’émerveiller et le plus beau des émerveillements est celui que nous offre la nature dans sa grande générosité.

Le bonheur n’est pas d’avoir mais d’être. Le bonheur est d’être dans la nature, auprès des arbres, qui est notre vraie nature profonde et non de tenter de la posséder et de la contrôler au nom de motifs ridicules de développement. Le bonheur ne peut se construire au détriment de la nature, il est là partout autour de nous, gratuit, illimité, alors ne laissons pas les voleurs de rêve détruire la beauté du monde, ne les laissons pas nous ôter cette poésie car le jour où nous ne rêverons plus marquera le début de notre véritable esclavage.

Jérôme Garnier

Publié dans Nature

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Le Rallye Monte Carlo fait rage dans les vallées alpines...pendant que le monde s'effondre

Publié le par Notre Terre

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A l’heure où les bolides du rallye de Monte-Carlo font entendre les hurlements de leurs moteurs, au sein des vallées alpines, il n’est peut-être pas inutile de rappeler les propos de Greta Thunberg, lors du sommet sur le climat devant les Nations Unies. Après beaucoup d’autres, dont de très nombreux scientifiques, elle pousse un cri d’alarme:

« Des gens souffrent, des gens meurent, et des écosystèmes s'écroulent. Nous sommes au début d'une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez c'est d'argent, et de contes de fées racontant une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ?………….

L'idée commune qui consiste à réduire nos émissions de moitié dans dix ans ne nous donne que 50% de chances de rester en dessous des 1,5° de réchauffement, et du risque d’entraîner des réactions en chaîne irréversibles et incontrôlables.

Avec les niveaux d'émissions actuels, le budget CO2 aura entièrement disparu en moins de huit ans et demi………………

Comment pouvez-vous prétendre que ceci peut être résolu en faisant comme d'habitude, avec quelques solutions techniques ?

Les yeux de toutes les générations futures sont tournés vers vous. Et si vous décidez de nous laisser tomber, je vous le dis : nous ne vous pardonnerons jamais »

Elle s’adressait, au nom de la jeunesse, à des décideurs politiques. Des décideurs qui ont été élus, mais qui manquent de courage, ou qui sont influencés, voire, paralysés par les lobbys.

Alors, comment ne pas être affligé par tant d’aveuglement ou d’inconscience, quand le Maire de Gap, ose dire « Je suis un maire gâté, et fier de voir la plus belle épreuve automobile sur route partir de Gap (2019) » ou encore, en 2020 : « Il faut vivre la vie telle que nous devons la vivre » (?!) avant d’affirmer que « l’automobile participe aussi à l’écologie » et de souhaiter que « la course soit reconduite à Gap et dans les Hautes –Alpes pour l’édition 2021 »

 

Pour EELV05

Francine Daerden et Bernard Derbez

 

Publié dans Hautes-Alpes, Pollution

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Une forêt exceptionnelle du Gard décimée pour fournir du bois de chauffage

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Elle date de la dernière période glaciaire, abrite une hêtraie méditerranéenne rare et une biodiversité riche... Et pourtant, la forêt de Valbonne (Gard) est en train d’être en partie décimée afin de fournir du bois de chauffage. « La forêt est en danger », alerte une association, auteure de cette tribune.
Cette tribune est rédigée par la Frapna Ardèche (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature), une association membre de la fédération France nature environnement.

Une survivante. Rien de moins. La forêt de Valbonne, dans le Gard, est passée depuis l’ère glaciaire entre les gouttes du réchauffement climatique, des catastrophes naturelles et surtout de cette manie toujours vive chez les humains : abattre tout ce qui pousse. Aujourd’hui, le péril qui la menace mêle profits économiques et mauvaise gestion de l’Office national des forêts (ONF).

Pour mieux comprendre, rembobinons : cette forêt domaniale de plus de 1.380 hectares, nichée dans le nord du département du Gard, à la lisière de l’Ardèche, date de la dernière période glaciaire. Une partie de cette forêt est constituée par une hêtraie méditerranéenne, très rare. Le hêtre est une espèce qui a besoin d’une humidité atmosphérique assez forte et que l’on trouve dans les régions méditerranéennes au-dessus de 800 mètres. À Valbonne, le hêtre pousse bien plus bas. Les scientifiques ont longtemps pensé qu’elle avait été implantée par les moines de la Chartreuse auxquels elle appartenait depuis le XIIIe siècle, mais une étude du [CNRS|Centre national de la recherche scientifique] sur les charbons de bois fossiles prélevés dans les sols a montré qu’elle était beaucoup plus ancienne.

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À l’époque des Romains il y avait ainsi des forêts de plaines un peu partout. Elles ont toutes été coupées par les humains et en l’an 1000, il n’en restait plus. Cette hêtraie est donc rarissime à plus d’un titre. Elle abrite une biodiversité riche, mêlant des espèces de milieu plus froid et d’autres méditerranéennes.
« Elle est une sorte de conservatoire, une ressource génétique intéressante pour les chercheurs »

Le lieu est composé également de forêts de chênes verts gérées avec respect depuis près d’un siècle, leur faisant atteindre un stade de maturité remarquable et de chênaies blanches à houx. Plus d’une dizaine d’espèces d’orchidées, de nombreux reptiles et amphibiens, oiseaux… ainsi qu’une végétation très diversifiée y ont été recensés. Cette faune et cette flore ne sont pas rares en soi, mais c’est leur présence à cet endroit qui est rare. Il est exceptionnel de voir ici l’érable à feuille d’obier par exemple ou les grenouilles agiles. L’intérêt de la forêt est déjà connu et reconnu par tous puisque Valbonne est située dans sa plus grande partie dans un site Natura 2000 et en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I. Elle fait également partie des « forêts anciennes à haute valeur de conservation » du [WWF|Fonds mondial pour la nature].

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Rajoutons qu’en plus d’être une survivante, la forêt de Valbonne est une vigie pour le changement climatique. Elle a vécu la dernière période de réchauffement et elle a su s’adapter. Pour les scientifiques, ses atouts sont indiscutables. Jean-Paul Mandin, docteur en écologie et fervent défenseur de la forêt, rappelle ainsi qu’elle est « une sorte de conservatoire, une ressource génétique intéressante pour les chercheurs ». Même si les hêtres ont souffert des sécheresses de ces dernières années, ils sont toujours debout.

Aujourd’hui pourtant, malgré ses atouts indéniables, la forêt de Valbonne est en train d’être en partie décimée, coupée, tranchée, empilée dans le simple but de fournir du bois de chauffage. Le non respect du plan d’aménagement initial (document établi par l’ONF pour la gestion de la forêt), qui était déjà très agressif, engendre des dommages irréversibles. Les cloisonnements d’exploitation, trouées réalisées pour faire entrer et sortir les engins et le bois coupé, concernent une surface importante, source de dessèchement des sols et de fragmentation de la forêt très préjudiciables aux espèces-hôtes qui y vivent.

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La forêt est en danger. La Frapna Ardèche, l’association Terre d’Avenir, ainsi que de nombreux maires des communes environnantes et la population locale très attachée à ce lieu et consciente de sa préciosité se sont unis pour relayer cet appel. La pétition contre la destruction de la forêt a déjà réuni plus de 4.500 signatures.

Le 22 janvier 2020, le sort de cet espace exceptionnel sera tranché lors d’une audience au tribunal de Nîmes. La forêt n’a pas de voix, son cri est inaudible, alors, nous, promeneurs, population locale, associations et élus nous nous chargeons de vous faire parvenir ce cri. Entendrez-vous l’appel de la forêt de Valbonne ?

Source : reporterre.net

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Le gouvernement a créé une cellule militaire pour surveiller les opposants à l’agro-industrie

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Bienvenue dans la France de Pétain

Démocratie? Où es tu? Liberté? Où vas tu?

L'intouchable lobby de l'agro-business a maintenant son service de renseignement et sa police d'état, armée, et capable d'emprisonner quiconque a l'indécence de défendre la vie sur terre avec un peu trop de véhémence.

Le gouvernement veut « faire taire tous ceux qui mènent des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle », dénoncent de multiples défenseurs de l’agriculture paysanne et biologique, réunis dans cette tribune. Ils s’inquiètent fortement de la création de la cellule de renseignement Demeter, lancée fin octobre, soi-disant destinée à lutter contre l’« agribashing ».

Il y aura un avant et un après Demeter. Le 13 décembre, le ministre de l’Intérieur de la République française Christophe Castaner s’est rendu dans le Finistère en compagnie de la présidente de la FNSEA Christiane Lambert. Dans le cadre d’une convention signée entre son ministère et ce syndicat agricole. Cette première anomalie démocratique — depuis quand la police républicaine est-elle aux ordres d’une structure privée ? — n’est pas la dernière, de loin.

En effet, ce voyage avait pour but principal de lancer une cellule de la gendarmerie nationale appelée Demeter, la déesse grecque des moissons. Et marque reconnue, depuis des lustres, de l’agriculture sans pesticides. Quel en est le but affiché ? La lutte contre « l’agribashing ». Ce terme est une invention des communicants de la FNSEA, qui prétend sans en apporter la moindre preuve qu’on assisterait en France à une entreprise concertée de dénigrement du monde agricole. Elle permet à ce syndicat de maintenir ce qu’elle fait depuis des dizaines d’années : une pression lobbyiste pour obtenir en retour des avantages économiques.

Le ministre, confronté avec son gouvernement à une situation politique difficile, a donc décidé de jouer ce rôle dangereux, affirmant par exemple : « Depuis quelques années, un phénomène grandit, inacceptable. De plus en plus, nos agriculteurs sont visés par des intimidations, des dégradations, des insultes. »

Empêtré dans cette imprudente déclaration, le ministre démontre dans le même texte qu’il est incapable de prouver par le moindre fait la réalité de ce phénomène. Les chiffres qu’il cite pour 2019 parlent d’eux-mêmes : sur la base de 440.000 exploitations agricoles, les plaintes portent sur 314 tracteurs volés, 24 vols avec violence, 657 voitures dérobées.

Encore faut-il préciser que les vols avec violences ont diminué en un an de 31,4 %. La plupart des centres urbains se damneraient pour de telles statistiques. Il est visiblement plus simple de mobiliser la police que de régler la situation dramatique de la paysannerie française.

Il y a encore plus grave. Volontairement, n’en doutons pas, M. Castaner mélange dans un stupéfiant gloubi-boulga la délinquance vile — cambriolages, vols de matériel, incendies, dégradations —, les occupations de terres agricoles par des gens du voyage, les actions antifourrure ou antichasse. C’est mettre sur le même plan criminel le vol, le droit des populations nomades, celui de la critique sociale et politique.

Il y a encore plus grave. M.Castaner entend s’attaquer dans le cadre de Demeter, ainsi qu’il l’écrit, aux « actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou physiques ». Cette fois, on aura compris : il s’agit de faire taire tous ceux qui mènent des actions symboliques contre le système de l’agriculture industrielle, dont la FNSEA est le principal soutien.

La démocratie, ce n’est pas pactiser avec les lobbies dans le dos de la société

Qui mène « des actions symboliques » contre ce système ? Le mouvement des Coquelicots, qui réclame la fin des pesticides, soutenu par un million de citoyens. Les maires qui prennent des arrêtés contre ces poisons chimiques. Des dizaines de milliers de paysans qui ont déjà choisi l’agriculture biologique. Beaucoup d’autres, qui défendent le modèle de l’agriculture paysanne contre les projets délirants d’usines à vaches, à cochons ou à poulets. Et au total des centaines de milliers de citoyens engagés contre l’importation massive de soja transgénique et donc l’élevage industriel, contre la mort des oiseaux et des insectes, pour des rivières débarrassées de la pollution et des rivages sans algues vertes, enfin pour une alimentation de haute qualité.

Il ne fait aucun doute, à nos yeux, qu’une ligne a été franchie. La démocratie, ce n’est pas pactiser avec les lobbies dans le dos de la société. Et quand le ministre parle « d’améliorer [la] coopération avec le monde agricole et de recueillir des renseignements », chacun comprend ce que cela veut dire. Cela signifie l’intimidation accrue de tous les adversaires décidés de la FNSEA, qui passe nécessairement par la surveillance électronique et informatique, d’éventuelles écoutes téléphoniques, voire des filatures, des infiltrations, ou pire encore, la délation. Bienvenue dans la France pétainiste!

Nous prévenons solennellement le gouvernement que nous refusons cette criminalisation et que nous demandons le démantèlement de la cellule Demeter. Notre contestation de l’agriculture industrielle, non-violente, se fait et se fera au grand jour, dans la conviction d’exprimer la volonté majoritaire de la société française. Nous voulons beaucoup de paysans, beaucoup plus de paysans, heureux et fiers de leur métier, enfin payés au prix convenable pour leur participation au bien commun. C’est en effet un autre monde que celui de la FNSEA.

  • Liste des signataires :

- Valérie Murat, porte-parole de l’association Alerte Aux Toxiques !
- Pierre-Michel Périnaud, président d’Alerte des médecins sur les pesticides
- Sylvie Nony, secrétaire d’Alerte Pesticides Haute Gironde
- Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre
- Jean-francois Lyphout, président de l’Aspro-Pnpp
- Pierrick De Ronne, président de Biocoop
- Gwenola Kervingant, présidente de Bretagne Vivante
- Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de Canopée
- Michel Besnard, du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest
- Marie-Lys Bibeyran, du Collectif Info Médoc Pesticides
- Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne
- Joël Spiroux de Vendômois, président du Criigen
- Alain Bonnec, président d’Eau et rivières de Bretagne
- Jean-Luc Toullec, président de la Fédération Bretagne Nature Environnement
- Guillaume Riou, président de la FNAB
- Eric Feraille, directeur de FNE Aura
- François Veillerette, directeur de Générations futures
- Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France
- Arnaud Apoteker, délégué général de Justice Pesticides
- Daniel Cueff, maire de Langouët (35)
- Patrick Lespagnol, président du Mouvement de l’Agriculture Bio-Dynamique
- Eliane Anglaret, présidente de la fédération Nature & Progrès
- Fabrice Nicolino, président de Nous voulons des coquelicots
- Jean-Yves Bohic, président de Ragster
- Carole Le Bechec, présidente du Réseau Cohérence
- Jean-François Baudin, président du Réseau Amap Auvergne-Rhône-Alpes
- Florent Mercier, co-président du Réseau Semences Paysannes
- Jacky Bonnemains, directeur de Robin des bois
- Thierry Thévenin, porte-parole du syndicat Simples
- Gilles Lanio, président de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF)
- Benjamin Sourice, co-président de Combat Monsanto

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L’ONU propose de protéger 30 % de la planète d’ici à 2030

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La COP15 sur la diversité biologique prévue en octobre devrait aboutir sur des accords mondiaux pour sauver la biodiversité. Une première ébauche de texte prévoit la protection d’un tiers de la surface de la Terre.

biodiversité

Enrayer l’érosion de la biodiversité, gérer les ressources de manière durable et restaurer les écosystèmes. Telles sont les missions de la 15e Conférence des parties (COP15) de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), programmée en octobre à Kunming, en Chine, sur le modèle des conférences climat. Des négociations internationales doivent y aboutir à l’adoption d’une feuille de route mondiale pour sauver l’ensemble des écosystèmes.

Pour amorcer ces négociations, la CDB a publié, lundi 13 janvier, une première ébauche de texte comprenant 17 objectifs, parmi lesquels une proposition ambitieuse : protéger au moins 30 % de la planète – terre et mer – d’ici à 2030. « L’objectif est de stabiliser le taux de perte de biodiversité d’ici à 2030, puis de faire en sorte que cette biodiversité augmente de nouveau d’ici à 2050 en laissant les écosystèmes se régénérer », explique Aleksandar Rankovic, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales, chargé du dossier COP15.
Le texte reprend des conclusions du Groupe international d’experts sur la biodiversité de l’ONU. Dans un vaste rapport publié en mai 2019, ils soulignaient le rôle de l’agriculture, de la déforestation, de la pêche, de la chasse, du changement climatique, des pollutions et des espèces invasives dans la dégradation accélérée de la nature.

Un million d’espèces menacées d’extinction

Selon ce rapport, 75 % de l’environnement terrestre a été « gravement altéré » par les activités humaines et 66 % de l’environnement marin est également touché. Résultat : environ un million d’espèces animales et végétales sur les quelque 8 millions estimées sur Terre sont menacées d’extinction, dont « beaucoup dans les prochaines décennies ». Près de 23 % des oiseaux, 25 % des plantes, 33 % des récifs coralliens, 40 % des amphibiens, 10 % des insectes et plus d’un tiers des mammifères marins sont menacés.

Pour enrayer ce déclin rapide de biodiversité, le groupe de travail du CDB a proposé d’amener à 30 % le taux d’aires terrestres protégées et au même nombre celui des aires marines protégées. Aujourd’hui, les zones protégées représentent 17 % des surfaces terrestres, soit environ 20 millions de kilomètres carrés (un peu plus de la superficie du Canada et des Etats-Unis réunis) et 10 % des zones maritimes. A titre d’exemple, le Brésil possède le plus grand système d’aires protégées terrestres au monde, avec 2,47 millions de kilomètres carrés (km2). A l’inverse, le Moyen-Orient a le taux de protection terrestre le moins élevé, environ 3 %, ce qui équivaut à environ 119 000 km2.

« Le chiffre de 30 % de surfaces protégées est ambitieux, mais il ne sort pas de nulle part, explique David Ainsworth, porte-parole de la Convention sur la diversité biologique. En un an, le groupe de travail du CDB a regroupé les demandes des gouvernements, les conseils des scientifiques et les consultations de la société civile. Ce chiffre a été discuté et un consensus a été trouvé. » Dans ces 30 %, 10 % des zones protégées devraient être en état de « protection stricte », « c’est-à-dire qu’aucune activité humaine, comme la pêche ou l’agriculture, même réglementées, ne peut y avoir lieu », poursuit le porte-parole.

Objectifs ambitieux

Autre objectif de la COP15 : relier climat et biodiversité. En effet, l’érosion de cette dernière a beau être flagrante, elle peine à sortir de l’ombre que lui fait la crise climatique.

« Aujourd’hui il y a une déconnexion entre le climat et la biodiversité, aussi bien de manière locale qu’internationale, confirme le chercheur français Aleksandar Rankovic. La CDB propose des moyens pour rapprocher les deux conventions et ainsi lier les accords sur la biodiversité aux accords de Paris sur le climat. » Carlos Manuel Rodriguez, le ministre de l’énergie et de l’environnement du Costa Rica, très impliqué dans les discussions, a insisté sur ce lien en s’exprimant sur le document rendu public le 13 janvier : « Nature et climat sont les deux faces d’une même médaille et nous devons affronter les deux crises de manière agressive, dans tous les secteurs et avec le même objectif. »

Parmi les autres points abordés dans l’ébauche de texte figurent une réduction d’au moins 50 % de la pollution causée par l’excès de pesticides, de déchets plastiques et d’autres sources de pollution, une utilisation durable de toutes les ressources d’ici à 2030 ou encore la préservation ou l’augmentation de la diversité pour 90 % des espèces d’ici à 2050.

Autant d’objectifs ambitieux, selon les observateurs. Mais « jusqu’au coup de marteau final de la COP rien n’est joué, prévient Aleksandar Rankovic. D’ici aux négociations, il faut alerter sur ces textes pour que les discussions ne se limitent pas à la convention et que l’ensemble des populations se manifestent ».

Enfin, le rendez-vous de Kunming pourrait acter de l’échec de la stratégie biodiversité menée ces dix dernières années. En 2010, lors de la COP10 au Japon, la CDB avait adopté des accords dits « objectifs d’Aïchi », qui établissaient vingt points à atteindre pour 2020. Dix ans plus tard, le constat est amer : la plupart des objectifs, notamment le fait de diviser par deux le taux de perte des habitats naturels, n’ont pas été atteints. « Nous aurons les résultats exacts au terme de la période 2011-2020, mais nous savons déjà que beaucoup ne seront pas réalisés », admet David Ainsworth.

« Rendre des comptes »

« Les accords précédents, bien qu’ambitieux, ressemblaient plutôt à une liste de vœux pieux, souligne Aleksandar Rankovic. Il y avait beaucoup d’engagements mais très peu de chiffres. L’ébauche publiée aujourd’hui propose des objectifs précis, chiffrés, ainsi que des modalités de suivi et de moyens mieux pensés. Elle crée également un cadre dans lequel les pays vont devoir se rendre des comptes. »

Des ONG regroupées dans la coalition Campaign for Nature s’inquiètent cependant que « le texte n’inclue pas certains concepts-clés comme la gestion des zones protégées, ou l’équité entre les populations, qui sont essentiels à une protection et une conservation efficaces ». Elles poussaient depuis un an pour que le chiffre de 30 % soit inscrit dans le texte en débat.

« Des scientifiques, des centaines d’organisations et des millions de personnes dans le monde ont appelé les nations à se rassembler et à s’engager à protéger au moins 30 % de la planète d’ici à 2030, confirme Brian O’Donnell, directeur de Campaign for Nature. Le projet d’aujourd’hui montre que les pays sont à l’écoute et qu’ils reconnaissent l’importance croissante du rôle de la protection des terres et des eaux. Il s’agit d’une première étape très encourageante. Mais il reste encore beaucoup à faire dans les prochains mois. »

Plusieurs sessions de discussions vont se dérouler d’ici à la COP15. Certains pays devraient être moteurs des négociations, parmi lesquels l’Union européenne mais aussi le Costa Rica, la Colombie et le Mexique. « La Chine, qui va accueillir la COP, espère également les résultats les plus ambitieux, concrets et crédibles possibles », observe Aleksandar Rankovic.

A l’inverse, de grands acteurs, comme le Brésil, restent pour l’instant en situation de blocage dans les discussions préliminaires. Quant aux Etats-Unis, ils sont le seul pays, avec le Vatican, à n’avoir pas ratifié la Convention sur la diversité biologique – « un problème de moins dans les négociations », aux yeux de certains observateurs. « Les objectifs de ce texte assument une ambition forte, souligne Aleksandar Rankovic. Il faudra désormais qu’ils résistent au test à l’acide des négociations avant et pendant la COP15. »

Publié dans Les bonnes nouvelles

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