Intempéries en Europe : ce que prévoyait (déjà) le premier rapport du GIEC de 1990

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Alors que des pluies extrêmement abondantes prennent le vieux continent de court, les experts du GIEC tirent la sonnette d'alarme depuis trente ans.

inondations-Allemagne

Lunettes rectangulaires et costume couleur crème, Jean-Pascal Van Ypersele, professeur de climatologie à l'Université catholique de Louvain, invité jeudi sur le plateau de la RTBF, lit le premier rapport du GIEC publié en 1990. "L'effet de serre accentuera les deux extrêmes du cycle hydrologique, c'est-à-dire qu'il y aura plus d'épisodes de pluies extrêmement abondantes et plus de sécheresses prononcées." Trente ans plus tard, ces prévisions semblent se réaliser. Vendredi, le bilan des intempéries dévastatrices en Europe a passé samedi la barre des 150 morts, la plupart en Allemagne, où les secours continuent à rechercher de nombreuses personnes portées disparues.  

"On ne peut pas dire que nous n'avons pas été avertis", soupire le climatologue à la télévision belge. Depuis les années 90, le GIEC alerte sur les dangers liés au réchauffement climatique risquant d'entraîner une alternance d'épisodes de chaleurs intenses avec des épisodes de très fortes précipitations. "Certaines des conséquences de l'évolution du climat, l'élévation du niveau de la mer par exemple, se manifesteront lentement, mais de façon continue, tandis que d'autres, telles que le déplacement des zones climatiques - qui affectera la fréquence de certaines conditions comme les crues, les inondations, les sécheresses et les perturbations violentes - pourraient être tout à fait imprévisibles", estimait le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat il y a 31 ans.  

"Mais c'est surtout dans le troisième rapport du groupe d'experts mandaté par l'ONU - en 2001 - qu'il est prévu une intensification des événements extrêmes", complète Jean Jouzel, climatologue, ancien vice-président du groupe scientifique du GIEC et membre de l'Académie des sciences, contacté par L'Express. Malgré les alertes de la communauté scientifique, les autorités ferment les yeux devant les rapports du GIEC. Outre-Rhin, ces intempéries sont la pire catastrophe naturelle dans ce pays depuis la Seconde Guerre mondiale. De nombreux villages de l'ouest de l'Allemagne présentent une image de désolation. Dans cette vaste zone affectée par les inondations subites causées par des pluies diluviennes, le nombre de victimes a augmenté à au moins 103 morts, selon les autorités locales.  

En 1990, le GIEC atteste d'une augmentation de 3 °C

"Ce que nous vivons aujourd'hui avait été anticipé. Le fait que les modèles climatiques aient correctement envisagé l'évolution du climat doit nous inciter à les prendre au sérieux", continue Jean Jouzel. En Allemagne et en Belgique, les intempéries ont été provoquées par une masse d'air froid qui se fixe au-dessus d'une zone géographique précise. Le chercheur belge François Gemenne, membre du GIEC et originaire de Liège, fortement touchée par les inondations expliquait dans L'Express : "Il faut d'abord comprendre que le réchauffement climatique amplifie l'intensité des phénomènes existant." En d'autres termes, si l'on ne réduit pas nos émissions de CO2, il fera plus chaud et le climat sera de plus en plus déréglé.  

"Ce dont on était certains dans le premier rapport du GIEC, c'est que si on continuait à émettre des gaz à effet de serre, les températures augmenteraient au cours du XXIe siècle", reprend Jean Jouzel. Déjà, en 1990, le GIEC prévoyait une hausse maximale de 3°C de la température moyenne du globe à la fin du XXIe siècle. Ces estimations ne cesseront d'augmenter au fil des années. Le deuxième rapport du GIEC atteste d'une augmentation de 3,5°C, puis 3,6 °C en 2001 avant une prévision maximale à 4 °C en 2007. Par ailleurs, les premiers travaux du groupe scientifique établissaient aussi "les émissions dues aux activités humaines accroissent sensiblement la concentration dans l'atmosphère des gaz à effet de serre : dioxyde de carbone, méthane, chlorofluorocarbones (CFC) et oxyde nitreux".

 

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La métaphore de la baignoire explique tout le problème de la crise climatique

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Réduire les émissions de CO2 de 50 % ne règlera, hélas, pas notre problème de moitié. La métaphore de la baignoire permet de comprendre très facilement pourquoi la neutralité carbone est indispensable pour contenir la crise climatique.

baignoire qui déborde

Ne plus générer aucune émission de CO2 dans l’atmosphère, l’objectif semble impossible à atteindre. Face à ce défi vertigineux, certains se rassurent en se disant que si on les réduit déjà de 50 %, le problème sera au moins réglé de moitié. Cela ne fonctionne malheureusement pas du tout comme cela. Souvent utilisée pour expliquer ces enjeux, la métaphore de la baignoire permet de comprendre très facilement la difficulté qui se pose ici.

Le nœud du problème, avec les gaz à effet de serre, c’est que le principal d’entre eux, le dioxyde de carbone (CO2), demeure très longtemps dans l’atmosphère. La partie de CO2 qui sera le plus vite absorbée mettra déjà une centaine d’années à l’être. Mais un cinquième environ du CO2 mettra plus de 10 000 ans à quitter l’atmosphère. Pour cette raison, on peut comparer l’atmosphère à une baignoire : le CO2 qu’on émet en ce moment va rejoindre le CO2 qu’on a émis, notamment ces 150 dernières années.
Ne pas faire déborder la baignoire

Problème : cette baignoire est déjà quasi remplie. Avant l’ère industrielle, le cycle du carbone était relativement équilibré : la quantité de carbone émis était assez proche de celle qui était recapturée (par les végétaux notamment). Celle présente dans l’atmosphère était donc relativement stable (autour de 2240 milliards de tonnes de CO2). Tout a basculé lorsque l’humanité a commencé à exploiter des gisements de combustibles fossiles composés de carbone — des végétaux comprimés dans les couches en sous-sol, qui se sont transformés en pétrole, charbon ou gaz naturel, au fil de millions d’années. Subitement, nous nous sommes mis à émettre des quantités bien plus importantes de gaz à effet de serre.

« En un siècle et demi, les activités humaines ont ajouté environ 917 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère par la combustion d’énergie fossile, les processus industriels et la déforestation », souligne un rapport de Carbone 4.

Bilan : la baignoire est désormais pleine. Et si l’on réduit le débit d’eau de 50 %, cela ne règlera pas du tout le problème de moitié. Tant que le robinet reste ouvert, l’eau va continuer de monter et la baignoire finira par déborder, ce qui veut dire plus concrètement que la hausse de température atteindra un niveau particulièrement dangereux. Le surplus de carbone que nous avons produit induit en effet déjà une augmentation de la température moyenne à la surface, précise Carbone 4. Chaque fois que nous en ajoutons, cette hausse de température s’accentue et devient plus problématique encore.

Une hausse de 1 ou 2 degré aura un impact majeur

La situation est d’autant plus inquiétante que des variations de température moyenne qui pourraient nous sembler légères provoquent en réalité des bouleversements majeurs. Il y a 20 000 ans, trois grands continents étaient recouverts de glace. La température moyenne de la Terre n’était pourtant que de six degrés de moins. Cela s’explique par plusieurs facteurs notamment le fait que ces hausses de température de quelques degrés sont des hausses moyennes : sur la planète, elles ne se traduiront donc pas par une hausse uniforme de 1 ou 2 degrés, mais par des situations très variées, et plus ou moins extrêmes. L’autre élément à garder en tête est que la température n’a pas qu’un impact sur le ressenti des humains : elle a des interactions complexes avec le cycle de l’eau, la faune, la flore, bref, l’écosystème global. Un changement d’apparence léger peut donc avoir des effets qui feront boule de neige.

On sait qu’un réchauffement de 1,5 degré provoquera déjà des problèmes majeurs (et l’on ne mesure pas toute l’étendue potentielle de ces impacts). Allez au-delà de ce seuil, qui est celui visé par les Accords de Paris, fera donc courir à l’humanité un danger plus grave encore.

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L’écologie est déjà dans la Constitution, il suffit d’appliquer les textes

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Inscrire la protection de l'environnement dans la Constitution est une bonne idée. Mais cela a déjà été fait. Reste maintenant à faire appliquer les textes existants.

rivière-forêt

La déception était visible dans les rangs de la majorité ce mardi 6 juillet 2021. Le Sénat a refusé de voter la version du texte, proposé par l’Assemblée nationale, pour inscrire la protection du climat dans la Constitution. « Depuis huit mois, les sénateurs s’opposent de façon brutale à cette inscription dans la Constitution et à la possibilité des Français de trancher cette question par référendum », a déploré le député LREM et rapporteur du projet de loi, Pieyre-Alexandre Anglade, note Les Échos.

Ce désaccord contraint le gouvernement à stopper son processus de révision constitutionnelle. « C’est profondément regrettable », a conclu le Premier ministre qui a dénoncé ceux qui « refusent de voir la réalité en face » au sujet de la crise climatique et « privilégient une approche idéologique ». Ces déclarations choc oublient de donner une précision cruciale : la préservation de l’environnement est, en réalité, déjà inscrite dans la Constitution française depuis plus de quinze ans.Inscrire la protection de l'environnement dans la Constitution est une bonne idée. Mais cela a déjà été fait. Reste maintenant à faire appliquer les textes existants.

La déception était visible dans les rangs de la majorité ce mardi 6 juillet 2021. Le Sénat a refusé de voter la version du texte, proposé par l’Assemblée nationale, pour inscrire la protection du climat dans la Constitution. « Depuis huit mois, les sénateurs s’opposent de façon brutale à cette inscription dans la Constitution et à la possibilité des Français de trancher cette question par référendum », a déploré le député LREM et rapporteur du projet de loi, Pieyre-Alexandre Anglade, note Les Échos.

Ce désaccord contraint le gouvernement à stopper son processus de révision constitutionnelle. « C’est profondément regrettable », a conclu le Premier ministre qui a dénoncé ceux qui « refusent de voir la réalité en face » au sujet de la crise climatique et « privilégient une approche idéologique ». Ces déclarations choc oublient de donner une précision cruciale : la préservation de l’environnement est, en réalité, déjà inscrite dans la Constitution française depuis plus de quinze ans.

La protection de l’environnement est déjà dans la Constitution

La Charte de l’environnement a en effet été inscrite, en 2005, dans le bloc de constitutionnalité du droit français. Elle a donc autant de poids que la Constitution de 1958 ou la Déclaration des droits de l’homme. « Et son texte pose noir sur blanc ce devoir de préserver l’environnement », souligne l’avocat spécialisé en droit public et droit de l’environnement, Arnaud Gossement, contacté par Numerama. Il est ainsi possible d’invoquer la charte de l’Environnement auprès des administrations et des parlementaires, s’ils élaborent des textes de droit (loi, règlement, etc.) qui entrent en conflit avec cet objectif.

« Et si les alerter ne suffit pas, il est possible d’invoquer la Charte de l’Environnement devant un juge », précise Me Gossement. On peut ainsi demander au Conseil constitutionnel ou au Conseil d’État d’invalider des lois non conformes à cette charte. «  La charte de l’Environnement existante est extrêmement bien rédigée », précise Arnaud Gossement. Si le projet du gouvernement qui vient d’être retoqué fixait globalement un objectif de protection de l’environnement similaire à celui de la Charte, il ne le détaillait par exemple pas aussi précisément qu’elle. « Dans le texte qui a été refusé, c’est à la France qu’était posé un devoir de protection, or la France n’est pas un sujet de droit, vous ne pouvez pas lui passer les menottes. Cela suggère que ce projet avait une portée plus symbolique qu’autre chose. La charte de l’Environnement qui existe déjà pose, en revanche, ce devoir à ‘toutes personnes’, ce qui est bien plus précis : cela englobe les personnes physiques et morales, et le droit peut en effet s’appliquer à elles », explique Me Gossement.

Préserver l’environnement ne suffit plus

La charte de l’Environnement pose par ailleurs des contraintes plus fortes que celles que le projet porté par le gouvernement contenait. Elle ne se contente ainsi pas de fixer un devoir de préservation de l’environnement, mais également un devoir d’amélioration. « C’est important car dans certaines zones, où l’environnement est très dégradé, la préservation seule n’est pas suffisante, il faut améliorer la situation », souligne l’avocat spécialisé en droit de l’environnement et droit public. La Charte de l’Environnement constitue en somme déjà un outil juridique puissant en faveur de l’écologie. Et ce qui manque n’est pas tant un texte supplémentaire, que l’application de ce texte qui existe déjà.

Cela nécessite bien sûr de mieux informer sur ce que la loi permet ou interdit. Mais cela requiert surtout que les moyens alloués par l’État, au contrôle du bon respect des textes de loi, soient accrus. Il ne suffit pas d’interdire aux entreprises de polluer ou d’émettre du CO2 : il faut s’assurer qu’elles respectent bien leurs obligations, en envoyant régulièrement des inspecteurs chargés de contrôler ces points. Le gouvernement rechigne hélas à investir franchement dans l’environnement. Pour preuve, en pleine crise climatique, France Info révèle que les effectifs du ministère de la Transition écologique — déjà régulièrement réduits — risquent de l’être encore davantage.

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Un nouveau rapport vient renforcer les liens entre l’exposition aux pesticides et six maladies

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Une vaste analyse de 5 200 études établit une « présomption forte » de lien entre six maladies, dont deux nouvelles, et l’exposition des professionnels.

Pendant trois ans, une douzaine d’experts de l’Inserm a épluché 5 200 études internationales traitant des liens entre les pesticides et la santé humaine. En 2013, une première expertise collective du même type avait conclu à une "«" présomption forte » de lien entre l’exposition professionnelle à certains pesticides et quatre maladies : Parkinson et trois cancers (prostate, lymphomes non hodgkiniens, myélomes multiples).

Troubles cognitifs et maladies respiratoires

La nouvelle analyse, présentée mercredi 30 juin, confirme ces présomptions et en alourdit d’autres. Ainsi, l’épidémiologiste Isabelle Baldi (Inserm Bordeaux) confirme « un lien renforcé pour les troubles cognitifs chez les adultes professionnels (agriculteurs) ». En 2013, l’analyse évoquait une « présomption moyenne ».

Les maladies respiratoires n’avaient pas été étudiées en 2013, toujours chez les agriculteurs, il y a présomption forte de lien entre la broncho-pneumopathie chronique (BPCO) et certains pesticides, particulièrement les organophosphorés. Dans de nombreux cas, souligne la chercheuse, on peut évoquer des liens avec les pesticides en général, mais « il est difficile de descendre dans les familles de pesticides et encore plus dans les molécules. »
Focus sur le glyphosate et les fongicides SDHI

Se focaliser uniquement sur les pesticides les plus décriés, « le glyphosate et les SDHI, serait une erreur », prévient le toxicologue Xavier Coumoul. Le rapport fait cependant un focus sur ces produits. Concernant le glyphosate, l’expertise conclut à une présomption moyenne de lien avec les lymphomes non hodgkiniens, mais seulement avec eux dans l’état actuel de la recherche.

Pour les fongicides SHDI, « il n’existe à ce jour pratiquement aucune donnée épidémiologique portant sur les effets de ces substances sur la santé des agriculteurs ou de la population générale », constatent les chercheurs. Selon eux, les effets cancérogènes trouvés chez des rats et souris ne sont pas extrapolables.

Le chlordécone aux Antilles

Hors exposition professionnelle, forte et directe, les indices de liens sont moins solides. Sauf pour le chlordécone, le pesticide interdit mais encore persistant dans les sols antillais, pour qui le lien avec l’augmentation des cancers de la prostate « est vraisemblable ».
Cependant il y a « présomption de lien fort » entre une exposition « domestique » de mères et les leucémies aiguës de leur enfant. Et une exposition professionnelle du père, avant conception, pourrait avoir un lien avec la leucémie aiguë lymphoblastique pédiatrique…

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Climat : le Conseil d'Etat donne neuf mois à la France pour prendre "toutes les mesures" pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre

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L'ancien maire de la ville de Grande-Synthe (Nord), le député européen écologiste Damien Carême, avait saisi le Conseil d'Etat en janvier 2019 pour dénoncer l'"inaction climatique" de la France.

Une décision sans précédent. L'Etat a neuf mois pour prendre des mesures supplémentaires, afin d'atteindre l'objectif de baisse de 40% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, ordonne le Conseil d'Etat, jeudi 1er juillet.

La plus haute juridiction administrative française, saisie par la commune de Grande-Synthe (Nord), a relevé que les trajectoires actuelles de la France ne lui permettent pas de respecter ses engagements dans le cadre de l'accord de Paris. Elle ordonne donc "au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre (...) afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs" de la France d'ici le 31 mars 2022.

L'ancien maire de la ville de Grande-Synthe, le député européen écologiste Damien Carême, avait saisi le Conseil d'Etat en janvier 2019 pour dénoncer l'"inaction climatique" de la France. La requête de Grande-Synthe auprès de la juridiction note que la commune littorale est "particulièrement exposée aux effets du changement climatique", notamment les risques d'inondations.

Le 19 novembre dernier, le Conseil d'Etat avait donné trois mois au gouvernement pour "justifier (...) que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030".

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