Des spécialistes roumains à la rescousse des pollens d'abeille français
Les abeilles font l'objet de beaucoup d'attention depuis que la société a pris conscience de leur déclin. Souvent les agrosystèmes fragilisés, désinsectisés et désherbés n'apportent plus la continuité des ressources alimentaires nécessaires à la vie des pollinisateurs, les rendant naturellement vulnérables face aux maladies. A alors émergé l'idée de suivre au cours des saisons la qualité et la quantité des approvisionnements en pollen à la disposition des ruches dans une région agricole. L'ICDA (Institut de Recherche et Développement en Apiculture) de Bucarest et l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) de Surgères se sont associés pour identifier et analyser les ressources de pollen qu'exploitent les colonies d'abeilles dans le Centre-Ouest de la France en Charente-Maritime.
Dr Cristina Mateescu est spécialiste en apithérapie et en biochimie des produits de la ruche à l'ICDA. A ce titre, elle a animé pendant deux ans ce programme de recherche qui s'est déroulé en France et en Roumanie selon les spécialités des deux laboratoires. L'organisme roumain pratique des analyses de produits apicoles au service des apiculteurs mais aussi à des fins de fabrication de médicaments. L'équipe INRA Entomologie travaille sur l'impact des pratiques agricoles auprès des abeilles, alors que le laboratoire voisin EASM quant à lui, effectue des analyses de lipides pour les volailles et porcs.
Les travaux d'identification florale de palynologie se sont déroulés à Surgères, ainsi qu'une partie des analyses physico-chimiques. Les roumains sont venus à deux reprises en Poitou-Charentes, pour mettre au point une nouvelle méthode d'extraction des cholestérols, alors que les français sont aussi allés à l'Institut de Bucarest pour préparer et observer différents dosages de glucides.
Les résultats de cette étude montrent que dans cette région agricole les plantes qui ont le plus d'impact sur la qualité des pollens rapportés à la ruche semblent être les crucifères et les cultures de maïs. La moutarde et le colza ont un impact positif très marqué sur les acides gras insaturés. Coquelicot et cornouiller permettent des apports très importants en quantité et en qualité. La période déficitaire du point de vue de la qualité se situe au moment où les populations d'abeilles sont à leur maximum. Elles se tournent alors sur le pollen de maïs, qui contient peu de protéines et de lipides. Une des conséquences directes au niveau de la colonie peut être la réduction de l'élevage des larves, qui pourrait à terme affaiblir les populations d'hiver et augmenter la mortalité différée des ruches au printemps suivant.
Ces résultats sont intéressants pour la réflexion des plans de transhumances apicoles, ou sur l'impact des jachères florales mises en place dans le cadre des MAE (mesures agro-environnementales). Ils permettent d'identifier dans un premier temps des espèces attractives pour les abeilles qui pourraient être implantées sur les critères de la teneur en lipides et protéines de leur pollen. Ils peuvent aussi contribuer à l'étude du phénomène d'affaiblissement des cheptels apicoles qui concerne maintenant toute l'Europe.
Ce programme franco-roumain de coopération a permis de mutualiser des compétences incomplètes dans chacun des deux pays. La Roumanie dispose d'un outil expérimental apicole remarquable mais l'Institut a perdu de nombreux chercheurs ces dernières années. De son côté la recherche apicole française est intégrée au dispositif général, mais l'INRA ne dispose que de deux équipes au total. Ce programme a été soutenu par l'INRA (SPE et MRI), la Région Poitou-Charentes, et le PHC Brancusi du Ministère des Affaires Européennes et Etrangères.
Source: bulletin électronique