A Totnes, la clé anglaise pour l’après-pétrole
Par LAURE NOUALHAT Envoyée spéciale à Totnes
Small is beautiful, la rengaine des années 70 revient en force chez les transitioners, les activistes du mouvement des villes en transition, qui ambitionnent de nous amener en douceur dans le monde de l’après-pétrole. Pour eux, nul besoin d’attendre Copenhague, le passage à l’acte se fait ici et maintenant, localement et ensemble.
Menés par Rob Hopkins, un ancien prof de permaculture (une agriculture qui s’affranchit du pétrole), les transitioners «sans pétrole, nos sociétés s’effondrent», comme le dit Rob Hopkins. En décortiquant notre mode de vie, nos déplacements mais aussi nos assiettes, ils sont arrivés à cette conclusion : on peut se désintoxiquer, mais il faut du temps. Prêcher, c’est bien, faire, c’est mieux.
Leur labo à ciel ouvert se trouve à Totnes, dans la riante contrée britannique du Devon. La région est connue pour être l’une des plus alternatives du pays : altermondialisme et agriculture bio, résistance au nucléaire ou aux OGM, le terreau était fertile pour que germe une idée neuve. Le long de sa rue principale, Fore Street, la petite ville a des airs de paradis pour «biobios» : épiceries et restaurants végétariens, boutiques de troc, librairie militante, fringues équitables… Rob Hopkins s’est installé là pour lancer son mouvement. La ville est configurée pour l’expérimentation, ni trop grande ni trop petite : 8 000 habitants répartis en 3 000 foyers, une communauté solidaire et un noyau d’habitants convaincus.
En 2005, Rob Hopkins commence par écrire sa bible, The Transition Handbook, dans laquelle il développe l’idée de la résilience par opposition à la rupture prônée par les objecteurs de croissance. Puis, avec un groupe d’initiés, il développe le plan de «descente» énergétique (Energy descent action plan ou Edap) de Totnes qui les conduit jusqu’en 2030. Vingt et un ans pour organiser la relocalisation, la sobriété et la résilience. Elaboré en communauté, validé par les habitants de la région (22 000 personnes au total), l’Edap fixe chaque année des objectifs pour passer de neuf barils de pétrole par habitant et par an à un seul. Rendu de la copie début 2010.
Jacqui Hadson, sa coordinatrice mais aussi conseillère à la mairie de Totnes, voit l’Edap comme un organisme vivant : «Ce plan évoluera en fonction des événements, des priorités et du désir des habitants.» Plusieurs groupes se concentrent sur un aspect précis de la transition : transports, alimentation, psychologie…
Concernant l’assiette, les adeptes de la transition veulent limiter les kilomètres parcourus par les aliments, les fameux food miles. Pour cela, il faut consommer local, voire ce que l’on produit soi-même. Un programme réalloue des parcelles inutilisées à des habitants pour biner en famille. Un autre groupe a planté des arbres à noix dans les jardins publics, au cimetière, sur les rives de la Dart… Les châtaigniers, amandiers et autres noyers ne produiront que dans une quinzaine d’années, mais ils constituent déjà un héritage pour les générations futures.
Le groupe «économie de la résilience» a créé une monnaie locale, la livre Totnes acceptée par une trentaine de commerçants (sur plus de 150). Objectif : relocaliser l’économie, privilégier les échanges avec les fournisseurs du coin. A peine 10 000 livres Totnes sont en circulation. A comparer avec les 16 millions de livres échangés chaque année par les 3 000 foyers de Totnes.