Allergies alimentaires : pesticides et eau du robinet incriminés ?
Alors que l’on constate une augmentation des cas d’allergies alimentaires, des chercheurs américains suggèrent que les dichlorophénols utilisés dans des pesticides aussi bien que dans les produits pour aseptiser l’eau du robinet pourraient être en partie responsables. Faut-il donner de l’eau en bouteille à nos enfants ?
Ni virus, ni bactérie, ni autre pathogène… Pourtant, malgré l’absence de vecteurs directs de maladie, le monde occidental est en proie à une épidémie d’allergies. Par exemple, aux États-Unis, entre 1997 et 2007, l’incidence des allergies alimentaires a augmenté de 18 %. La faute, selon les tenants de l’hypothèse hygiéniste, à une aseptisation du milieu.
Selon la théorie dominante, les jeunes enfants doivent être confrontés aux micro-organismes pour optimiser leur système immunitaire. Face à la recrudescence de l’utilisation d’antibiotiques lors des dernières décennies, le paysage microbien a été bouleversé. Les défenses de l'organisme sont perturbées et deviennent alors ultrasensibles à des éléments pourtant inoffensifs, comme les pollens, les acariens, le lait ou les cacahuètes. C’est l’allergie.
Les dichlorophénols favoriseraient les allergies alimentaires
Si les antibiotiques sont pointés du doigt, ils pourraient ne pas être les seuls responsables. Des chercheurs de l’Albert Einstein College of Medicine soupçonnent également des polluants courants, nommés dichlorophénols, de contribuer au phénomène.
Fréquemment utilisés par les agriculteurs pour leurs propriétés antiseptiques, mais aussi par les particuliers pour se débarrasser chez eux de certains insectes ou des mauvaises herbes, ces produits sont également utilisés dans l’eau potable dans le but de la purifier. Ainsi, ils sont ingérés et peuvent être mesurés dans nos organismes.
Les allergies environnementales favorisées par les dichlorophénols
Dans la revue Annals of Allergy, Asthma and Immunology, les auteurs expliquent avoir recruté 2.211 personnes de 6 ans et plus, des participants à la cohorte de l’US National Health and Nutrition Examination Survey pour la période 2005-2006. Tous présentaient des taux de dichlorophénols dans leurs urines.
Parmi eux, 411 présentaient une allergie alimentaire à au moins un aliment et 1.016 étaient allergiques à un élément environnemental. Mais les individus présentant les concentrations les plus élevées de dichlorophénols étaient les plus sujets aux allergies. Leur risque de ne pas supporter un aliment était augmenté de 80 %, et la probabilité de présenter les deux types d’allergies était supérieure de 61 % par rapport aux personnes avec les taux les plus bas.
Faut-il cesser de boire l’eau du robinet ?
Pour les auteurs, de tels résultats suggèrent un lien entre les molécules chlorées et la pathologie auto-immune. Mais il est encore trop tôt pour affirmer que la corrélation existe effectivement. C’est pourquoi les chercheurs plaident pour de nouvelles études approfondies sur la question.
Cependant, ce travail soulève quelques interrogations. Si l’eau du robinet contient des dichlorophénols, doit-on s’en détourner ? Le problème est complexe. Les bouteilles en plastique sont elles-mêmes constituées de polluants tels que le bisphénol A, qui sont en partie avalés en même temps que l’eau, et dont les conséquences pourraient être bien pires. D’autre part, pour Elina Jerschow, qui a participé à ce travail, les taux retrouvés dans les fruits et les légumes traités par les pesticides sont nettement plus élevés et constituent les principales sources de dichlorophénols. Il faudrait donc plutôt agir à ce niveau…