Canada : une pseudo-expérience scientifique tourne à la catastrophe
Au coeur du scandale, un géo-ingénieur américain à la réputation sulfureuse…
L’idée de Russ George, dont il faut bien reconnaître le caractère saugrenu ou en tout cas risqué ? Déverser cent dix tonnes de sulfate de fer dans l’océan Pacifique, au large de la Colombie-Britannique (Canada), pour officiellement… augmenter les populations locales de saumons ! Effectué en catimini en juillet dernier, cet épandage sur lequel nos confrères du Guardian ont mené l’enquête visait en réalité à générer une poussée de planctons capables d’absorber d’importantes quantités de CO2 (dioxyde de carbone) et à la monnayer en crédits carbone.
Abjecte et cynique, la démarche a hélas de graves conséquences puisque d’après les images satellites, quelque dix mille kilomètres carrés d’océan sont aujourd’hui infestés. La biodiversité de la région, déjà menacée entre autres par le gigantesque afflux de déchets consécutif au tsunami qui a ravagé une partie des côtes orientales japonaises en mars 2011, pourrait lui payer un très lourd tribut sur la durée.
L’initiative de M. George, à l’origine d’une véritable « marée de fer », pollution d’un nouveau genre dont la planète se serait volontiers passée, est d’autant plus condamnable que la fertilisation des océans est une pratique strictement encadrée par deux moratoires onusiens. Soulignons en outre que les spécialistes redoutent désormais une succession de marées toxiques qui pourraient dépeupler des zones entières et aggraver l’acidification des océans.
« Il est difficile, sinon impossible, de détecter et de mesurer l’importance des effets qui devraient se manifester dans des mois voire les années à venir », a néanmoins concédé John Cullen, membre de l’Université de Dalhousie (Canada) cité par le quotidien, selon lequel « certains effets possibles, comme la privation en oxygène des eaux profondes et l’altération d’importantes chaînes alimentaires, devraient suffire à faire passer l’envie de manipuler les océans ». Et de rappeler non sans raison que « l’histoire est pleine d’exemples de manipulations écologiques qui ont se sont retournées contre nous ».
Membre de l’ETC Group, fonds dédié à la surveillance technologique qui a été le premier à détecter la contamination, Silvia Ribeiro n’a de son côté pas caché son indignation, prônant dans les colonnes du Guardian, si d’aventure la culpabilité de M. George était avérée, « une réponse légale prompte contre son comportement et une action forte des gouvernements canadien et américain ». « Il est maintenant plus urgent que jamais que les pouvoirs publics interdisent fermement ce genre d’expériences de geo-ingénierie en plein air, qui donnent un prétexte aux décideurs et à l’industrie pour éviter de diminuer leurs émissions liées aux essences fossiles », a-t-elle ajouté.
L’entrepreneur, lui, a jadis dirigé l’entreprise Planktos, spécialisée dans la fertilisation océanique, mais dont les velléités ont toutes été stoppées par les gouvernements concernés. Ses bateaux ont même été interdits des ports équatoriens et espagnols… Il soutient néanmoins qu’Ottawa, par ailleurs réfractaire à un durcissement des moratoires onusiens en vigueur, était au courant de son projet et aurait même autorisé son équipe à s’appuyer sur des images satellites de l’agence spatiale canadienne.
Le conseil indigène d’un village de l’archipel de Haida Gwaii, au large de la Colombie-britannique, a enfin voté son projet, mais en méconnaissance de cause. Il reste que dès lors, M. George pourrait bien ne pas être inquiété par la justice…