Coton OGM : plus de 250 000 paysans se sont donnés la mort en Inde
L’Inde est le quatrième producteur mondial de cultures GM, derrière les États-Unis, le Brésil et l'Argentine. L’industrie des biotechnologies vante les mérites du pays, pour sa « croissance remarquable, permise par les 6,3 millions de paysans cultivant 9,4 millions d’hectares de coton Bt ».
En juillet 2011, le gouvernement indien a annoncé que 90 % de la surface totale consacrée à la production de coton
Le géant américain contrôle 60 entreprises semencières indiennes, par le biais de contrats de licence.Les semences du coton Bt (Bacillus thuringiensis) sont modifiées par la toxine Cry, afin de résister aux insectes.Le coton Bt connu sous le nom de « Bollgard » a été spécifiquement modifié pour contrôler le ver de la capsule. Cependant, ce ravageur a développé une résistance au coton Bt, ce qui a exigé le développement d'une nouvelle version de coton Bt. Le « Bollgard II » contient deux gènes toxiques supplémentaires. Ce cycle est voué à se perpétuer : les organismes nuisibles devenant toujours plus tolérants, un plus grand nombre de caractéristiques toxiques devra être développé.
Le coton Bt, seule culture OGM autorisée en Inde, a entraîné une vague de suicides qui a déferlé sur l’ensemble du pays. Ces décès trouvent leur cause dans une crise agraire nationale qui affecte des millions de petits paysans. Ces deux dernières décennies, l'Inde a vu son agriculture s'ouvrir aux marchés mondiaux, ce qui a augmenté les coûts sans apporter de bénéfices en termes de rémunération, et plongé de nombreux paysans dans des cycles vicieux d’endettement.
Les taux de suicide les plus élevés coïncident avec les régions produisant les plus grandes quantités de coton.
La spirale de la dette continue de provoquer des suicides. Ces 16 dernières années, plus de 250 000 paysans se sont donné la mort en Inde, phénomène qui constitue la plus grande vague de suicides jamais enregistrée dans l’histoire de l’humanité.
En 2010, les chiffres officiels indiquaient que 15 964 paysans avaient mis fin à leurs jours.
Ces statistiques constituent probablement une sous-estimation significative, si l’on tient compte notamment du fait que les femmes sont souvent exclues de ces chiffres faute de disposer de titres fonciers, titres généralement exigés pour une reconnaissance officielle en tant que paysan.
La réorientation de l’économie agraire indienne vers les cultures de rente a entraîné la domination croissante des entreprises multinationales et donné lieu à une hausse des coûts encourus par les petits paysans. Dans la mesure où le gouvernement indien a encouragé cette transition vers les cultures de rente, les entreprises multinationales étrangères telles que Monsanto ont commercialisé
leurs biotechnologies onéreuses, et les ont présentées comme étant la solution permettant aux paysans de rivaliser sur le marché mondial. C’est ainsi que l’entreprise américaine a vanté les mérites du coton Bt comme générant des rendements supérieurs à ceux des autres semences de coton, en raison de sa résistance aux parasites agricoles, prétendant qu’il nécessite la pulvérisation d’unequantité inférieure d’insecticide.
Cependant, une étude menée par Navdanya (un réseau de conservateurs de semences et d'agriculteurs biologiques de 16 états de l'Inde) dans la région du Vidarbha, dans l’Est de l’état du Maharashtra, a montré que l’utilisation de pesticides avait été multipliéepar 13 depuis l’introduction du coton Bt .Ces résultats ont été corroborés par une étude récente, publiée dans la Review of
Agrarian Studies, indiquant également que les pesticides appliqués au coton Bt s’accompagnent de coûts supérieurs.
En termes de rendements, Monsanto a été dénoncée pour avoir considérablement exagéré le potentiel du coton Bt.
Les graines de coton Bt de Monsanto, plus onéreuses, et ses intrants, incluant des pesticides, ont supplanté les semences locales bon marché, ce qui a entraîné le déclin des connaissances traditionnelles relatives aux semences. Les semences de coton GM dominant le marché ne laissent à de nombreux paysans d’autre choix que d’opter pour des semences GM plus onéreuses, les autres semences pouvant s’avérer difficiles à trouver.
De plus, des paysans ont indiqué que les semences de coton Bt exigent de plus grandes quantités de ressources en eau, en comparaison avec les semences autochtones. Elles sont également plus vulnérables à la détérioration des conditions climatiques.
Les coûts supérieurs associés au coton Bt ont sans nul doute contribué à précipiter les paysans pratiquant l’agriculture de subsistance dans une spirale de la dette, en les forçant à demander l’aide financière de prêteurs. Les mauvaises récoltes de coton, qui ne couvraient pas les coûts des semences, des pesticides et des autres intrants, ont alourdi l’endettement des paysans. Il est important de noter que la plupart des suicides sont le fait de paysans travaillant dans le secteur des cultures de rente, un secteur vulnérable aux
vicissitudes du marché mondial.
Ces paysans souffrent également d’un manque de soutien de la part de l’état, sous la forme, par exemple, de versement de subventions au secteur.
Monsanto a adopté une nouvelle stratégie afin d’élargir la portée de ses cultures, en instaurant des partenariats public-privé avec certains gouvernements. C’est ainsi que plusieurs états indiens, tels que le Jammu-et-Cachemire, le Rajasthan, l’Orissa, l’Himachal Pradesh et le Gujarat, ont signé des protocoles d’accord avec le géant américain. Ces ententes ayant suscité l’indignation du public, certains accords ont été suspendus.
En juillet 2010, l’état indien du Rajasthan a signé un protocole d’accord pour un partenariat public-privé avec Monsanto et six autres sociétés de semences biotechnologiques nationales et étrangères. Cette initiative sans précédent, qui réunissait quatre universités agricoles d’état, la Rajasthan State Seed Corporation et le gouvernement du Rajasthan, représenté par le Département d’Horticulture et le Département d’Agriculture, ouvrait les portes des centres de recherche nationaux aux entreprises de biotechnologie. Cependant, face à la protestation des organisations paysannes, le protocole d’accord n’est jamais entré en vigueur.
De la même manière, dans l'état d'Orissa, sous la pression exercée par les paysans et les organisations de la société civile, le gouvernement national a décidé de ne pas mettre en application son partenariat public avec Monsanto.
Face à la forte opposition du public, d’autres gouvernements, tels que ceux de Kerala, Bihar, Chhattisgarh, Karnataka et Madhya Pradesh, ont mis fin aux parcelles expérimentales d’OGM.