Des lampadaires intelligents et connectés : une belle avancée technologique
Bardés de capteurs, les lampadaires de nos rues pourront produire de l’énergie, répartir les surplus entre eux pour éviter le gaspillage, et, grâce à Internet, constituer un réseau électrique mondial.
Prenez un quartier, installez-y des éoliennes, recouvrez les toits de ses bâtiments de panneaux solaires, puis reliez ces micro-unités de production électrique les unes aux autres. Vous obtiendrez un parfait maillage pour répartir au mieux production et consommation. Son nom ? Smart Grid (« réseau intelligent »). Ce concept est l’exact opposé du modèle actuel qui centralise la distribution de l’énergie avec, par exemple, une centrale nucléaire qui alimente tout un territoire. Au sein de ce dispositif, un acteur peut jouer un rôle clé : le réverbère. Sa consommation représente près de 40 % de la facture d’électricité des communes. Mais il devient plus malin, capable de produire de l’énergie, d’analyser son environnement grâce à des capteurs et même, de se connecter au Web.
Le groupe néerlandais Philips a, par exemple, imaginé le système Sustainable City Light (lumière urbaine durable) : un lampadaire en forme de fleur. L’intérieur des pétales, qui s’ouvrent au petit matin, est tapissé de panneaux photovoltaïques qui suivent la trajectoire du soleil. Si le temps est venteux, les pétales se replient légèrement et le réverbère devient une éolienne. La nuit, la fleur se referme et éclaire au minimum s’il n’y a pas de passage, au maximum dès qu’un mouvement est détecté. Elle peut être connectée au réseau pour distribuer l’énergie produite en surplus.
Des éclairages à base de LED
De nombreuses autres sociétés planchent sur des technologies innovantes. Le français Nheolis a mis sur le marché un lampadaire autonome combinant des panneaux solaires et une éolienne silencieuse. Le britannique Pavegen propose des dalles qui récupèrent l’énergie cinétique générée par les piétons pour la transformer en électricité et éclairer la rue quand il y a du passage. Enfin, le designer gallois Ross Lovegrove a conçu Solar Tree, un arbre solaire de cinq mètres, doté d’une dizaine de panneaux. Ils captent la lumière le jour pour éclairer grâce à des LED la nuit.
Tous ces lampadaires ont vocation à s’intégrer dans des smart grids comme celui qui existe aux Pays-Bas, dans la commune de Groningue. Le quartier de Hoogkerk, entièrement couvert de panneaux solaires, s’auto-alimente en électricité, répartissant les surplus d’une maison à l’autre, en fonction des besoins.
Issy s’y met aussi
La France n’est pas en reste. A Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le projet Issygrid a été mis en marche en 2012 dans les quartiers Seine ouest et Fort d’Issy. Dix grandes entreprises – dont Alstom, EDF et Total –et quelques start-up y développent des modes de production d’énergie renouvelable, un centre de stockage d’électricité, des compteurs communicants et un éclairage public innovant. Les lampadaires sont dotés de LED, très économes, capables de moduler leur intensité en fonction du trafic, de l’heure et des saisons. Mieux encore, Bouygues Energies & Services y accroche ses Citybox, des boîtiers intelligents qui adaptent l’éclairage en temps réel et à distance.
D’autres villes se sont lancées dans l’aventure. Toulouse a fait figure de pionnière en installant des détecteurs de présence sur ses éclairages publics dès 2009 et en testant, en 2010, un trottoir producteur d’électricité. Nice inaugurait l’an dernier un « boulevard connecté » : 200 capteurs ont été installés sur des réverbères, dans la chaussée ou sur des containers afin de moduler l’éclairage en fonction des besoins, de gérer le stationnement et d’adapter la collecte des déchets.
Un réseau mondial de réverbères
Les enjeux sont immenses. « Et si chacun des lampadaires dans le monde devenait un nœud d’un réseau de capteurs couvrant l’ensemble du globe ? » écrit le Canadien John Koetsier sur le site américain VentureBeat, consacré aux nouvelles technologies. Il imagine un réseau planétaire de réverbères mesurant l’humidité, la luminosité, la température ou la qualité de l’air et communiquant sur Internet les données recueillies. Le résultat ? « Le plus grand trésor de données que la Terre ait connu », jubile-t-il. Bâtir de tels réseaux pourrait générer une « troisième révolution industrielle », selon les vœux du prospectiviste américain Jeremy Rifkin. Une énergie propre, produite localement, à moindre coût et sans gaspillage circulerait alors entre usagers, aussi facilement que l’information se diffuse sur Internet.
Le parisien