Des OGM dans l'alimentation de 80% des élevages français
Les OGM sont interdits dans les champs français depuis 2008 mais, importés d'Amérique Latine ou des Etats-Unis, ils représentent une part significative dans l'alimentation de près de 80% des élevages, selon les professionnels du secteur.
Le gouvernement s'est engagé à prendre des mesures d'interdiction à l'importation si les risques sanitaires du maïs NK603 de Monsanto, pointés du doigt par une nouvelle étude, étaient confirmés. Mais ce maïs n'est pas importé en France, selon le ministère de l'Agriculture.
Une décision d'interdiction plus large d'importation d'Organismes génétiquement modifiés pourrait quant à elle peser lourdement sur la compétitivité des éleveurs français.
Ces derniers importent beaucoup de soja, une plante riche en protéines qui est très peu cultivée en France mais représente un tiers de l'alimentation des élevages.
"La France est dépendante à 40% pour ses besoins en protéines, essentiellement du soja. Or, sur le marché mondial, le produit standard est OGM", souligne Valérie Bris, responsable de l'alimentation animale chez Coop de France, qui représente 70% des entreprises du secteur.
Elle souligne que moins d'un quart du cheptel français n'est pas nourri aux produits OGM.
"A l'inverse, 75 à 80% sont sur de l'alimentation standard, c'est-à-dire clairement indiquée OGM sur l'étiquette", dit-elle.
Le ministère de l'Agriculture, qui ne dispose pas de ces données, indique que la France n'importe pas de maïs génétiquement modifié, a fortiori de maïs NK603, car le premier producteur européen dispose de volumes suffisants pour sa consommation.
INTERDIRE LES IMPORTATIONS ?
Une interdiction d'importer du maïs NK603 n'aurait donc qu'un effet théorique en France, sauf si elle était élargie au niveau de toute l'Union européenne.
Stéphane Le Foll s'est engagé jeudi à retirer les autorisations d'importations de "ce type de produits" si l'avis de l'Agence nationale se sécurité sanitaire (Anses) confirmait les conclusions de l'étude de Gilles-Eric Séralini, sans préciser si l'ensemble des produits génétiquement modifiés pourraient être concernés.
Le ministre a également déclaré qu'il porterait le cas échéant une demande similaire, portant aussi sur l'homologation des produits, au niveau européen, où sont attribuées les autorisations de culture et d'importation - une quarantaine de produits au total.
Une étude approfondie de tous les produits OGM est défendue par Gilles-Eric Séralini, auteur de l'étude choc publiée mercredi montrant une augmentation présumée de cancers chez les rats nourris aux OGM, et par Corinne Lepage qui ont mis en cause jeudi l'honnêteté de l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur ce sujet.
Selon l'un des co-auteurs, Nicolas Defarge, les conclusions alarmantes sur la santé des rats nourris au maïs NK603 pourraient être extrapolées aux autres OGM.
"Si on fait (cette étude) avec du soja Round up Ready (un autre OGM de Monsanto-NDLR) comme celui qu'on importe, on va trouver des résultats similaires", estime-t-il.
0,1% D'OGM NON-AUTORISÉS
Une éventuelle interdiction d'importer des OGM, notamment du soja, ferait augmenter sensiblement les coûts de l'alimentation du bétail en France, selon Coop de France.
"Si c'est une mesure française, cela mettra l'élevage dans une situation de compétitivité désastreuse comparé aux autres pays européens", estime Valérie Bris, soulignant par exemple que le soja garanti sans OGM est en moyenne 12% plus cher.
Elle souligne qu'au niveau européen, les interdictions d'importer pourraient conduire à des ruptures d'approvisionnement dans l'alimentation du bétail.
Afin de garantir cet approvisionnement, l'Union européenne a par ailleurs autorisé depuis 2011 l'importation de substances OGM non-autorisés, à hauteur maximale de 0,1% des volumes, pour l'alimentation animale.
L'UE importe environ 70% des protéines de ses élevages, soit plus de 40 millions de tonnes de soja majoritairement OGM, selon les chiffres des autorités européennes.
L'avis de l'Anses sur les conclusions de l'étude du Criigen, un institut de recherche cofondé par Gilles-Eric Seralini et Corinne Lepage, sera rendu aux ministres concernés d'ici un mois.
Avec Gus Trompia à Paris et Charlie Dunmore à Bruxelles, édité par Yves Clarisse