Environnement : il attaque Arte en justice pour lui avoir ouvert les yeux
J'ai peine à le croire et pourtant. Lisez plutôt ceci :
Première audience du procès qui l'oppose à la chaîne franco-allemande Arte. Selon ses propres propos, cet électricien de 37 ans vivait « dans une confortable ignorance » jusqu'à ce qu'une série de reportages l'empêche « pour toujours de vivre dans l'insouciance » et le plonge dans une « culpabilité quotidienne insoutenable ». Rencontre.
L'homme que nous rencontrons a apporté des photos, de lui, avant. Elle font partie du dossier qu'il a transmis au juge. On y voit un jeune homme enjoué et épanoui, qui semble tirer le meilleur parti de toutes sortes de situations : Laurent au ski après une chute, recouvert de poudreuse mais hilare; Laurent au restaurant, bien portant et rieur; Laurent aux Maldives, exhibant avec une joyeuse fierté un poisson multicolore planté au bout d'un harpon.
Le Laurent que nous rencontrons n'est plus le Laurent des photographies : maigre, pâle et voûté, il semble porter sur ses épaules frêles une grosse partie de la misère du monde. Son regard navré trahit une apathie résignée, quasi communicative, que seul ce procès hors du commun pourrait peut-être apaiser.
« Avant j'adorais aller au resto, pour manger de la viande, surtout du bœuf. Mais depuis que j'ai vu ce putain de reportage sur les dégâts de l'élevage intensif bovin, une aberration économique qui détruit nos forêts, pollue nos sols et tue même des humains, je ne peux plus, c'est fini » murmurait un Laurent absent, dont les repas sont aujourd'hui exclusivement composés de légumes de saison locaux, dont le goût lui paraît aussi insipide que l'est sa vie aujourd'hui.
A contrecœur, le lyonnais a même dû abandonner ses deux passions qu'étaient le ski et la planche à voile, depuis le jour où, dans la même soirée il a visionné les documentaires « Les sports d'hiver : cancer des montagnes » et « Les polymères ou la destruction programmée de notre planète ».
« J'en veux à cette chaîne, qui m'a exposé à une vérité inutile mais destructrice » résume Laurent, dont l'essentiel de l'argumentaire repose sur le fait que « même si l'humanité a conscience de tout ces problèmes, on sait que personne ne fera jamais rien, alors autant ne pas savoir ».
Pour Me Gilbert Larcot, l'avocat de Laurent Gémeille, ce procès est de loin le plus important de toute sa carrière, tant l'éventualité d'une victoire aurait selon lui des conséquences colossales. « Si nous gagnons, ce sont des millions d'individus qui pourront, grâce à la jurisprudence, attaquer tous ceux qui nous gâchent la vie avec des vérités terribles en face desquelles nous sommes de toute façon impuissants. Je pense notamment à toutes ces organisations écologistes qui à force de culpabilisation, à nous prédire chaque jour la fin du monde, ont plongé des générations entières dans une léthargie paralysante, dont, franchement, une économie en crise n'a vraiment pas besoin ».
La chaîne Arte n'a pas souhaité répondre à nos question, nous redirigeant simplement sur un de ses reportages : « Les effets pervers de la presse indépendante dans les démocraties occidentales ».