Fini les nouveaux forages pétroliers en Guyane française
Shell ne débutera pas de nouvelles prospections pétrolières off-shore ultra-profondes au large de la Guyane française. La ministre de l'Ecologie, Nicole Bricq, a décidé de suspendre la campagne d'exploration pétrolière qui devait démarrer d'ici la fin de ce mois. La compagnie déchante car du pétrole a été découvert au large des côtes de ce département d'Outre-mer lors du forage exploratoire mené de mars à septembre 2011 à 6.000 mètres de profondeur...
La société Shell avait déposé, fin mars 2012, auprès de la Préfecture de la Guyane, un dossier de déclaration d’ouverture de travaux de forage et d’étude sismique en mer à 130 km des côtes et sur une zone d’environ 5.300 km2. Actionnaire majoritaire d’un consortium pétrolier avec Total (Tullow Oil et Northern Petroleum), Shell souhaitait réaliser quatre forages d’exploration ultra-profonds, deux en 2012 et deux en 2013. La société entendait aussi mener une campagne de recherche d’hydrocarbures par ondes sismiques en 2012.
Ces recherches auraient permis l’acquisition de données acoustiques grâce à des canons à basses fréquences. Lorsque ces basses fréquences atteignent le substrat géologique, un écho remonte en surface et permet ensuite d’établir une carte en 3D de la géologie sous-marine. Les compagnies pétrolières savent ainsi où forer pour optimiser leurs chances de découvrir du pétrole.
Impacts sur la faune marine
Seul problème des recherches sismiques, «pour des raisons de hauteur d’eau et de pénétration suffisante des ondes dans les formations géologiques, l’intensité des ondes est très élevée», avait concédé Shell dans son étude d’impact. Elle estimait cependant que les ondes sismiques n’auraient eu qu’au mieux un impact moyen à fort sur les cétacés. Les poissons, les tortues marines et les oiseaux n’auraient dû en souffrir que modérément.
Christian Roudgé, coordinateur de la Fédération Guyane Nature Environnement qui, sur ce dossier, travaille en lien étroit avec Greenpeace France et la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), n’était alors pas du même avis. Selon lui, «les impacts sur la faune aquatique (notamment cétacés et poissons, ndlr) sont mal connus. A proximité directe des canons on sait ce qui se passe. Plus loin, non.»
Idem pour ce qui est des forages exploratoires, l’étude de Shell estimait que les impacts sur les poissons, les tortues, les cétacés et les oiseaux seront faibles à moyens voire négligeables.
Mobilisation des défenseurs de l’environnement
Des mesures d’atténuation avaient été proposées par Shell pour protéger la faune marine : présence d’observateurs de la faune marine à bord des navires, mise en place d’une surveillance acoustique passive, pas de source lumineuse intense dirigée vers l’eau, période d’intervention qui n’interfère pas avec les cycles biologiques des espèces aquatiques. Mais cela n’a pas empêché les anti-pétrole de s’organiser dans le département.
Un «Collectif Or bleu contre Or noir» s’est créé le 3 mai dernier. Il a vite regroupé plus de 1.000 personnes opposées au projet de Shell en Guyane, sur les quelques 200.000 habitants que compte la Guyane française. Les revendications de ce collectif n’ont pas concerné uniquement la faune marine. «Les forages se situent dans une zone de très forts courants marins, mal connus, qui rendent particulièrement périlleuses toute exploitation» et «en cas de marée noire, les industriels admettent qu’il serait impossible de nettoyer la mangrove du plateau des Guyanes, un écosystème primordial pour notre région» avait alors précisé le collectif sur son site internet (http://or-bleu-contre-or-noir.org/)
Le bras de fer entre écologistes et sociétés pétrolières a été arbitré aujourd’hui par Nicole Bricq: il n’y aura pour l’instant pas de nouveau forages en vue en Guyane. Le ministère du développement durable a déclaré dans un communiqué de presse que «dans le cadre d’un code minier inadapté et obsolète, le précédent Gouvernement a octroyé un permis exclusif de recherches à un consortium privé sans contrepartie suffisante pour l’intérêt national. La prise en compte des problématiques d’environnement n’est pas satisfaisante.»
Un bel exemple qui montre que le poids de 1.000 citoyens face au lobby des multinationales du consortium peut parfois peser…