Inondations et canicule peuvent relancer le dialogue climatique
Les catastrophes environnementales telles que les inondations au Pakistan ou la canicule en Russie pourraient être l'aiguillon nécessaire pour relancer les pourparlers climatiques de l'Onu, mais ils risquent de diviser encore plus pays riches et pauvres, estiment des analystes.
Incendies en Russie
Le fait que plusieurs dirigeants mondiaux, dont le président russe Dmitri Medvedev, soient convaincus de la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique devrait en principe faciliter la conclusion d'un traité.
Mais le réchauffement pourrait également devenir un bouc émissaire tout trouvé pour un gouvernement soucieux de dissimuler sa propre incurie. Dans ce cas, les tensions entre pays développés, historiquement responsables du phénomène, et pays en développement, dont l'impact augmente rapidement, pourraient s'aggraver.
"Le changement climatique est en train de devenir une réalité bien plus concrète pour de nombreux pays", note Saleemul Huq, de l'Institut international pour l'environnement et le développement, à Londres.
Cela annonce un sentiment d'urgence plus aigu lors des prochaines discussions de l'Onu sur le climat, ajoute-t-il. En décembre 2009, le sommet de Copenhague, censé déboucher sur un traité engageant tous les pays, n'a donné lieu qu'à un texte non contraignant.
Inondations en Chine
L'année 2010 a été marquée par de nombreux phénomènes climatiques extrêmes, et est en passe de devenir la plus chaude depuis le début des mesures précises dans les années 1850. On a aussi observé des inondations meurtrières en Chine et une intense vague de chaleur dans l'Etat américain du Kansas.
LIEN ENTRE CATASTROPHES ET RÉCHAUFFEMENT ?
Johan Rockstrom, directeur du centre Resilience à l'université de Stockholm, a rappelé qu'à l'époque où le réchauffement climatique n'était pas une source d'inquiétude, certains dictateurs africains accusaient le mauvais temps en cas de récoltes agricoles décevantes, quand c'était leur gestion des terres qui était en cause.
"Autrefois, les dirigeants corrompus des pays en développement accusaient Dieu", a-t-il ajouté. "Désormais, ils pourront accuser les pays industrialisés et le réchauffement climatique".
"Le phénomène pourrait dès lors être phagocyté par des disputes post-coloniales, ce qui compromettrait très fortement les possibilité de compromis", a prévenu Rockstrom.
Inondations au Pakistan
Les pays développés et en développement s'opposent déjà sur le partage des efforts à fournir pour lutter contre le réchauffement, chaque groupe en demandant plus à l'autre.
La prochaine réunion des ministre de l'Environnement des Etats membres de l'Onu doit se dérouler à Cancun, au Mexique, du 29 novembre au 10 décembre. Les observateurs n'attendent guère d'avancées lors de cette réunion.
La Russie et le Pakistan ont directement lié leurs catastrophes climatiques au réchauffement, mais les chercheurs soulignent que si le phénomène a tendance à favoriser les événements qualifiés d'"extrêmes", il ne peut les expliquer individuellement.
"Les changements climatiques et le réchauffement sont les raisons principales des récentes fortes pluies et inondations", affirme un communiqué du ministre pakistanais de l'Environnement, Hameed Ullah Jan Afridi.
Le Pakistan, souligne-t-il, contribue aux émissions mondiales de gaz à effet de serre à hauteur de 0,4%.
En Russie, le pouvoir a également attribué la canicule aux changements climatiques.
Inondations dans le Var
"Malheureusement, ce qui se produit aujourd'hui dans nos régions centrales est la preuve du changement climatique mondial, puisque jamais dans l'histoire de notre pays nous n'avions subi de telles conditions", a déclaré le président Dmitri Medvedev.
De l'avis d'Alexei Kokorine, de la branche russe du Fonds mondial pour la nature (WWF), "ces propos sont un très bon signe adressé au public russe, qui doute majoritairement de la réalité du réchauffement climatique".
Mais selon Arild Moe, spécialiste des politiques climatiques de Moscou à l'institut Fridtjof-Nansen, il est toutefois trop tôt pour en déduire que la Russie va adopter une nouvelle approche dans les pourparlers de l'Onu.
"Medvedev a dit bien des choses très justes sur bien des sujets, de la corruption au rôle des ONG, mais ses propos n'ont pas débouché sur un processus légal", a-t-il tempéré.
Gregory Schwartz pour le service français