L'agriculteur qui défie Monsanto se confie

Publié le par Gerome

Paul François, l’agriculteur qui défie le géant de l'agrochimie, témoigne ce vendredi soir.

 

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Ce vendredi soir, au cinéma l’Atalante, l’association environnementale Planet it’s up to you invite Paul François, dans une soirée de débat sur l’agriculture et ses pratiques (lire par ailleurs). Paul François est cet agriculteur charentais qui a osé s’attaquer à Monsanto, la toute puissante firme d’agrochimie. En première instance, devant le tribunal de grande instance de Lyon, le céréalier français l’a emporté en février 2012. Monsanto a été jugé responsable de son empoisonnement par le Lasso, un herbicide de la marque américaine.


« Sud Ouest » : Comment s’est produit l’accident qui vous a conduit à affronter Monsanto ?


Paul François : C’était en avril 2004. J’ai été intoxiqué par des vapeurs du Lasso, un désherbant, alors que je nettoyais une cuve d’épandage (1). J’ai été pris en charge pour intoxication aiguë. À cause de cet accident, j’ai eu 10 mois d’arrêt dont cinq d’hospitalisation, entre 2004 et 2005.


C’est là qu’a commencé votre combat ?


En juillet 2005, d’abord, j’ai demandé à la Mutuelle sociale agricole de reconnaître ma maladie du travail. Elle a refusé. Cinq ans de procédure ont suivi jusqu’à ce que la maladie soit définitivement reconnue par la cour d’appel de Bordeaux.


Vous êtes allé plus loin en devenant le premier particulier français à attaquer Monsanto…


On avait fait analyser le produit. Il y avait un fort soupçon quant à sa dangerosité, même s’il est homologué. Il y avait un problème. Le Lasso est retiré de la vente depuis 1989 au Canada. Et depuis les années 1990 dans beaucoup de pays comme au Royaume-Uni ou en Belgique. C’est arrivé en 2007 en France.


Vous êtes-vous dit qu’attaquer le géant Monsanto était une folie ?


Avec mon avocat, on ne savait pas si notre plainte serait recevable. Mais à notre grande surprise, le juge ne nous a pas renvoyés, il a simplement demandé de préciser notre requête. Notre plainte était recevable.


Et vous avez gagné en première instance ?


Oui. Monsanto a fait appel. On prépare la suite. C’estépuisant. Monsanto essaie d’user la partie adverse. Dans les plaidoiries, ils ont refusé de parler du fond. Ils ont attaqué la forme et essayé de mettre ma bonne foi en cause. Ils mettent votre dignité en cause. Ne réagissent jamais aux preuves que vous apportez. Ils vous amènent des experts du bout du monde. Moi, j’ai des experts bénévoles, qui prennent un risque car Monsanto tient les labos, c’est une entité très puissante. J’ai accompagné un ami agriculteur dans ses derniers jours : il me montrait ses médicaments et constatait que ceux qui le soignent sont ceux qui l’ont rendu malade. Je vous assure : je me serais bien gardé du privilège qui consiste à attaquer Monsanto. Si je n’avais pas ma famille et mes amis, je ne sais pas si j’aurais pu tenir ce combat-là.


Gravement malades à cause des produits que vous utilisiez, avez-vous changé votre approche ?


Je faisais partie du monde de l’agriculture intensive. Je considérais comme beaucoup qu’on ne pouvait pas faire autrement. Je tapais sur les tenants du bio et eux tapaient sur moi. La société civile qui demandait d’autres modes de production, nous l’appelions les emmerdeurs. Il y a une réalité : l’agriculture intensive comme on l’a pratiquée dans les années 1990 tue le sol. Quand vous faites ça, vous êtes perdu. Je ne parle pas de conversion au bio. Mais il faut unir nos forces pour dire que l’agronomie doit primer sur la chimie.


Parleriez-vous de prise de conscience politique ?


Mon combat m’a amené à une nouvelle perception des choses. J’ai compris que nous avons été naïfs. On s’est servi de nous pour développer une agriculture qui ne nous ressemblait pas. On nous l’a vendue, elle nous convenait. Il faut regarder ce qui se cache derrière toute communication. On peut produire autrement. Les agriculteurs doivent comprendre que ceux qui parlent à leur place sont des businessmen, qui défendent d’autres intérêts, très juteux, et ne se préoccupent pas de leur santé ni de celle de ceux qui nous entourent.


Vous avez créé l’association Phyto-victimes il y a deux ans…


On tente d’aider les autres victimes. Tout le monde n’a pas la chance d’être entouré. Les agriculteurs sont souvent isolés.

 

 


Publié dans OGM j'en veux pas!

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Commenter cet article
D
<br /> En "justice", peu importe que ce soit Mosanto ou autres (et je sais très bien de quoi je parle), ces "parties" ont des moyens financiers que nous "petits" n'avons pas et la "justice" est aussi un<br /> business... Ils ont les moyens de faire trainer des années les procédures et ne sont jamais affectés moralement par ce long parcours du combattant, alors que nous oui...<br /> <br /> <br /> Bravo à ce Monsieur de ne pas lâcher le combat, c'est finalement ça le plus difficile.<br />
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