L'après-pétrole est déjà là
Produire directement du carburant liquide avec du soleil et du CO2, c'est le défi relevé par une société américaine en partenariat avec Audi.
Les spectres conjugués de la fin du pétrole et du réchauffement climatique hantent l'industrie automobile. Voilà pourquoi depuis des décennies les scientifiques cherchent à perfectionner le procédé naturel de photosynthèse afin de créer une source de carburant renouvelable. C'est dans ce domaine que la société américaine de biotechnologie Joule Unlimited, qui a récemment débuté un partenariat avec Audi, a développé une technique de production particulièrement prometteuse : une bactérie génétiquement modifiée qui produit directement du carburant liquide lorsqu'elle est exposée à la lumière en présence de CO2. Les avantages du procédé par rapport aux biocarburants actuels sont nombreux.
De simples tubes de plastique
Notamment parce que, contrairement à ces derniers, il ne nécessite ni denrée alimentaire, ni terre arable, ni eau potable, engrais ou pesticide. Juste des "réacteurs", soit de simples tubes de plastique transparent de 100 mètres de long pour 3 centimètres de diamètre, remplis d'eau non potable (de mer, saumâtre ou usée) dans lesquels barbote du CO2 acheminé d'une usine environnante et ces fameuses bactéries génétiquement modifiées par les biologistes de Joule. Le soleil et la chaleur - la température idéale est de 37 °C - font le reste. Il en ressort "naturellement" de l'éthanol et, dans le futur, du gazole !
Autosuffisance énergétique
Ce carburant synthétisé par les bactéries est sécrété directement dans la solution environnante, donc très facile à "récolter". Et le processus est rapide, car l'autre avantage majeur de cette technique réside dans le rendement à l'hectare de terrain occupé par les réacteurs, plus de dix fois supérieur à celui du meilleur agrocarburant actuel, l'éthanol de canne à sucre.
Si bien qu'il suffirait de 3 000 kilomètres carrés de réacteurs pour fournir le carburant nécessaire au parc automobile français et à peine 50 000 km2 pour le parc européen ou encore moins de 200 000 km2 pour le parc auto mondial ! Afin de continuer à fixer les ordres de grandeur, et en tenant compte de l'ensoleillement requis, la production nécessaire au parc européen n'occuperait que 0,5 % de la surface du Sahara et seulement 14 % de la surface du désert de Sonora en Arizona pour alimenter toutes les voitures américaines. Autant dire que la consommation de pétrole et les émissions de CO2 qui en résultent pourraient être considérablement réduites avec le développement d'une telle technique.
De la théorie à la pratique
Mais la vraie bonne nouvelle, c'est qu'il ne s'agit pas ici que de théorie. Le procédé utilisé a déjà largement dépassé le stade du laboratoire. En fait, après un premier site pilote au Texas et une usine de démonstration à Hobbs au Nouveau-Mexique, l'exploitation commerciale du procédé est programmée pour débuter dès 2014. Pour la production d'éthanol d'abord, et ce pour un coût au litre (0,25 €/l) nettement inférieur à celui du bioéthanol américain fabriqué à partir de maïs.
Après l'essence, le gazole
La production de gazole de synthèse par une nouvelle génération de bactérie est aussi en développement pour un coût estimé à moins de 50 dollars le baril. Chimiquement homogène, le gazole ainsi obtenu est de très grande qualité avec un indice de cétane supérieure à 100, contre environ 55 pour celui raffiné à partir de pétrole aujourd'hui distribué à la pompe. Très facilement inflammable, il devrait donc permettre d'améliorer encore le rendement des moteurs diesel qui l'utiliseront, et notamment leur puissance spécifique.
Tout cela pourrait sembler trop beau pour être vrai, mais l'implication de nouveaux investisseurs tels qu'Audi contribue largement à crédibiliser un procédé qui pourrait changer le secteur de l'énergie dans les années à venir.