L'industrie de l'eau en bouteille décryptée
Un phénomène récent. Cette tendance a débuté en 1976 avec l’eau gazeuse française Perrier. Ce n’est que dans les années 1990 que les bouteilles d'eau sont devenues communes sur le marché et qu’elles sont devenues un symbole de notre volonté de remise en forme et de notre préoccupation pour notre santé. Les États-Unis sont aujourd'hui le plus gros marché de l'eau en bouteille, suivis du Mexique, de la Chine et du Brésil.
Des marges de profit énormes. Aux Etats-Unis, l’eau du robinet coûte environ 0,03 cents le litre. En revanche, une bouteille d'eau de marque coûte environ 3 dollars (environ 2 euros) le litre, et presque 4 dollars (environ 3 euros) dans un restaurant chic ou une boîte de nuit à la mode. Même les marques les moins chères réalisent de très grosses marges, qui peuvent atteindre 280% dans les cas les plus extrêmes.
Un engouement fabriqué par la publicité. L'Américain moyen boit 220 litres d'eau en bouteille par an, et s’il en boit autant, c’est peut-être lié en grande partie aux campagnes publicitaires de grande envergure. Grâce à la publicité, l’eau en bouteille est devenue un article de luxe ; pourtant, l’eau en bouteille n’a pas grand-chose de plus que l'eau du robinet, si ce n’est que son goût peut être différent parce qu’elle est filtrée, et qu’elle contient une quantité négligeable de minéraux.
Des coûts environnementaux. L'illusion de la «meilleure eau » requiert qu’on y sacrifie des rivières et des ruisseaux, la pollution dégagée par les camions qui la transportent, l’énergie qu’ils réclament, la pollution des plastiques non dégradables qui sont mis en œuvre, et la gestion des centres de recyclage. Chaque année, il faut 1,5 million de tonnes de plastique pour fabriquer les bouteilles nécessaires pour embouteiller l’eau. Comme le plastique vient du pétrole, cela implique qu’il faut 1,5 millions de barils de pétrole chaque année pour produire les bouteilles qui contiendront l’eau. A cela, il faut ajouter la pollution causée par le rejet des toxines dans l’environnement.
La présence de produits nuisibles pour la santé. Les eaux en bouteille sont faiblement réglementées, alors qu’on estime que plus d'un tiers des marques testées contiennent des contaminants cancérigènes, ou qui peuvent perturber le fonctionnement de l’organisme, alors même que les consommateurs croient que l’eau en bouteille leur apporte des bénéfices sur le plan de la santé.
Un impact sur les écosystèmes. Des sociétés comme Coca-Cola, Nestlé, Pepsi, Evian et Fidji Water gagnent des milliards de dollars grâce à l'eau. Ce faisant, ils menacent des écosystèmes entiers, en puisant l'eau de source des nappes phréatiques souterraines qui alimentent les cours d’eau, les puits et les fermes environnantes.
Le pouvoir des multinationales. Lorsque les sociétés acquièrent des droits exclusifs sur l’exploitation de l'eau d’une source, elle met en branle toute une armée de chercheurs, de consultants en relations publiques, d’avocats et de lobbyistes pour protéger ce contrat et tuer dans l’œuf toute contestation locale. Dans une petite vile du Pakistan, Nestlé a obtenu de pomper l’eau de la source locale, puis la firme l’enrichit avec des minéraux, et la vend sous la marque « Pure Life », qui est la marque la plus vendue dans le monde. Bien qu’elle soit captée localement, l’eau de Pure Life est souvent bien trop chère pour que les locaux puissent se la permettre. Dans des endroits tels qu’au Nigeria, où Nestlé a aussi un site, les familles dépensent la moitié de leur salaire en eau, et seuls les plus riches peuvent se payer l’eau Pure Life.
Le filtrage. Le problème avec l'eau du robinet, c’est qu'elle contient du chlore, utilisé pour éliminer les bactéries. Cela donne à l'eau un goût que beaucoup de gens n'aiment pas. Il est possible de se débarrasser de l’odeur du chlore en utilisant une carafe avec un filtre du type « Brita ». Pour réaliser des économies sur le filtre, il est possible de prolonger la durée d’utilisation du filtre indiquée par le fabriquant, la seule conséquence est que la durée du filtrage sera plus longue.
La même eau. On estime qu’environ 25% des bouteilles d’eau proviennent d’une source qui alimente l'eau du robinet. Bien sûr, l’eau en bouteille subit un processus de filtrage plus ou moins complexe.
L’eau, un droit humain? Peter Brabeck-Letmathe, l'ancien CEO de Nestlé, considère que l'idée selon laquelle l’accès à l'eau doit être considéré comme un droit humain universel est «extrême». Il préconise la privatisation de 98,5% de l'approvisionnement en eau « parce que les gens la considèrent comme un dû, ce qui fait qu’ils en gaspillent de très grandes quantités ».