La biodiversité marine en danger en Europe
L’exemple de la truffe blanche le prouve : les denrées qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses ne sont pas à l’abri. Espèce grandement surexploitée, l’esturgeon est aujourd’hui menacé d’extinction dans certaines contrées « historiques », en particulier la Mer Caspienne, où sa pêche industrielle fait même l’objet d’un moratoire. Vivrons-nous prochainement dans un monde sans caviar ? L’hypothèse ne peut être exclue et il s’agirait d’une petite catastrophe pour les amateurs fortunés d’œufs d’esturgeons. Un symbole fort de la crise des espèces aussi…
Plus nombreux, les consommateurs de saumon pourraient également accuser le coup dans les années à venir en raison d’une demande mondiale en perpétuelle augmentation. Alors qu’elle était consommée sur tout le Vieux Continent, l’anguille européenne est elle aussi en danger, et d’une manière générale pléthore de recettes traditionnelles à base de poisson pourraient à terme disparaître des livres de cuisine, s’alarme la coalition d’associations Ocean2012, coordonnée par le Pew Environment Group.
Historiquement élaborée à partir d’œufs de cabillauds, poisson dont les stocks ont accusé une chute vertigineuse dans certaines zones, la taramosalata grecque est aujourd’hui le plus souvent à base d’œufs de carpe et de colorant. Quant aux bakaliaros, des beignets de morue consommés en Grèce durant la fête de l’Annonciation, ils seraient devenus une denrée rare si l’on en croit la coalition, selon laquelle « la majorité des stocks européens de poissons sont surpêchés ».
Un constat partagé par la Commission européenne, qui n’a pas vocation à noircir le tableau et a lancé une campagne de sensibilisation (www.choisirsonpoisson.eu) dans laquelle elle révèle que «trois stocks de poissons sur quatre, 82% des stocks de la Méditerranée et 63% des stocks de l’Atlantique sont surexploités ».
Alors que l’Europe est de plus en plus tributaire des poissons importés, la Commissaire européenne à la Pêche Maria Damanaki est favorable à l’interdiction des rejets en mer de poissons morts à l’horizon 2016, à l’instauration d’un marché des droits de pêche et à celle d’un permis à points. Elle a eu maille à partir cet été avec la France et l’Espagne, les deux leaders continentaux, qui d’après Ocean2012 porteraient une lourde responsabilité dans la dégradation des ressources halieutiques.
Concernant l’anguille, Paris aurait ainsi torpillé une négociation sur l’interdiction de la pêche aux civelles (les alevins de l’anguille) qui eut grandement facilité le renouvellement des stocks d’anguilles. Les consommateurs ont eux aussi « un rôle important à jouer, en choisissant des produits qui proviennent de ressources durables », estime pour sa part Bruxelles, qui les encourage à « (poser leurs) questions sur la durabilité lorsqu’(ils achètent) du poisson ou lorsqu’(ils en commandent) au restaurant (et à varier leur) alimentation en choisissant différentes espèces de poissons ». Et Bruxelles de prôner le développement de l’aquaculture, qui pourrait il est vrai contribuer à éviter le point de non-retour.
Le Parlement européen et les Etats membres plancheront de nouveau sur l’épineux dossier de la surpêche l’an prochain. Les chiffres démontrent que l’attentisme ne peut plus être de mise.