La guerre contre «l'obsolescence programmée» est déclarée
A l'initiative du président écologiste Jean-Vincent Placé, le Sénat a débattu mardi sur les effets néfastes de l’«obsolescence programmée» sur l’environnement et le pouvoir d’achat.
Le président du groupe écologiste du Sénat Jean-Vincent Placé a déclaré la guerre à l’obsolescence programmée des appareils électriques et électroniques, mercredi au Sénat, interpellant, lors d’un débat, le gouvernement pour qu’il agisse.
«L’obsolescence programmée regroupe l’ensemble des techniques visant à réduire délibérément la durée de vie ou d’utilisation d’un produit afin d’en augmenter le taux de remplacement», a défini le sénateur de l’Essonne. «Ce débat, c’est un appel à l’audace, face aux enjeux économiques, environnementaux et sociaux. L’obsolescence programmée est une aberration, une impasse, qui nous emmène droit dans le mur», a-t-il lancé.
Auteur d’une proposition de loi sur le sujet, il souhaite allonger la durée de vie des produits et permettre leur réparation. A cette fin il préconise la définition d’un «délit d’obsolescence programmée» pour permettre des actions en justice.
Il souhaite l’allongement de 6 mois à 2 ans du délai pour faire jouer la garantie des produits afin d’inciter les industriels à concevoir des produits durables. Il propose un «accès aux pièces détachées pendant 10 ans pour la réparation». Il demande enfin d’établir un système de bonus/malus sur l’éco-contribution, pour valoriser la durée de vie des produits, un rapport sur les perspectives de «l’économie de fonctionnalité en France», c’est-à-dire sur l’usage du bien, ainsi qu’une meilleure information du consommateur, avec notamment des notices de réparation.
«Le gouvernement entend lutter contre l’obsolescence programmée, comme il entend lutter contre toutes les tromperies dont les consommateurs sont l’objet», a répondu le ministre de la Consommation, Benoît Hamon. Il a rappelé certaines mesures phares de son projet de loi sur la consommation qui sera présenté le 2 mai en Conseil des ministres: alourdissement des sanctions sur les tromperies économiques et instauration de l’action de groupe.
Concernant la définition d’un délit d’obsolescence programmée, s’il ne l’a pas jugé «utile en droit», il a estimé que le principe pouvait «avoir son importance en terme de message». Il a renvoyé au débat parlementaire sur son texte. Il s’est dit «réservé» sur l’extension de la garantie de conformité «car nous en mesurons mal l’impact».
Il a annoncé que son projet de loi prévoit que les consommateurs «disposent d’une information complète» «claire et intelligible» sur leurs «droits à garantie» notamment «relative aux vices cachés». Par ailleurs «les vendeurs seront tenus de fournir aux consommateurs» les pièces détachées pour réparer le produit pendant la période de disponibilité que devra mentionner le fabricant ou l’importateur.
Les orateurs de l’ensemble des groupes du Sénat ont convenu de la nocivité de l’obsolescence programmée qu’ils ont détaillée à l’envi. «L’initiative du président Placé est tout-à fait honorable», a dit Hélène Masson-Maret (UMP) fustigeant une pratique «frauduleuse». Mais «un texte interdisant cette obsolescence pourrait avoir un effet pervers car l’avenir réside peut-être dans des produits programmées à durée limitée, destinés à être renouvelés si leur coût est bas», a-t-elle relativisé citant l’exemple des sacs plastiques biodégradables.
«Des citoyens essaient de se libérer de cette emprise» a souligné Evelyne Didier (CRC, communiste) évoquant «marchés de l’occasion, échanges, prêts, achats en commun, mutualisation, frugalité». «Gardons-nous de penser que le système peut se contrôler facilement» a-t-elle averti estimant que cela exige «une véritable révolution et un retournement des valeurs».
«A ceux qui pensent que nous prendrions le risque de fragiliser encore la croissance, je dis qu’à l’économie du jetable, il nous faut substituer l’économie du durable, au premier sens du terme», a renchéri le centriste Yves Détraigne (UDI-UC).
«En prévoyant un ensemble de mesures visant à obliger les entreprises à allonger la durée de vie des objets, en proposant la réparation plutôt que le tout jetable, en prévoyant des sanctions pour les entreprises, cette proposition prend en compte les nouvelles contraintes environnementales» s’est réjouie Laurence Rossignol (PS).