La pollution en Chine? Un «avantage militaire» qui rend les gens «plus intelligents»
Atout stratégique, vecteur de conscience écologique, d'unité citoyenne, de culture et même d'humour: tels sont les bienfaits qu'ont trouvé deux médias officiels chinois, CCTV et Global Times, aux nuages de pollution qui étouffent les régions industrialisées du pays. Les deux articles concernés, qui ont été retirés de leurs sites respectifs, ont sucité un tollé chez les internautes en Chine, comme le rapportent le South China Morning Post et The Telegraph.
Le premier de ces articles, publié le lundi 9 décembre par un journaliste du site de la CCTV (la télévision officielle chinoise), est un véritable Top 5 des aspects positifs du smog: il ramène tous les Chinois à égalité, les unit autour d'un ennemi commun, les sensibilise aux dangers de la pollution, développe leur sens de l'humour et enfin améliore leur culture en histoire-géo et langues étrangères, comme l'explique cet extrait de l'article cité par The Telegraph:
«Sans ce brouillard, sauriez-vous ce que sont les PM2,5? Sauriez-vous qu'il y a 60 ans, la pollution a coûté 12.000 vies à la ville de Londres? Connaîtriez-vous seulement les mots "brume sèche" et "smog"?»
Concernant le sens de l'humour, en tout cas, ça peut se vérifier: comme le fait remarquer The Telegraph, les Chinois ont été 80.000 à commenter l'article en moins de 2 heures, notamment via Weibo, le Twitter local. «J'ai cru qu'il s'agissait d'une satire, mais je me suis rendu compte en lisant l'article que son auteur défendait réellement ses opinions. Alors j'ai ouvert la fenêtre et respiré un grand bol d'air socialiste», ironise un internaute cité par le site britannique. Mais, celui qui a véritablement le sens de l'humour est peut-être le gouvernement chinois. Car, estime Time Magazine, «la politique officielle de la Chine à l'égard de la pollution est effectivement une farce».
Nous rapportions par exemple sur Slate une des mesures prises pour lutter contre la pollution à Pékin: la saisie de 500 barbecues extérieurs illégaux.
Or, la pollution frappe gravement la Chine. On vous en parlait déjà sur Slate en janvier, et un nouveau pic s’est produit vendredi 6 décembre dans l’est du pays, après qu'une «Airpocalypse» s'est abattue sur la région de Harbin fin octobre.
De son côté, le Global Times, tabloïd qui suit la ligne du quotidien du Peuple, affirmait sur son site web que le smog «peut constituer un avantage stratégique pour les opérations militaires». D’après le South China Morning Post, l’article du Global Times nous expliquait par exemple que «les micro-particules à l’origine de la pollution atmosphérique peuvent entraver les systèmes de guidage de missiles», ou encore que «pendant la guerre du Kosovo, les soldats d’ex-Yougoslavie ont employé la fumée de pneus enflammés pour contrecarrer les frappes aériennes de l’Otan».
Là encore, les internautes ne se sont pas fait prier pour s'indigner sur Weibo. Le SOuth China Morning Post cite:
«Mais nos ennemis n’auront pas besoin de missiles si le smog continue à s’étendre; les gens vont simplement mourir empoisonnés.»
Les réactions ne sont pas arrêtées aux internautes: Reuters cite notamment le Dongguan Times, édité dans une région très polluée de Chine, qui ne sait pas «s’il faut en rire ou en pleurer».
Rétropédalage des médias officiels? Après avoir relayé l'article de CCTV, l’agence de presse officielle Xinhua a considéré qu’il était «totalement inapproprié» de se moquer de la situation.