La pollution finira-t-elle par étouffer la croissance chinoise ?
Alain Wang: Non... La disponibilité d’eau par habitant est aujourd’hui proche du tiers de la moyenne mondiale. Mais il faut tenir compte de sa répartition sur le territoire. Le seuil de rareté de 500 m3 par personne et par an est atteint dans certaines zones au nord du pays, à Pékin ou Tianjin par exemple. Le sud, grâce aux pluies de moussons abondantes est généralement plus arrosé. Néanmoins, le changement climatique a provoqué, en 2010 et en 2011, les plus graves sécheresses depuis un demi-siècle. Elles ont touché des dizaines de millions de personnes, des millions d’hectares de terres agricoles et des millions de têtes de bétails.
Trois quarts de l’eau utilisée est impropre à la consommation, la qualité de l’eau des nappes phréatiques est très basse dans de nombreuses villes. Les conséquences d’industrialisation et l’urbanisation débridées amplifient cette dégradation. Sans traitement primaire, un tiers des rejets industriels et deux tiers des eaux usées domestiques sont directement versés dans les cours d’eau. Deux cent quarante-trois lacs d’une surface de plus 1 km² ont disparu en cinq décennies.
En dehors de l’eau, la pollution la plus grave est celle de l’air. Les grands centres urbains comme Pékin, Shanghai, Canton et Hongkong ont vu leur parc automobile gonfler jusqu’à la saturation. Selon un rapport officiel publié en début d’année, trois cinquième des plus petites particules dans l’air proviennent des gaz d’échappement, de fumées industrielles et de la consommation de charbon. Les centrales thermiques au charbon représentent en production presque trois quarts du mix énergétique chinois. Soixante-six "villes modèles environnementales" sur soixante-dix-sept ont été déclassées en 2011. L’OMS estime que cette pollution de l’air cause plus de 300 000 décès prématurés par an. L’asthme, les cancers pulmonaires et les maladies cardiovasculaires augmentent anormalement.
Selon les données de l’OCDE, la pollution aurait un coût de 64 milliards de dollars par an. La Banque mondiale donne une fourchette entre 20 et 75 milliards de dollars. Ce qui correspond à environ 1 à 1,5 point de son PIB. Cela pèsera de plus en plus avec le ralentissement de la croissance l’économie chinoise qui s’amorce. Mais, au-delà, le danger n’est-il pas d’assister a un déséquilibre écologique tel, dans certaines régions, qu'il aura des conséquences humaines incalculables ? L’impact de la dégradation environnemental a un coût : un million d’enfants chinois naissent aujourd’hui avec une anomalie physique ou mentale soit 7% des naissances, trois fois plus que dans les pays développés.