La vie sans huile de palme, c’est possible
Thésard de vingt-six ans, Adrien Gontier, qui nous avait accordé un long entretien téléphonique en novembre dernier, a réussi son pari.
Juillet 2011. Un dîner entre amis. Un dîner qui va changer sa vie et lui donner l’idée d’un défi insensé : proscrire l'huile de palme de son quotidien pendant un an (avec possibilité de reconduction du « CDD »). Une vraie gageure, cette huile bon marché, dont la demande mondiale a littéralement explosé ces dernières années, ce qui explique grandement l’importante déforestation en Indonésie, étant omniprésente.
Comme une incitation supplémentaire à l’achat, certains produits alimentaires vendus dans les rayons des supermarchés annoncent fièrement la couleur : « Fabriqué sans huile de palme. » Soit, mais quid des dérivés ?
Adrien Gontier, un Alsacien pure souche, les a aussi traqués, épluchant les ingrédients de tout ce qui l’entoure, ce qui lui a aussi permis de découvrir des cas de greenwashing insoupçonnés. Un travail de fourmi. « Ça a été très dur », a-t-il confié à nos confrères de Terra Eco. Et pour cause : encore une fois, l’huile de palme n’entre pas que dans la composition du Nutella, elle est partout. « Et surtout là où on ne l’attend pas », renseigne l’ex-profane devenu expert. Et d’ajouter : elle est aussi présente « dans les boissons, comme cette eau aux arômes d’agrumes, dont la publicité vante les qualités amincissantes ».
Intarissable, l’étudiant a par ailleurs indiqué à l’hebdomadaire que « trouver LA boulangerie qui fait (des croissants) “pur beurre” » a été « (son) casse-tête du matin ». C’est que le beurre fond et que « pour pallier ce problème, les fournisseurs proposent du beurre mélangé à de l’huile… de palme, qui fond moins ».
« ”Palm kernel” , “zinc palmitate”, “alcool de palmitate”, “palm stéarine”, “glycol palmitate”… Je pourrais réciter ces noms comme un poème tellement je les lis, en déchiffrant pendant des heures les étiquettes au supermarché », poursuit Adrien, qui assure cependant ne pas s’être privé sur le plan alimentaire. « Il suffit de changer ses habitudes, oublier les plats préparés et acheter local ».
Un programme simple pour peu qu’on fasse preuve de bonne volonté, à tout le moins sur le papier, mais la donne est toute autre lorsqu’on décide de casser la croûte au restaurant. L’étudiant a néanmoins réponse à tout – ou presque : « J’ai des adresses qui proposent des plats végétariens, végétaliens, sans gluten, locavores et tutti quanti ! »
Ainsi la diète d’« huile de palme » ne serait tout compte fait pas impossible, à condition de se montrer (très) vigilant. Admirable et logiquement saluée par les associations de protection de l’environnement, dont Greenpeace, qui dénonce régulièrement les ravages environnementaux de la production d’huile de palme en Indonésie, sa démarche n’est cependant pas moralisatrice. Elle est explicative, agrémentée d’un blog pédagogique, Vivresanshuiledepalme.blogspot.fr, au sujet duquel Adrien nous disait l’an dernier qu’il constitue « un test pour savoir s’il est possible de vivre normalement sans pour autant avoir à porter atteinte irrémédiablement à notre environnement ».
L’étudiant n’en est pas resté là, rédigeant un petit guide vert au fur et à mesure de ses découvertes. Il n’est pas la voix de la raison, mais il sait par exemple que des dérivés d’huile de palme peuvent aussi se cacher dans des produits bio et équitables et ne fait pas les choses à moitié. En bon perfectionniste, il a aussi, par exemple, troqué sa voiture alimentée au diesel, lequel contient aussi l’huile « maudite », contre un vélo.
Curieux, il bombarde les entreprises de questions embarrassantes. Altruiste, il délivre une batterie de conseils à tous ceux qui, comme lui, sont indisposés par les dommages écologiques nés de l’omniprésence de l’huile de palme dans nos habitudes de consommation. Parmi eux, « scruter les étiquettes, car si la recette d’un produit est susceptible d’inclure de l’huile de palme, celle de son jumeau peut en être exempte », « troquer le gel douche contre un savon solide à l’huile d’olive ou d’Alep », préférer le sorbet à la glace ou encore utiliser du vinaigre blanc, une bonne vieille recette de grand-mère qui « aura le dessus sur le le calcaire et les fonds de casserole gras ».
Adrien jure cependant ne pas être « un furieux dogmatique, juste un type qui s’interroge ». Un type consciencieux, désireux d’aller au fond des choses, mais sans se poser en redresseur de torts. Un type bien, tout simplement.