Les forages en Arctique doivent cesser !
Deux proches de Barack Obama ont appelé le président réélu à la plus grande vigilance, notamment à l’endroit de Shell.
Non, tout le monde n’a pas oublié l’accident de Deepwater Horizon et la pollution monstre qui en a découlé. C’était en avril 2010, il y a (déjà) presque trois ans.
Pire catastrophe environnementale de l’histoire des États-Unis, véritable bombe nucléaire lancée contre la biodiversité marine, elle a été synonyme de faillite pour des milliers d’Américains entièrement tributaires de la pêche et a pu donner le sentiment que, moins de six ans après le passage de l’ouragan Katrina, la Louisiane (qui n’a cependant pas été le seul État touché) était maudite.
Plus froidement, ce drame a abouti à plusieurs enquêtes, à des condamnations aussi sévères que justifiées et écorné durablement – définitivement ? – l’image de BP, locataire de la plate-forme à tous points de vue débordé par ses propres excès et négligences. Les associations de protection de l’environnement ont-elles vraiment cru que les forages pétroliers offshore n’auraient plus jamais cours dans les eaux territoriales américaines ?
Ils ont finalement repris quelques mois plus tard, leur laissant le goût âcre de la tragédie dont les décideurs n’ont pas pu, su ou voulu tirer tous les enseignements. Une réglementation un peu plus stricte certes, mais qui aujourd’hui peut garantir que l’histoire ne se répètera pas ?
Survenu le 31 décembre dernier, l’échouement de la plate-forme Kulluk, installée en Alaska et exploitée par Shell, multinationale anglo-néerlandaise qui a déjà fait tristement parler d’elle dans le delta du Niger, s’est fort heureusement achevé sans marée noire. Il a toutefois démontré, si besoin était, que le risque zéro n’existe pas et qu’extraire l’or noir de l’Arctique pouvait avoir des conséquences extrêmement fâcheuses.
Promesse non tenue
Tel est l’avis des ONG et autres écologistes, qui n’ont de cesse de tenter d’alerter opinions et pouvoirs publics depuis des mois, sans parvenir à leurs fins, et, beaucoup plus inattendu, du PDG de Total Christophe de Margerie. C’est aussi celui de Carol Browner, ci-devant conseillère pour l’énergie et le climat de Barack Obama, et de John Podesta, directeur de l’équipe de transition du chef de l’exécutif américain en 2009 après avoir été chef de cabinet de Bill Clinton.
Proches du président réélu, ces deux personnalités (par ailleurs membres du think-tank Center for American Progress) ont co-écrit une tribune publiée vendredi par Bloomberg news et relayée par nos confrères du Monde dans laquelle ils appellent l’administration Obama à n’« accorder aucun nouveau permis à Shell cette année » ainsi qu’à « suspendre toute action vis-à-vis des demandes d’autres compagnies de forer dans cette région éloignée et imprévisible ». « Après une série de mésaventures et d’erreurs, aussi bien que de conditions météorologiques épouvantables, il est devenu clair qu’il n’y a pas de manière sûre et responsable de forer du pétrole et du gaz dans l’océan Arctique », ont-ils ajouté.
Washington pourrait retenir la proposition de Mme Browner et de M. Podesta si l’on en croit Ken Salazar, lequel vient de quitter son pote de secrétaire d’État aux Affaires intérieures, mais a préalablement ordonné une enquête de deux mois sur la politique de forage de Shell dans le Grand Nord. L’accident de la plate-forme Kulluk devant lui aussi faire l’objet d’une enquête des gardes-côtes américains, le groupe pétrolier, qui a l’intention de retourner forer en Arctique cet été, doit s’attendre à des jours difficiles, lui qui a déjà déboursé près de trois milliards et demi d’euros en logistique et en permis pour être à la pointe dans la région…
« Shell avait promis que les progrès technologiques, combinés à l’expertise et l’expérience de ses ingénieurs et de ses agents, lui permettraient d’affronter même les pires conditions météorologiques », ont enfin rappelé Mme Browner et M. Podesta. Le fait est que l’entreprise, aussi puissante soit-elle, n’est pas encore au point. Aussi serait-il immoral et surtout dangereux de lui faire confiance en l’état actuel. Un accident dans l’Arctique n’aurait pour le coup rien d’une fatalité…