Les forêts françaises doivent se préparer au réchauffement climatique
Le manque d'eau pourrait faire reculer les forêts françaises...
Les forêts françaises souffriront rapidement du manque d'eau et devraient régresser dans certaines zones quand le réchauffement climatique manifestera ses pleins effets: des chercheurs essayent d'anticiper la crise afin d'aider les forestiers à s'y préparer. Les résultats de leurs études, visant à apprécier les risques, ont été présentés jeudi à Paris lors d'un colloque réunissant des chercheurs de l'Inra (Institut national de la recherche agronomique), du CNRS et de plusieurs universités. Les sécheresses seront «de plus en plus sévères, longues et fréquentes», ont assuré les chercheurs devant la presse. Certaines régions (sud, sud-ouest) seront touchées «dès un futur proche», vers 2050, mais la plupart seront concernées vers 2100.
Chênes, hêtres, épicéas, sapins, pins Douglas...: pour ces espèces particulièrement représentées en France, il y aura souvent une modification des aires de répartition. Les espèces méditerranéennes comme le chêne vert remonteront vers le nord, le pin sylvestre diminuera considérablement dans tout l'ouest, voire disparaîtra, selon Paul Leadley (université Paris-sud, CNRS). Le hêtre régressera fortement en plaine. «Pour certaines essences, il y a des quasi certitudes de quasi disparition», dit le chercheur, notamment pour celles de climat tempéré dans les plaines. L'aire des essences montagnardes se réduira aussi.
Certaines prévisions sont plus optimistes, tenant compte de l'augmentation de la teneur en CO2 dans l'atmosphère, qui peut protéger des arbres contre la sécheresse. Que nous apprennent les sécheresses antérieures, en 2003 ou 2006 ? «Il y a eu des arbres qui sont morts brutalement, mais ça n'a pas été le cas le plus courant», indique Nathalie Breda, une ancienne forestière, directrice de recherches à l'Inra. Certains arbres se sont acclimatés, d'autres se sont affaiblis pour finir par dépérir après plusieurs années.
Des chercheurs ont simulé la réduction de la pluie, progressive ou brutale, et regardé comment l'écosystème méditerranéen, particulièrement le chêne vert et le pin d'Alep, y réagissait. Ils ont constaté que si la dérive est lente, l'écosystème s'acclimate, avec une «architecture des branches» différente, et notamment «moins de feuilles pour consommer moins d'eau». Mais les sécheresses devraient devenir plus fréquentes et brutales, ne laissant pas le temps aux arbres «de se reconstituer, d'adapter leur système racinaire, d'ajuster la surface des feuilles», note Nathalie Breda.
Sans compter que certaines zones sont plus vulnérables que d'autres et risquent de le devenir encore plus, avec des pressions sur une ressource plus rare. Lors des sécheresses de la dernière décennie, les arbres les plus fragiles ont été touchés par des maladies, comme l'oïdium du chêne, dont la fréquence augmente quand les hivers sont plus doux. Les populations de scolytes, des insectes qui s'en prennent aux épicéas, sapins ou pins maritimes, explosent après des étés très chauds. «Les insectes se font alors les fossoyeurs des arbres affaiblis», dit Nathalie Breda.
Si la mortalité naturelle des arbres est de 0,4%, ce taux peut être considérablement multiplié dans les périodes de crise après sécheresse. Il faudra donc que les forestiers s'adaptent en fonction des espèces, de la région et du milieu local. Pour les aider, l'Institut de développement forestier (IDF) a publié en 2010 un «guide de gestion des forêts en crise sanitaire». Un «livre vert» (consultable sur le site de l'Inra) propose des pistes. Un réseau rapprochant chercheurs et gestionnaires, le RTM Aforce, a été mis en place. Enfin l'Inra prépare un programme sur l'adaptation de la sylviculture au changement climatique.