Les forêts mondiales sous l'œil de Google

Publié le par Notre Terre

zones-de-deforestation.jpg

En rouge, les zones de déforestation entre 2005 et 2010. | GOOGLE

Le Monde

 

Un peu comme les œuvres d'art dans un musée ou les rues d'un quartier dangereux, les forêts de la planète vont désormais être placées sous surveillance permanente, en temps « presque réel ». L'initiative internationale « Global Forest Watch » (GFW) a été lancée jeudi 20 février par le think-tank américain World Resources Institute (WRI) et une quarantaine de partenaires, au premier rang desquels Google et l'Université du Maryland.


Les partenaires ont dévoilé une base de données très sophistiquée destinée à suivre la déforestation liée à l'abattage illégal ou aux feux de défrichement. Car, aussi vitales que soient les forêts à l'humanité, elles continuent d'être pillées et détruites. Et, quand le crime est découvert, il est presque toujours trop tard. Quand il s'agit de forêts primaires, le mal est irréversible : il ne reste aujourd'hui que 15 % de leur surface originelle. Selon les informations réunies par Google et l'université du Maryland, la terre a perdu 2,3 millions de km2 de forêts entre 2000 et 2012, l'équivalent de 50 terrains de football par minute.


Pour constituer sa base de données, Google a travaillé avec la NASA à la compilation, à l'extraction et à la transformation de millions d'images satellites accumulées par le programme Landsat depuis plus de quarante ans, dont les archives ont été ouvertes au public en 2008. « La clé, depuis que l'on avait toutes ces données, c'était de trouver un moyen de les exploiter afin qu'elles soient véritablement utilisables », indique Rebecca Moore, directrice technique de Google Earth Outreach et de Earth Engine. Ensuite, avec l'équipe du géographe Matthew Hansen, de l'université du Maryland, et au terme de plusieurs années d'analyse des 700 000 images satellite, une carte en haute résolution de l'état des forêts de la planète et de leur évolution entre 2000 et 2012 à été mise au point.


« 10 000 ORDINATEURS SIMULTANÉMENT »

 

 

« Il a fallu faire travailler 10 000 ordinateurs simultanément pour faire fonctionner l'algorithme du Dr Hansen », précise Rebecca Moore. Le modèle analyse en permanence l'évolution des images reçues et, une fois éliminées les variations liées aux saisons ou à la météo, il est en mesure de déceler les fluctuations importantes du couvert forestier.

Parmi les multiples sources qui vont alimenter constamment Global Forest Watch, deux programmes satellite vont contribuer, l'un à fournir annuellement des images de très haute résolution observant des carrés de 30 m de côté au sol, et l'autre à fournir beaucoup plus régulièrement, toutes les 3 semaines, des images légèrement moins précises mais plus à jour. Les données satellites pour repérer des feux de forêts seront quotidiennes. Les concepteurs sont par ailleurs persuadés que les progrès technologiques devraient permettre d'obtenir des images plus précises et plus régulières d'ici quelques années.


« Plus d'un milliard de personnes dépendent des forêts pour leur emploi, leur alimentation, leur eau. Plus de la moitié de la biodiversité terrestre vient des forets. Et plus de 45 % du carbone est retenu dans les forêts. Bien s'en occuper devrait être une priorité absolue et une évidence. Mais nous avons échoué lamentablement », rappelle le directeur du WRI, Andrew Steer.


LE BRÉSIL COMME INSPIRATION


Malgré une prise de conscience progressive,  la lutte contre la déforestation tropicale butte sur le manque d'informations précises et l'insuffisance des moyens de contrôle. « Par exemple, quand le président indonésien a fait passer sa loi contre l'abattage illégal, il restait très difficile pour lui de savoir ce qui se passait vraiment sur le terrain », estime Andrew Steer.

Avec le projet GFW, si une plantation d'huile de palme remplace progressivement une parcelle boisée, une alerte pourra être adressée à tous les intervenants concernés par cette parcelle. Plusieurs multinationales, dont Nestlé et Uniliver, énormes acheteurs d'huile de palme, qui se sont engagées à lutter contre la déforestation, vont pouvoir surveiller de beaucoup plus près les sources d'approvisionnement de leurs fournisseurs.


A l'avenir, les cartes de GFW devraient aussi pouvoir renseigner sur l'identité de l'exploitant forestier responsable de  la parcelle ou sur les droits détenus ou revendiqués par les populations indigènes. « De même que vous pouvez regarder sur Google Earth à quoi ressemble la maison de vos amis, grâce à Global Forest Watch vous allez pouvoir surveiller comment évolue telle ou telle parcelle de forêt » explique Nigel Sizer, le chef du projet pour le WRI.


Le site, désormais accessible au public, se veut interactif. Les observateurs sur le terrain sont invités à commenter, confirmer, préciser les informations livrées. Pour le moment, GFW a obtenu 25 millions de dollars (18 millions d'euros), dont 10 millions du gouvernement de Norvège, le pays le plus généreux devant le Royaume-Uni et les Etats-Unis, qui ont chacun participé à hauteur de 5 millions, de même que le GEF (Fonds mondial pour l'environnement). Ces fonds devraient assurer le fonctionnement du projet, qui emploie une vingtaine de personnes à plein temps, pendant les trois premières années.


Le Brésil, seul pays au monde qui surveillait déjà ses forêts du ciel, par le biais de l'INPE, son agence spatiale, a servi d'inspiration pour le projet de GFW. Dans ce pays, le taux de déforestation a baissé de 70 % en quelques années. Global Forest Watch espère d'ici peu enregistrer à son tour des résultats tangibles sur le reste de la planète.

Publié dans Les bonnes nouvelles

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article