Offensive sans précédent contre l'une des dernières forêts primaires de Sumatra
Fin mars a eu lieu sur l’île de Sumatra une offensive sans précédent contre l’une des dernières forêts primaires de la planète. Les cadavres calcinés de centaines d’orangs-outans, derniers représentants d’une espèce cousine qui ne comporte plus que quelques milliers d’individus, ont été signalés par les représentants des ONG sur le terrain. Les causes de cette tragédie sont, comme toujours, l’appât du gain d’un côté, et l’indifférence de l’autre.
Tout d’abord, vendre le bois de la forêt pour le transformer en mouchoirs jetables, en cartons d’emballage, en livres, en meubles de jardin, puis remplacer la forêt par des plantations de palmier à huile, ingrédient-ersatz du savon Dove d’Unilever, de lapâte à tartiner Nutella de Ferrero et de très nombreux produits de supermarché. Enfin, contempler le désastre, lorsque, après quelques décennies, ces pratiques agro-industrielles auront érodé les sols fragiles, gorgé les nappes phréatiques de pesticides, transformant une région autrefois verdoyante en désert stérile.
Cependant, certains ne baissent pas les bras et ont décidé de mettre les entreprises devant leurs responsabilités. L’opération réussie de Greenpeace contre Nestlé et Sinas Mar, son fournisseur d’huile de palme indonésien, démarrée brutalement avec une vidéo extrêmement efficace, est encore dans toutes les mémoires. Greenpeace s’attaque maintenant au secteur très lucratif du bois et de ses dérivés : une à une,les multinationales consommatrices d’emballages (Kraft, Adidas, Danone, etc.) finissent par comprendre où se trouve leur intérêt… Mais, étrangement, un secteur semble résister à cette lame de fond : celui de l’édition.
Ainsi, dans un document concis et fort instructif, l’on apprend que le groupe La Martinière, notre champion national du beau livre bien-pensant (La Terre vue du ciel, Yann Arthus-Bertrand, 1999) fait partie des coupables. Soyons justes : il n’est pas le seul. Les éditeurs anglo-saxons, sont, eux aussi, très bien représentés.
Ainsi donc, le petit monde de l’édition, bien au chaud dans l’atmosphère intellectuelle de ses cafés, de Saint-Germain-des-Près ou d’ailleurs, ne semble pas être tout à fait conscient de sa contribution majeure à la crise écologique mondiale. En cette fin de semaine, marquée en France par un rendez-vous démocratique d’importance, restons optimistes et lançons un appel à tous ceux chez qui l’envie de changer les choses est chevillée au corps : tirez donc la sonnette de tous ces grands éditeurs et demandez-leur des comptes ! S’ensuivront, n’en doutez pas, d’intéressantes discussions de haute volée sur l’impératif catégorique kantien.