Produire de l'éléctricité à partir d'eaux usées
Bruce Logan et son équipe nous avaient déjà étonné avec un dispositif produisant du courant et de l’hydrogène à partir de trois types d’eau : salée, douce et usée. Problème : le dispositif MREC ne pouvait être utilisé qu’à proximité du littoral. Il peut maintenant s’installer n’importe où grâce au remplacement de l'eau de mer par des sels de bicarbonates d’ammonium, récupérables. La nouvelle cellule est même plus efficace que l'ancienne, y compris pour traiter les eaux usées...
En septembre 2011, Bruce Logan de l’université de Pennsylvanie, avait proposé un concept étonnant : produire de l’hydrogène et de l’électricité à partir d’eau de mer, d’eau de rivière et d'eaux usées. Sa solution : la « cellule d’électrolyse par électrodialyse inverse microbienne », dite MREC (pour Microbial Reverse-electrodialysis Electrolysis Cell).
Petit rappel : ce système se compose d’un RED intercalé entre les électrodes d’un MFC. Mais encore ? RED (Reverse Electrodyalisis) désigne un dispositif d’électrodyalyse inverse, qui génère un courant grâce à un gradient de salinité, par exemple entre de l’eau de mer et de l’eau douce. Il fonctionne grâce à des membranes perméables aux ions. Un MFC est une pile à combustible microbienne (Microbian Fuel Cell). Elle se compose d’un compartiment contenant des eaux usées et des bactéries. Il y a cependant une astuce : ces petites bêtes sont exoélectrogéniques, rejetant des électrons durant leurs repas.
Le MREC combine donc deux dispositifs générant de l'électricité gratuitement et employée pour hydrolyser des molécules d'eau au niveau d'électrodes. Or, cette réaction chimique provoque un dégagement d’hydrogène, combustible recherché. Entre 0,8 et 1,6 m3 de gaz peut être produit par jour pour 1 m3 d’eau utilisé. Soit, mais qu’y a-t-il de nouveau ?
La MREC a deux défauts. Premièrement, elle ne peut être employée qu’à proximité d’un littoral. Il faut en effet continuellement remplacer l’eau de mer. Deuxièmement, les particules en suspension encrassent le dispositif. Dans un article de la revue Science Express paru ce 1er mars, Bruce Logan explique comment il s'est affranchi de ces problèmes, en collaboration avec deux de ses étudiants.
Un peu de chaleur et hop… on recommence
L’emploi d’eau de mer est certes très écologique tant qu’il ne faut pas la nettoyer. Malheureusement, elle contient de nombreuses particules organiques en suspension susceptibles de boucher les pores des membranes du RED. Les sels de bicarbonate d’ammonium, poudre à lever communément employée dans l’industrie alimentaire, supprimeraient ce problème.
Avoir recours à ce composé chimique présente un avantage non négligeable. Plus besoin de changer continuellement l’eau douce et celle contenant les sels au départ. Exposés à une température de 43 °C, les ions dissous réagissent et s'échappent des liquides sous la forme d'un dégagement gazeux d’ammoniac et de dioxyde de carbone (CO2). Ces deux composés peuvent alors être captés, modifiés puis réemployés. La chaleur requise pourrait provenir des pertes d'énergie thermique affectant de nombreuses entreprises (7 à 17 % des énergies consommées) durant leurs différentes phases industrielles.
Production de courant et… traitement des eaux usées
L’utilisation des sels de bicarbonate d’ammonium présente un autre avantage de taille. Les MREC pourraient être construits à l’intérieur des terres, puisqu’il ne faudrait plus d’eau de mer. Ce changement de stratégie permettrait alors d'obtenir une puissance de 17 gigawatts à partir de l'ensemble des déchets organiques américains.
Le MREC purifie également les eaux usées grâce à l’action de ses bactéries. Selon les auteurs, le nouveau procédé aurait accéléré la dégradation de la matière organique de très petites tailles en suspension. Ces déchets sont difficiles à éliminer dans les stations d’épuration car ils requièrent des filtres particuliers. Le traitement des eaux usées dans le MREC aurait des répercutions sur l’énergie électrique employée pour purifier l’eau dans les circuits conventionnels. Une puissance de 60 gigawatts pourraient être économisés.
Voici donc comment ce dispositif pourrait produire de l’électricité ou de l’hydrogène sans émettre de gaz à effet de serre et en purifiant les eaux usées. Et le rendement alors ? Il serait supérieur à celui obtenu en utilisant de l’eau de mer. Une puissance de 5,6 watts par mètre carré de surface de cathode est avancé.