Un papillon met en échec les maïs OGM de Monsanto

Publié le par Notre Terre

En une génération transmettre massivement une mutation qui met un insecte à l’abri d’un insecticide ! C’est ce que des biologistes de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ont observé en Afrique en collaboration avec des scientifiques Sud-Africains et des Etats-Unis.

 

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Ils ont publié cet été dans PLOS One un article relatant cette découverte qui montre qu’une espèce de papillon, Busseola fusca, dont la chenille est un ravageur des champs de maïs, a trouvé en un tour de gène la riposte aux plantes génétiquement modifiés pour produire une toxine insecticide. Et surtout que cette mutation est transmise à la génération suivante de manière dominante et non récessive – des termes de génétique qui, pour le premier cas, signifie qu’il suffit qu’un seul des parents soit porteur du gène pour qu’il soit transmis et actif dans la descendance.
La toxine attaque le système digestif des chenilles

Cette découverte montre que, pour cette espèce de papillon africain, Busseola fusca, la stratégie consistant à introduire dans le génome de maïs le gène d’une bactérie commune, Bacillus thuringiensis, classiquement utilisée en agriculture biologique, comme substitut à d’autres méthodes de lutte contre le ravageur n’est pas efficace. Cette bactérie attaque en effet le système digestif des chenilles (en général des insectes de l’ordre des Lépidoptères) et en détruit les parois. En insérant le gène responsable de la fabrication de la toxine responsable de cette destruction dans des plantes cultivées, l’idée était de s’affranchir de l’épandage d’insecticides chimiques… ou d’autres formes de lutte contre les ravageurs comme en agriculture biologique.

 

L’efficacité de cette technologie a provoqué une rapide expansion de son usage dans le monde puisque l’on comptait 66 millions d’hectares cultivés en plantes transgéniques Bt (ou Bt plus tolérante à un herbicide, voir le graphique ci-contre) dans 25 pays en 2011. Les plantes sont alimentaires (maïs ou soja) et le coton. Pour ce dernier, il faut noter que l’hégémonie des multinationales américaines n’existe plus au niveau mondial, la Chine ayant développé ses propres semences transgéniques de conton Bt. En tous cas, soulignent les auteurs de l’article de PLOS One, plusieurs études montrent qu’en Chine et aux Etats-Unis, les cultures de plantes Bt ont agi efficacement contre cinq ravageurs principaux et permis une augmentation des populations d’insectes dit « auxiliaires » de l’agriculture comme les araignées ou coccinelles qui boulottent les pucerons, en raison de la diminution des épandages d’insecticides chimiques.


Toutefois, cette stratégie n’a rien de miraculeux et doit évidemment passer sous les fourches caudines du darwinisme: tout glaive va sélectionner parmi les boucliers suscité par la diversité, tout usage répétitif d’un même glaive renforce cette sélection vers les meilleurs des boucliers ainsi sélectionnés , et c. L’usage de la toxine Bt sélectionne nécessairement des mutations qui permettent de la combattre. Donc, un usage raisonné de cette technologie suppose, a minima, que des zones refuges où pourront se reproduire des insectes sensibles à cette toxine soient conservées; le plus raisonnable étant de varier les glaives au fil du temps.

 

A minima, car si le caractère génétique permettant à l’insecte de se protéger de la toxine est dominant, et non récessif, la résistance se propagera inéluctablement et rapidement à toute la population d’insectes. Jusqu’à présent, la plupart des résistances observées demeuraient dans des limites acceptables par les agriculteurs, laissant supposer que les résistances étaient portées par des caractères récessifs, même si le profit immédiat les conduisaient souvent à sacrifier l’avenir en répétant les mises en cultures de plantes Bt chaque année.
Des signaux d’alarme ont retenti

Mais des signaux d’alarme avait déjà retenti pour des cultures Bt, maïs et coton. A Porto Rico, une forte résistance apparaaît au bout de quatre ans seulement chez Spodoptera frugiperda. En Inde au bout de six ans pour P. gossypiella. Et au bout de 8 ans en Afrique du sud pour Busseola fusca. C’est ce dernier cas qui a fait l’objet de l’étude publiée dans Plos One. La plupart des études sur ces cas de résistances concluaient à des gènes récessifs ou semi-dominants, mais jamais complètement dominants, même si certaines observations suggéraient à l’inverse une transmission dominante. D’où l’idée qu’une stricte observation de la stratégie des zones refuges – donc utiliser avec modération les plantes transgéniques Bt – pouvait suffire à maintenir cette résistance à un niveau acceptable tant que la plante exprime avec assez de force la toxine insecticide. L’étude de Pascal Campagne, Marlene Kruger, Rémy Pasquet, Bruno Le Ru et Johnnie Van den Berg change la donne.

 

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Le papillon Busseola fusca est indigène dans pratiquement toute l’Afrique sub-saharienne où il ravage le maïs, ainsi que le sorgho et le mil en Afrique de l’ouest. Il peut détruire de 10 à 30% de la récolte d’un champ attaqué en raison de sa rapide prolifération. D’où l’introduction de semences transgéniques Bt en Afrique du sud, il y a quelques années et la déception devant la résistance massive observée au bout de 8 ans. Comment l’expliquer ?

Les chercheurs ont eu l’idée de croiser des insectes résistants récupérés en Afrique du Sud sur des champs de maïs transgéniques (des Mon810, de Monsanto) avec des insectes sensibles, récupérés au Kenya où il n’y a pas de culture de maïs Bt. Pour les premiers, ce sont 300 larves récupérées dans 3 fermes d’Afrique du sud, croisées avec des insectes kenyans élevés sur trois générations en laboratoire.

 

Puis une partie de leurs descendants ont été « nourris » avec du maïs Bt Mon810, les autres étant nourris avec du maïs non Bt. Les résultats sont clairs, la transmission de la résistance à la toxine acquise par les insectes sud-africains ne s’explique que par un gène dominant et non récessif. Autrement dit, pour cet insecte, la stratégie actuelle de la transgénèse végétale avec cette toxine insecticide ne peut qu’échouer. Les auteurs suggèrent donc de mettre en place des stratégies intégrées de lutte contre les ravageurs

C’est pourquoi, souligne l’IRD dans son communiqué «les chercheurs explorent d’autres voies de lutte biologique prometteuses contre les ravageurs du maïs en Afrique, soit à partir d’un champignon pathogène ou grâce à des petites guêpes parasitoïdes. Celles-ci pondent leurs œufs dans les chenilles de B. fusca , puis leurs larves tuent les chenilles après s’être développées à leurs dépens.»

Mais la transgénèse végétale utilisée en agriculture ce n’est pas seulement une idée de biologistes et ne pose pas uniquement des problèmes agronomiques ou environnementaux (pour les problèmes sanitaires, pour l’instant, il n’y a pas grand chose de sérieux à se mettre sous la dent, mais rien n’interdit que cela survienne). Les semences transgéniques ont fait l’objet de brevets – autorisés par les Etats – et ont permis à des industriels de l’agrochimie – Monsanto en particulier – de prendre pied sur le marché des semences, d’y conquérir des positions dominantes et de réaliser d’importants profits.

 

D’où de vifs débats ou affrontements sociaux et politiques, qui ne portent pas seulement sur les intérêts ou inconvénients agronomiques et environnementaux des plantes transgéniques, mais également sur les modèles agraires qu’elles favorisent ou attaquent. Nul doute que cette découverte sera utilisée dans ce débat. Le sera t-elle pour ce qu’elle dit vraiment ?

 


Publié dans OGM j'en veux pas!

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