Une éleveuse bio « hors la loi » parce qu’elle soigne ses brebis par les plantes
Une éleveuse bio risque de perdre ses primes de la PAC. Le motif ? Elle soigne ses brebis avec des plantes et des huiles essentielles, acte « non conforme » à la réglementation européenne.
Éleveuse à Bourdeaux (Drôme), Sandrine Lizaga a récemment reçu de la préfecture un « rappel réglementaire » comminatoire visant les soins par les plantes qu’elle prodigue à ses 60 brebis laitières.
A la Ferme du Serre, où elle s’est installée en 2010, tout commence lors d’un contrôle, le 6 août dernier, de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), raconte l’éleveuse, mère de deux enfants qui travaille en couple. Deux inspectrices lui rendent visite « pour le compte de la direction départementale des territoires (DDT), chargée des aides européennes et des conditions de leurs attributions », précise Sandrine, toujours pas remise de leur réaction ce jour-là.
En découvrant sa pharmacie composée seulement de quelques tubes d’huiles essentielles et de granulés d’homéopathie, les deux agents se montrent « scandalisées »: « l’inspectrice ne savait pas ce qu’était un tube de granules, elle m’a demandé comment je faisais, je pensais que tout le monde connaissait l’arnica! », plaisante à moitié l’éleveuse.
Mais la lettre du directeur de la DDPP qui s’ensuit début septembre ne la fait plus sourire : « Ce contrôle a mis en évidence plusieurs non-conformités à la réglementation auxquelles je vous demande d’apporter les mesures correctives (…) L’utilisation d’homéopathie et d’huiles essentielles à des fins thérapeutiques est soumise à prescription après examen des animaux par un vétérinaire », indique le courrier.
Depuis, « je suis dans le flou, je ne sais pas si je vais être pénalisée ou pas », confie cette femme de 40 ans. Selon la DDPP, l’éleveuse risque une « réfaction de ses primes PAC », même s’ »il n’y a pas de décision prise pour l’instant ».
Ces aides représentant 40% de son chiffre d’affaires, « soit mon salaire à moi », dit-elle. Craignant d’autres sanctions comme l’interdiction de commercialiser, voire la saisie des animaux, elle a décidé d’alerter des collègues et la Confédération paysanne.
La mobilisation a payé puisqu’après un rendez-vous à la DDPP avec le syndicat, Sandrine reçoit un second courrier, le 7 octobre, dans lequel l’administration admet que « l’utilisation de médicaments homéopathiques n’est pas soumise à la prescription d’un vétérinaire ». Les huiles essentielles et les plantes en revanche sont bien soumises à ordonnance.
« Mais si je vais ramasser de la prêle ou de l’ortie, des plantes minéralisantes pour mes bêtes, c’est interdit! », déplore-t-elle. Mais pour l’administration, les huiles essentielles à visée vétérinaire doivent faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché garantissant leur inocuité.
« Je ne joue pas à l’apprentie sorcière, je sais que les huiles essentielles ne sont pas anodines, j’ai suivi plusieurs formations avec des pharmaciens et des vétérinaires », rétorque Sandrine, relevant qu’une majorité d’entre eux ne connaissent pas ces types de traitements.
De guerre lasse, elle pourrait demander à sa vétérinaire, avec laquelle elle travaille actuellement en confiance, de lui faire des ordonnances pour se plier au système. Mais à ses yeux, ce serait « totalement hypocrite ».