Vingt-neuf pesticides dans le thé des Chinois
Haro sur les résidus de pesticides dans le thé : après une première campagne qui concernait neuf grands producteurs de thé chinois, Greenpeace Chine s'attaque, dans un rapport publié mardi 24 avril, aux thés Lipton vendus dans le pays. La marque, qui appartient à la multinationale Unilever, est leader en Chine pour les thés en sachet.
Aucun des thés testés lors des deux campagnes n'est destiné à l'exportation : les normes européennes par exemple, qui ont été renforcées le 1er octobre 2011 pour les thés chinois, imposent des limites maximales de résidus (LMR) bien plus strictes que celles en vigueur en Chine. Mais ces résultats confirment les failles du contrôle sanitaire tout au long de la chaîne qui va des planteurs (ils sont 8 millions en Chine) au consommateur dans le premier pays producteur de thé au monde.
Les quatre catégories de thé Lipton que l'équipe de Greenpeace a fait tester en laboratoire sont un thé vert, un thé au jasmin, un thé appelé Iron Buddha et enfin un thé noir, tous conditionnés dans l'usine géante du groupe à Hefei, dans la province de l'Anhui. Chacun des trois premiers échantillons contient au moins neuf types de pesticides - dont sept n'ont pas été approuvés dans l'Union européenne (UE). Parmi eux, des traces d'au moins trois substances actives de pesticides interdites en Chine sur les plants de thé en raison de leur très haute toxicité (le dicophol, l'endosulfan et le méthomyl) ont été détectées.
SUPÉRIEURES AUX NORMES DE L'UE
Dans aucun cas, ces quantités de pesticides ne dépassent les limites maximales de résidus imposées par la réglementation chinoise. Mais elles sont, dans plusieurs cas, supérieures aux normes de l'UE, qui peuvent être 30 fois plus strictes, par exemple pour le méthomyl, un insecticide. "En dépit de toutes les assurances que donne Lipton sur son thé, on trouve des traces de pesticides dans le produit final. Et notamment des traces de pesticides interdits, dont l'effet sur le long terme peut être très nocif même à petites doses, affirme Wang Jing, directrice de la campagne de Greenpeace. Cela prouve qu'il y a des déficiences au niveau de la chaîne de production."
Contacté en Chine, Unilever n'était pas en mesure, mardi matin, de commenter le rapport. Mais le groupe indique qu'"à l'horizon 2015, tous les thés Lipton auront la certification Rain Forest Alliance, qui inclut des critères stricts à l'égard des pesticides". Il précise que cette certification sera appliquée à tous les thés chinois produits dans la province du Yunnan "avant fin 2012".
La première enquête publiée par Greenpeace, le 13 avril, sur neuf grands producteurs de thé chinois, avait révélé la présence de 29 types de pesticides dans les variétés de feuilles de thé examinées en laboratoire. Là non plus, les LMR chinoises ne sont jamais dépassées, du moins dans les cas où la substance active est répertoriée par le ministère de l'agriculture chinois.
"Sur 29 pesticides que nous avons trouvés, seuls 5 sont listés par les organes de supervision chinois, explique Wang Jing. Pour les thés, il n'y a en Chine que 30 substances actives listées, contre 450 pour l'UE. Or il y a près de 600 types de pesticides en Chine. La réglementation est très en retard sur les usages agricoles, notamment pour les plantations de thé."
SCANDALES SANITAIRES ET ALIMENTAIRES
Surtout, les enquêteurs de Greenpeace ont testé des plants de thé dans les provinces du Fujian (première région de production du thé oolong) et dans le Zhejiang (première région pour le thé vert) et y ont identifié des traces de pesticides interdits. Enfin, ils ont constaté que des pesticides contenant des substances actives interdites en Chine étaient proposés à la vente dans les villages proches de plantations. "Ces pesticides sont largement utilisés. Notre objectif est de faire comprendre qu'il ne suffit pas pour les entreprises concernées de se cacher derrière le fait que les limites maximales de résidus décelés dans leurs thés sont inférieures aux normes chinoises", poursuit Melle Wang.
Le rapport de Greenpeace sur les thés chinois - vendus entre 10 et 220 euros le kg - avait provoqué un vif émoi parmi des consommateurs déjà échaudés par des scandales sanitaires et alimentaires à répétition, de la mélamine dans le lait à l'huile de friture recyclée, en passant par la viande de porc au clenbutérol. Sheng Dongjun, un millionnaire d'une quarantaine d'années qui a acquis en 2011 un château dans le Bordelais, s'était ému sur Weibo, le site de microblogs chinois, de ne plus savoir quoi offrir à ses amis à l'étranger. "Je vais avoir l'air de quoi quand ils me diront : "Arrêtez de m'en offrir, je n'ai pas envie d'être empoisonné"?", a-t-il twitté le 19 avril.
L'Association des producteurs de thé chinois avait "réservé son avis" sur le rapport de Greenpeace, soulignant le fait que les échantillons de thé examinés respectaient tous les normes nationales. Elle avait toutefois invité les experts à "enquêter et analyser les résultats du rapport". Selon l'ONG, les quatre agences gouvernementales chinoises concernées (au sein notamment du ministère de l'agriculture et de la santé) n'ont pour l'instant pas réagi à sa première enquête. Le dossier sur Lipton pourrait raviver la pression de l'opinion publique.