Un cliché d’une famille de lynx, capté dans une forêt de Charlevoix par le photographe Jay Lapointe.
Les deux agences de l’environnement et de l’alimentation de l’Onu encouragent un plan de restauration des écosystèmes sur dix ans et réclament l’engagement des gouvernements au sommet mondial d’octobre, en Chine.
C’est la Journée mondiale de l’environnement, pas au top de sa forme pour son anniversaire, ce samedi 5 juin. L’humanité vit à un rythme insoutenable ; il lui faudrait 1,6 planète Terre pour satisfaire son appétit annuel. Elle a déjà éliminé 93 % des mammifères sauvages, la moitié des plantes ; les populations d’oiseaux, d’insectes et la vie dans les sols sont en chute libre.
À juste titre, les Nations unies notent un balbutiement des meilleures pratiques dans l’agriculture et dans le BTP, mais jugent les efforts de conservation insuffisants pour empêcher une perte généralisée de la biodiversité. Jeudi 3 juin, l’Onu a ouvert une « Décennie pour la restauration des écosystèmes », pilotée par ses agences de l’environnement (PNUE) et de l’alimentation (FAO). D’ici à 2030, il faudrait que les gouvernements s’engagent à restaurer et à réensauvager au moins un milliard d’hectares, soit l’équivalent de la superficie de la Chine. Sachant qu’il faut, en même temps, cesser de détruire forêts, prairies, mangroves… Sans oublier l’océan.
Un manque d’investissements
De nombreux États s’y engageront, lors de la COP 15 de la biodiversité, en octobre, en Chine. Mais d’autres, notamment les riches, traînent. Exemple ? L’Union européenne négocie actuellement sa nouvelle Politique agricole commune, soit l’occasion de mieux financer les « services rendus » à la nature. Les eurodéputés ont bien proposé d’orienter 30 % des financements vers la biodiversité et le climat. Les dirigeants estiment que 18 % suffisent.
Une vision à courte vue. « La moitié du PIB mondial dépend de la nature et la dégradation des écosystèmes affecte déjà 40 % des humains, en menaçant la santé, les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire », cosignent Inger Andersen, directrice du PNUE, et Qu Dongyu, directeur de la FAO.
La préservation de la biodiversité souffrirait du même mal que la lutte contre le réchauffement climatique : le manque d’investissements, selon l’ONG néerlandaise Care. Ainsi, les États développés n’ont pas tenu leur promesse de trouver, en 2020, 100 milliards de dollars pour aider les pays les plus démunis face au changement climatique. Il en manque vingt. En cette même année de pandémie, l’argent est allé ailleurs : les dix plus grandes compagnies aériennes au monde ont reçu 62,7 milliards de subventions publiques.
Un naturaliste, Patrice Costa, alerte sur la disparition des oiseaux et des insectes de nos campagnes, alors que les grands prédateurs sont protégés. Un déclin de la petite faune locale, à enrayer d'urgence.
Il a constaté de visu "le déclin du vivant dans le monde". Patrice Costa, vice-président de l'Institut européen d'écologie et ancien grand reporter en charge de l'environnement, a beaucoup voyagé et observé la faune de la planète. Et, pour lui, "on se rend compte qu'il y a de gros problèmes."
Nos oiseaux disparaissent, "surtout en milieu rural"
La sonnette d'alarme qu'il tire aujourd'hui ne concerne pas les grands singes, ni les ours polaires. Mais, tout près de nous, notre faune locale qui est en grand danger. Principalement les oiseaux des champs, dont le nombre "est en chute libre". Alors que peu de monde semble s'en émouvoir.
Pour Patrice Costa, "ce qui se passe actuellement" est plus qu'inquiétant : "la petite faune campagnarde, principalement les petits oiseaux, c'est incroyable, la vitesse à laquelle ça f... le camp" déplore-t-il. Et d'évoquer ce terrible et récent silence, que chaque promeneur attentif est capable de remarquer. Car trop souvent, en pleine nature, en ces lieux où l'on entendait chanter des oiseaux ordinaires, banals, comme l'alouette des champs, "maintenant, on n'entend plus rien."
Le même constat est relayé par les photographes et vidéastes animaliers, fins observateurs de la biodiversité locale. Ils sont nombreux à raconter que depuis quelques années, les oiseaux se font de plus en plus rares.
Oiseaux et insectes, pareillement menacés
Selon le naturaliste, l'explication de cette hécatombe est simple : "Le problème, c'est que les insectes ont disparu." Et lui-même n'a aucun mal à lister les responsables: "l'utilisation des pesticides et des produits phytosanitaires et l'agriculture intensive avec les openfields", ces immenses champs d'un seul tenant, en monoculture. Mais il pointe tout autant "l'artificialisation des terres, l'étalement de l'urbanisme et la multiplication des ZAC (zones d'aménagement concerté) en périphérie des villes."
"Nous avons la critique facile" pour fustiger des pays d'autres continents qui détruisent la biodiversité, poursuit Patrice Costa. "Mais chez nous, on n'est pas foutus de conserver les petits oiseaux de la campagne."
Et de constater que les mêmes ravages se poursuivent sous la terre : "Si on donne un coup de bêche dans le sol d'un openfield" soumis depuis des années à des traitements chimiques, "et si on y cherche des organismes vivants, on n'en trouve plus." Sans même parler des sols entièrement bétonnés, "sous lesquels il n'y a plus rien".
plaine céréalière dans la Beauce. Ici la nature a totalement disparu
Seuls les "rats des champs" tirent leur épingle du jeu. Les rongeurs, campagnols, mulots et autres petits mammifères "savent mieux s'adapter" à l'évolution de leur milieu naturel, et retrouver d'une manière ou d'une autre le gîte et le couvert.
Les oiseaux des villes sont plus heureux
Curieusement, les oiseaux et les insectes semblent bien mieux se porter en milieu urbain. Ce phénomène récent s'explique aisément : les lois "sur l'abandon des pesticides et des phytosanitaires" ont eu pour conséquence un nouveau développement des insectes. "On laisse des parcelles avec de la végétation folle, et inévitablement, ça attire à nouveau les insectes et les papillons." Et par ricochet, "les oiseaux qui vont avec."
Les grands prédateurs se portent bien
Autre paradoxe relevé par Patrice Costa : depuis quelques décennies, les grands prédateurs, longtemps menacés, prennent à nouveau leurs aises. Les raisons en sont connues : "la réintroduction ou la recolonisation naturelle." Longtemps "massacrés par les humains parce que considérés comme concurrentiels", ils retrouvent aujourd'hui droit de cité. "C'est le retour du sauvage."
A côté des loups et des lynx, les plus médiatisés, "on constate aussi le retour des grands rapaces qui avaient plus ou moins disparu." Exemples parmi d'autres : le Grand-duc d'Europe, le plus grand des oiseaux de proie nocturnes. Ou le Pygargue à queue blanche, "ou encore le Balbuzard pêcheur, qui avait complètement disparu, alors qu'on en dénombre à nouveau une centaine de couples en France."
Là aussi, l'explication est aisée : "Ils reviennent, suite au rôle de protection de la loi de 1972 sur les rapaces. Mais aussi grâce à la prise de conscience qu'ils sont utiles aux agriculteurs, puisqu'ils pourchassent les nuisibles."
Ainsi, résume le naturaliste, "l'évolution du sommet de la chaîne alimentaire" est positive. Alors que la faune plus modeste est gravement menacée. Et ce qui le "passionne", c'est "ce type de fossé" entre la destruction de "la biodiversité rurale, quotidienne" et le rebond de "certaines espèces emblématiques".
Comment inverser la tendance ?
L'exemple de la renaissance des prédateurs montre bien qu'avec des lois et des initiatives bien adaptées, rien n'est vraiment inéluctable. En Alsace, l'histoire de la cigogne blanche est également parlante : il ne restait plus que neuf couples au début des années 1970, contre plusieurs centaines actuellement – presque trop. Là aussi, manifestement, toutes les mesures de protection "ont porté leur fruit."
Mais pour sauver nos oiseaux des champs et des bois, nos insectes et nos vers de terre, si ordinaires, si modestes et pourtant tellement indispensables, "il faut faire vite, très vite" martèle Patrice Costa. Lui-même se dit effrayé par la rapidité de leur déclin : "Ça me fait peur" avoue-t-il. "Et pour le rattraper, ce sera dur."
Toute initiative, même très locale, est bonne à prendre. Comme revoir notre manière d'aménager nos jardins de campagne, afin de favoriser le retour d'insectes autochtones, selon l'exemple du jardin Hymenoptera créé voici quelques années à Obersteinbach (Bas-Rhin). Mais pour réellement inverser la tendance, il faut une prise de conscience globale. D'urgence.
Car pour Patrice Costa, il n'y pas trente-six solutions : il faut cesser de bétonner et, surtout, "il faut vraiment changer nos paradigmes agricoles" et revenir "à une agriculture plus respectueuse." Un changement de cap à grande échelle qu'il appelle de tous ses vœux. Mais qu'il craint de voir arriver trop tard. Alors que la destruction de la faune locale menace tout l'équilibre naturel dont nous sommes partie prenante. D'où ce cri du naturaliste : "Est-ce que nous prenons vraiment conscience que nous dilapidons ainsi notre assurance vie ?"
Patrice Costa participera ce samedi 29 mai à 12h55 à l'émission spéciale de France 3 Grand Est : "Agir ensemble pour la nature", en direct du parc de Sainte-Croix, ainsi qu'aux "Entretiens de la biodiversité", quatre journées de réflexion autour de la biodiversité, qui se termineront dimanche 30 mai.
Capables de stocker chacune jusqu’à 33 tonnes de dioxyde de carbone, nocif pour la planète, les baleines pourraient bien être nos meilleures alliées pour préserver les écosystèmes, explique le Financial Times dans une vidéo.
Une seule baleine dans l’océan pourrait faire autant de bien à la planète que plusieurs milliers d’arbres. Sur une période d’un an, un arbre ne peut absorber en moyenne que 21 kilos de CO2, principal gaz responsable de l’effet de serre provoquant le réchauffement climatique. À titre de comparaison, le corps d’une baleine bleue, le plus gros animal vivant à notre époque, peut stocker jusqu’à 33 tonnes de dioxyde de carbone. Lorsqu’elles meurent et coulent au fond de l’océan, tout ce carbone y est stocké pendant des siècles.
Or, pendant de nombreuses années, les baleines ont été décimées par la pêche industrielle, et leur population a connu “une baisse de 66 % à 90 % selon les estimations des scientifiques”, explique le Financial Times. Dans le monde, il ne resterait plus à l’heure actuelle que 5 000 baleines bleues, contre 250 000 au siècle dernier.
Ce qui conduit le quotidien britannique à s’interroger : quelle quantité de dioxyde de carbone pourrions-nous retirer de l’atmosphère si nous protégions les baleines pour reconstituer leur population d’origine ? “Selon les chercheurs, on estime qu’avant le XXe siècle la chasse à la baleine a eu pour conséquence le rejet dans l’atmosphère de 1,9 million de tonnes de gaz carbonique, et depuis 1900, de 70 millions de tonnes supplémentaires.” Or 70 millions de tonnes de CO2, c’est “l’équivalent de ce que rejettent 15 millions de voitures en un an”, explique le média.
La protection de ces animaux serait un donc un levier de taille pour décarboner la planète. Actuellement, les baleines sont pourtant en danger d’extinction, menacées par la surpêche du krill – la crevette dont se nourrissent les cétacés –, mais aussi par la chasse toujours pratiquée par certains pays, le bruit des sonars ou encore la pollution chimique.
Même les déchets rejetés par les baleines ont un impact considérable sur notre environnement : leurs excréments, riches en nutriments, constituent essentiellement une ferme à phytoplancton, des végétaux microscopiques présents dans les eaux de surface. Ces derniers peuvent capturer près de 40 % de tout le carbone produit sur notre planète.
Inondations, vagues de chaleur, pollution... 400 millions de personnes seront à risque d'ici 2030 du fait du changement climatique, selon un rapport.
Des centaines de millions de citadins sont à risque, du fait de la problématique du changement climatique, met en garde une ONG. Des centaines de villes dans le monde n'ont pas de plan pour faire face au changement climatique malgré la montée des menaces comme les inondations, les vagues de chaleur et la pollution, selon un rapport mercredi qui estime que 400 millions de personnes seront à risque d'ici 2030. Les zones urbaines abritent plus de la moitié de la population de la planète. CDP, une ONG collectant des données d'impact environnemental divulguées par des entreprises, villes et États, a trouvé que sur 800 villes, 43% n'ont pas de plan pour s'adapter aux défis que pose le changement climatique.
Avec la croissance urbaine, CDP estime que d'ici 2030 environ 400 millions de personnes vivront dans des villes mal préparées à cette menace. "L'urgence d'agir avec des mesures adaptées pour la sécurité de ces citoyens, est aggravée par (la croissance de la population urbaine)", a dit Mirjam Wolfrum, responsable de CDP pour l'Europe. Les cinq plus grandes menaces sont les inondations, les vagues de chaleur, les pluies torrentielles, les pics de chaleur et la sècheresse, selon elle, en n'oubliant pas aussi la pollution de l'air.
Parmi les villes recensées dans le rapport, certaines tentent de s'adapter en plantant des arbres (20%), en cartographiant les zones inondables (18%) et en développant des plans de gestion de crise (14%). Certaines étudient aussi les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre (produit à 70% dans les villes), en augmentant par exemple l'utilisation d'énergies renouvelables. Selon l'Accord de Paris sur le climat en 2015, les pays s'engagent à des mesures pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius.
Depuis, on a enregistré des années parmi les plus chaudes, et de sévères évènements climatiques ont frappé des communautés à travers le globe. Mais certaines localités ont décidé d'agir plus radicalement que les pays signataires de l'Accord de Paris, selon CDP. Comme le comté de Santa Fé aux États-Unis, le grand Manchester au Royaume-Uni et Penambang en Malaisie.
Le nombre de villes participant au rapport annuel de CDP est aussi à la hausse. Elles étaient 812 en 2020, contre 48 pour la première étude en 2011. Les villes "paient déjà des milliards pour affronter les changements dus au climat et voient la somme augmenter", dit-elle. Elles ont aussi du mal à financer ces plans, selon CDP, un quart d'entre elles disant manquer d'argent pour passer à l'action. Trois-quart des villes du rapport attendent des fonds et des innovations du secteur privé.
Selon la Banque mondiale, le coût annuel moyen des dommages causés par les évènements climatiques et autres désastres dans les villes s'élevait à 314 milliards de dollars en 2015. Il atteindrait 415 milliards en 2030.
Les coûts des dégâts engendrés par le réchauffement climatique sont supérieurs aux coûts des politiques adaptatives et anticipatives qu'il aurait fallu mettre en place il y a 20 ans pour lutter contre le réchauffement.
Près de quarante distributeurs, entreprises et fédérations essentiellement européennes menacent le Brésil de boycotter ses produits agricoles s'il ne retire pas un projet de réforme agraire qui risque d'accélérer selon eux la déforestation de l'Amazonie, dans une lettre diffusée mercredi.
Des chaînes de supermarchés comme l'allemand Aldi, les britanniques Asda, Marks and Spencer, Sainsbury's ou Morrisons, le suisse Migros s'inquiètent d'un projet de loi qui prévoit la privatisation de terres et "menace comme jamais l'Amazonie", qui a pourtant fait l'objet de "feux de forêt et de déforestation à des niveaux extrêmement élevés" l'an passé.
Cette missive adressée aux parlementaires brésiliens, également signée par la chaîne de fast-food britannique Greggs, des fédérations professionnelles ou les sociétés financières Skandia et Legal and General, relève que "les objectifs pour réduire les niveaux" de déboisement "et les budgets pour y parvenir sont de plus en plus inadéquats".
Elle souligne que "l'Amazonie est une partie vitale du système terrestre (...) essentielle pour la sécurité de notre planète tout en représentant un élément vital d'un avenir prospère pour les Brésiliens et toute la société".
Les groupes signataires relèvent que les "protections existantes dans la législation brésilienne ont été déterminantes pour nos organisations" qui ont foi dans le fait que leurs produits, services et investissements au Brésil "sont en ligne avec nos engagements environnementaux et sociaux".
"Notre porte reste ouverte pour nos partenaires brésiliens" pour parvenir à "une gestion des terres et une agriculture soutenables" qui préservent le développement économique et les droits des peuples autochtones, mais "sans mettre en danger" des écosystèmes "essentiels pour la santé du monde".
Ils concluent que si ces mesures deviennent des lois, "nous n'aurons d'autre choix que de reconsidérer notre recours à la chaîne d'approvisionnement agricole brésilienne" et enjoignent le gouvernement à "reconsidérer cette proposition" législative.
La déforestation a détruit 8.426 km2 de jungle amazonienne au Brésil en 2020.
Le nombre des incendies avait par ailleurs augmenté de 61% en septembre 2020 par rapport au même mois de l'année 2019. En janvier le chef Raoni Matuktire, défenseur emblématique de la forêt amazonienne, avait demandé à la Cour pénale internationale d'enquêter pour "crimes contre l'humanité" contre le président brésilien Jair Bolsonaro, accusé de "persécuter" les peuples autochtones en détruisant leur habitat et bafouant leurs droits fondamentaux.
Pour l'ONG Imazon, le nouveau projet de loi "aggrave certains des risques et en crée d'autres". Dans un poste sur son site internet, Imazon affirmait le mois dernier que "deux projets de loi actuellement au Congrès brésilien "allaient donner à des envahisseurs des forêts publiques des titres de propriété au lieu de les punir et de retourner ces terrains à l'Etat", des projets législatifs issus d'un projet de loi similaire qui avait expiré avant d'avoir pu être adopté l'an dernier.
Ce texte prévoyait la régularisation des exploitations illégales de terres publiques et faisait déjà craindre une aggravation de la déforestation et des conflits agraires, en particulier en Amazonie, dans un contexte de remise en cause des normes environnementales par le gouvernement Bolsonaro.