Chine : les forêts de Hainan dévastées par le tourisme malgré l'opposition des habitants
Sur l'île de Hainan, en Chine, les autorités ont réduit au silence un militant écologiste qui luttait pour en protéger les forêts. Selon Greenpeace, il n’aura fallu que dix ans pour que l’île perde le quart de ses forêts au profit de résidence de luxe et autres parcours de golf. Actuellement, sur l’île de Hainan, les pelleteuses chinoises achèvent la construction d’un terrain de golf en bord de mer.
Les plages de sable de l’île continuent à attirer les promoteurs qui poursuivent le déboisement pour y implanter des résidences et des hôtels de luxe destinés à booster le tourisme. Wang Jurong, une paysanne de Wanning se souvient : "ils ont coupé la forêt il y a à peu près un an".
Si la chose apparait désastreuse, elle est malheureusement aussi bien trop facile : comme cette habitant le précise, "si vous nous donnez une somme suffisamment élevée, vous pouvez faire ce que vous voulez de la terre". Ainsi, selon Greenpeace, Hainan a perdu en dix ans 25% de ses bois et forêts. Et ceux qui s’y sont opposés ont purement et simplement été réduits au silence. C’est le cas de Liu Futang, un ancien responsable de l'administration des forêts qui a vu son compte Sina Weibo (l'équivalent chinois de Twitter) fermé suite à un message de soutien adressé aux habitants de Yinggehai qui protestaient contre une centrale électrique au charbon.
"Botter les fesses des responsables officiels"
Il a ensuite été emprisonné et condamné pour avoir publié des livres contre la destruction de forêts (dont Le rêve vert et Les larmes de Hainan). Relâché après quelques mois et condamné à une peine de trois ans de prison avec sursis, il lui est aujourd’hui formellement interdit de parler aux médias. Ne mâchant pas ses mots, l'homme, cité par l'AFP, avait écrit que "pour protéger l'environnement de Hainan qui est déjà pratiquement détruit il faut botter les fesses des responsables officiels, leur faire sentir le pouvoir du peuple".
Une phrase qui n'a pas été du goût des autorités chinoises qui l’ont arrêté quelques mois plus tard. Les procureurs de Haikou, la capitale de l'île, l’ont accusé d'avoir publié illégalement à compte d'auteur des livres sur les problèmes environnementaux à Hainan et d'avoir ainsi gagné 78 000 yuans (soit 9 640 euros). Une accusation absurde, selon ses avocats. Liu expliquait au tribunal, au bord des larmes, "si j'avais voulu faire de l'argent, je n'aurais jamais publié ces livres".
L’avocat Zhou Ze est lui aussi connu pour son travail sur les affaires de droits de l'Homme. Malheureusement, il n'a pas été autorisé à représenter Liu et il affirme que "le bureau local de la sécurité publique lui a fait promettre de ne pas parler aux médias, ce qui constitue clairement une violation de ses droits". De leurs côtés, ni la sécurité publique ni le tribunal n'ont répondu aux questions de l'AFP.
Des habitants menacés par les arrestations et les passages à tabac
Malgré tout cela, Liu Futang est devenu un symbole de la répression contre les militants écologistes en Chine. Mais cette condition n’est pas facile. A Yinggehai, une ville pauvre, les habitants se souviennent des arrestations et passages à tabac de ceux qui ont protesté contre la centrale électrique en octobre dernier. Un commerçant, qui témoigne anonymement, raconte que les autorités "ont arrêté ceux qui se trouvaient en premier ligne du mouvement de protestation".
Aujourd’hui "nous craignons d'être arrêtés, c'est pourquoi nous ne voulons pas parler de la centrale", ajoute-t-il en glissant discrètement à l'AFP le texte d'une chanson rap protestataire. On peut y lire : "Personne n'ose le rapporter, à cause de la pression du pouvoir central... et ceux qui défendent leur jolie maison sont réprimés", évoquant les médias chinois censurés et les expropriations forcées.