Matières permières, l'envolée mondiale
L'info écologique
Dans la revue IBIS, un naturaliste suisse s'inquiète de l'impact des sports d'hiver sur la santé et le confort du grand tétras, un oiseau emblématique qui passe la mauvaise saison à proximité des stations de ski des Alpes.
"Les écosystèmes alpins à travers l'Europe sont restés relativement préservés jusqu'au début du siècle dernier, mais aujourd'hui les secteurs d'activités humaines de plein air coïncident avec les habitats hivernaux de plusieurs espèces timides et menacées. Le grand tétras a subi un rapide déclin de ses populations ces dernières décennies", explique Dominik Thiel, de l'Institut ornithologique suisse.
Son équipe a suivi des populations de ces oiseaux, aux environs de stations de sports d'hiver suisses et allemandes durant deux saisons consécutives. Les 1.130 échantillons de fiente analysés révèlent une augmentation du taux d'hormones du stress chez les volatiles. L'hiver est la période où les oiseaux ont les plus grands besoins énergétiques, et où ils doivent pourtant se contenter d'une rare nourriture, telle que les aiguilles de pin. Prendre la fuite lorsqu'ils sont dérangés par des gens occasionne un grand surcroît de dépense énergétique.
"L'hiver est toujours la saison le plus énergétiquement exigeante de l'année pour n'importe quelle espèce survivant dans les montagnes. Le fait que cela coïncide avec une perturbation humaine intense a des implications physiologiques et comportementales claires pour le grand tétras", conclut Dominik Thiel.
Glaciologue de renom, médaille d'or du CNRS, Claude Lorius, 79 ans, a participé à plus d'une vingtaine d'expéditions polaires. Pionnier des forages glaciaires en Antarctique, il est le seul Français lauréat du prix Blue Planet, sorte de Nobel de l'écologie. Dans un bel essai, Voyage dans l'anthropocène (1), écrit avec le jour- naliste Laurent Carpentier, il raconte comment l'homme, devenu en quelques siècles la principale force géologique , a fait basculer l'environnement durable de la Terre dans une ère d'aléas, d'extrêmes et de destructions, en la transformant "comme aucun autre événement depuis des millions d'années".
Peut-on relier les épisodes actuels de grand froid avec ce nouvel âge que vous appelez l'anthropocène?
Ces épisodes illustrent bien, en effet, ce temps nouveau qui est désormais le nôtre, dans lequel la notion de températures saisonnières "normales" oscillant par rapport à des moyennes disparaît au profit de conditions plus extrêmes. Loin de remettre en question le réchauffement du climat, ces phénomènes le confirment.
Par quel mécanisme?
La fonte des glaces arctiques engendre un réchauffement de l'océan alentour. Ce phénomène crée une surpression d'énergie issue de la vapeur d'eau qui s'échappe de la mer pour passer dans l'atmosphère. La circulation de l'air ainsi modifiée provoque des températures très élevées. Le fait que la banquise arctique fonde - de 20 à 30 % depuis une dizaine d'années environ - ne veut pas dire qu'il va faire plus chaud partout ; cela signifie que l'on peut connaître des températures exceptionnellement clémentes au Groenland, par exemple, et, chez nous ou en Amérique du Nord, des extrêmes de froid.
D'où vient cette notion d'anthropocène?
Le mot - un peu obscur - a été inventé au début des années 2000 par le géochimiste néerlandais Paul Crutzen. Il fait référence aux émissions anthropiques de dioxyde de carbone - du grec anthropos, "humain". Crutzen est parti du constat suivant : sur les dix derniers millénaires, les courbes établies par les glaciologues pour mesurer l'évolution du dioxyde de carbone et du méthane présents dans l'atmosphère montrent une très grande stabilité. Il en est de même pour les courbes de température. Mais, à partir du xixe siècle, ces courbes grimpent de façon exponentielle. Toutes les informations recueillies accréditent l'idée que cette ère nouvelle, même si elle constitue une époque relativement courte, est une anomalie. Une anomalie dont témoignent les carottes de glace remontées des profondeurs de l'Antarctique, véritables "archives de l'atmosphère".
"Les glaces apprennent la sagesse", écrivez-vous...
C'est en tout cas l'enseignement que j'ai tiré de mes expéditions au pôle Sud. Je me souviens de mon premier hivernage, en 1957, à la station Charcot, en Terre-Adélie. Nous avions dû cheminer trois semaines en plein blizzard, pour atteindre, à 2 400 mètres d'altitude, notre base enterrée dans les glaces et livrée au silence absolu et au vent. Avec mes deux compagnons d'aventure, nous y avons passé un an. Une dure épreuve. Dans cet univers uniformément blanc, nous avons appris que la solidarité était une nécessité pour notre survie. Une voie que l'on devra suivre pour le devenir de notre planète, soumise aux contraintes de nos modes de vie. On croit que le monde est infini, comme pourraient l'être la Terre et ses ressources, les archives contenues dans les glaces de l'Antarctique nous montrent qu'il n'en est rien.
Un rapport de chercheurs français a mis en lumière la nécessité de réduire la consommation de viande des pays occidentaux...
Si l'on veut nourrir 9 milliards d'êtres humains tout en préservant notre planète, un changement de nos habitudes alimentaires est nécessaire, explique le rapport Agrimonde, une étude de l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et du Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD). "Une vraie rupture" y est préconisée...
C'est notre consommation en viande qui est épinglée. "Dès que le régime alimentaire est caractérisé par une forte part de calories animales, la pression sur les ressources naturelles est beaucoup plus importante", explique à l'AFP Sandrine Paillard, responsable de l'unité prospective de l'INRA. En plus de provoquer des déséquilibres dans les régimes alimentaires des consommateurs, avec un nombre record de 400 millions d'obèses en 2003, cela provoque également des déséquilibres entre les différentes régions de la planète, beaucoup de ressources céréalières étant utilisées pour satisfaire nos besoins en viande alors qu'elles pourraient directement servir à l'homme
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Autre abus des pays riches, les "pertes à la consommation" qui peuvent s'élever jusqu'à 30% dans certaines régions. Gaspillage, aliments jetés après date de péremption, qui s'avère souvent trop prématurée. "L'industrie agroalimentaire aussi se protège, les dates de péremption ne reflètent pas forcément la réalité de la sécurité des aliments", lance à ce sujet Sandrine Paillard. Il n'y a qu'à ce prix que l'on obtiendra à la fois une meilleure répartition des ressources alimentaires que la préservation de notre planète...
île de Sumatra
2011 a été proclamée Année de la forêt par les Nations unies. C'est déjà une excellente nouvelle, car on est trop peu conscients de l'importance de la forêt pour assurer un développement durable à notre planète et, même, la survie de notre espèce. On prend souvent comme "contre-exemple" celui de l'Ile de Paques, dont la civilisation aurait disparu à la suite de la déforestation totale de l'Ile.
Un arbre, comme on nous l'a appris dans notre jeune âge, inspire du CO2 et séquestre ainsi du carbone via la photosynthèse, puis expire de l'oxygène en journée. La nuit, il va au contraire rejeter à nouveau du CO2, mais en quantité moins importante, quand l'absence de lumière ne lui permet plus de "digérer" le CO2 via la photosynthèse. Tout ceci est très schématique mais néanmoins vrai, d'ou l'importance de préserver nos forêts pour absorber le CO2, présent en quantité trop importante aujourd'hui et responsable du réchauffement climatique.
Par ailleurs, quand un nuage passe au dessus de nos têtes, c'est, schématiquement, la différence de température de quelques degrés de la forêt qui crée la zone dépressionnaire suffisante pour que le nuage éclate et que la pluie tombe. S'il n'y a plus de forêt, la température au sol s'élève -en particulier en milieu tropical, là où la forêt est la plus menacée- et le nuage s'élève, porté par cet air chaud, sans laisser tomber une goutte de pluie. La zone devient rapidement aride, désertique et le sol dur et improductif.
De surcroît, toujours en milieu tropical, ce sont principalement des forêts (après les océans bien sûr) que s'évapore l'eau qui va constituer les nuages, eux-mêmes permettant d'éviter la réverbération des rayons du soleil sur le sol (appelé effet d'albédo). Préserver la forêt, c'est donc lutter contre le réchauffement climatique a plusieurs titres.
Mais le service environnemental de la forêt ne s'arrête pas là! La forêt, c'est une réserve unique de biodiversité, une quantité astronomique de biomasse, de nutriments dans le sol, de carbone et d'eau (stockée dans les feuilles, les troncs et les racines des arbres).
Le bassin amazonien, par exemple, est la première réserve de biodiversité et d'eau douce mondiale. Raser la forêt en milieu tropical, c'est détruire toute la matière organique du sol, et prendre le risque d'érosion et de glissements de terrain aux premières pluies. Ceci appauvrit considérablement les sols et réduit très significativement les rendements agricoles, ce qui entraîne de nouvelles coupes pour développer de nouvelles cultures, elles-mêmes rapidement improductives... Il ne faut donc pas jouer contre la forêt, mais avec elle, à travers le développement de l'agroforesterie par exemple.
Etre la première réserve de biodiversité signifie concrètement que la forêt héberge et protége d'innombrables plantes -dont une multitude sont comestibles et même médicinales- ainsi que d'innombrables insectes -dont on ne connaît a ce jour qu'une minorité d'espèces- et animaux -depuis les oiseaux, les singes et les derniers grands fauves.
Enfin, et peut-être même surtout, la forêt est encore protectrice d'un grand nombre de peuples premiers qui dépendent totalement d'elle pour vivre. Leur destin est intimement lié a celui de la forêt, leur alimentation, leurs traditions et même leur religion est la forêt. Détruire la forêt, c'est détruire la richesse de leurs cultures et leurs savoir-faire, et anéantir les derniers hommes qui ont pleinement conscience, eux, de l'interdépendance de l'Homme avec son milieu.
Que 2011 soit pleinement l'année de la forêt et de la prise de conscience de ses multiples interdépendances pour notre futur a tous.