Bolivie: 600 Indiens marchent contre une route amazonienne voulue par Morales
Une route de plus de 300 km doit être construite au milieu du Parc national et territoire indigène Isiboro Secure. Indispensable, selon Morales, une atteinte à l'environnement pour les Indiens amazoniens...
Environ 600 Indiens amazoniens de Bolivie ont entamé lundi une «Marche sur La Paz» pour protester contre un projet de route traversant un parc naturel, un nouveau conflit social qui vient illustrer les désaccords croissants entre le gouvernement et sa base populaire. «Nous sommes plus de 600 à débuter cette marche, qui compte aussi des femmes, des enfants, des anciens. C'est une marche pour défendre nos droits», a déclaré à l'AFP à Trinidad (centre) Ernesto Sanchez, dirigeant indien du nord de la province de Beni. Ils comptent rallier La Paz, à 600 km, en 40 jours environ.
Le cortège a commencé lundi son périple sous le soleil après une messe sur la Place d'armes de Trinidad, capitale de la province de Beni. Ils espéraient parcourir 17 km au premier jour. Des communautés indiennes, mobilisées au sein de la Confédération des indigènes de l'Orient bolivien (Cidob), contestent depuis quelques semaines un projet de route Nord-Sud entre Villa Tunari et San Ignacio de Moxos, axe de désenclavement entre Bolivie andine et amazonienne, et vers le Brésil voisin. La route de 306 km, financée surtout par le Brésil, et dont le chantier a débuté en juin, doit traverser une zone écologique sensible, le Parc national et territoire indigène Isiboro Secure (Tipnis) d'un million hectares, où vivent plus de 50.000 Indiens moxenos, yurakarés et chimanes.
L'itinéraire des marcheurs Trinidad-La Paz n'est pas anodin: il est celui emprunté par une marche restée fondatrice, qui il y a 21 ans aboutit à faire reconnaître le Parc Tipnis comme «territoire indigène» protégé. Une façon d'indiquer que la lutte continue. Le gouvernement d'Evo Morales, socialiste au discours pro-indigènes et souvent radical en matière de défense de l'environnement, affirme cette fois que la route est indispensable, s'agissant d'une des provinces (Beni) les moins développées d'un des pays les plus pauvres d'Amérique du Sud. Mais il appelle les communautés au dialogue sur les modalités ou l'impact du projet.
Pour la Cidob, qui réclame que la route passe ailleurs, l'axe va menacer «la vie, les plantes et les rivières» d'un écosystème abritant un millier d'espèces animales, et plus de 2.500 végétales. M. Sanchez dénonce un discours officiel très vert «qui dans les faits est contredit par une route affectant la Terre mère». La grogne indienne du Beni s'ajoute à d'autres foyers de mécontentement social contre M. Morales, au pouvoir depuis 2006. Un fief électoral du président, l'immense cité-dortoir d'El Alto jouxtant La Paz et abritant l'aéroport international, a lancé lundi une grève générale, à l'appel d'associations de voisinage, pour réclamer notamment un budget accru pour son développement urbain. Des axes routiers à El Alto ont été coupés.
La ville de Potosi (sud), observait pour sa part une grève générale de 24 heures, pour rappeler au pouvoir ses promesses d'investissements locaux -dont un aéroport- négociés après un dur conflit social et une grève en 2010, qui avait isolé la ville du reste du pays pendant trois semaines. Le gouvernement s'est étonné de la coïncidence des protestations le 15 août, un ministre parlant de «contexte de conspiration».
M. Morales, de retour d'un voyage en Chine, a accusé lundi ces mouvements sociaux de mobiles purement politiques. «Quand il n'y a pas de dialogue, c'est qu'il y a une intention politique», a-t-il déclaré à Cochabamba (centre).