Nicolas Hulot révèle au JDD avoir été sous la menace de l'entreprise Monsanto (désormais propriété du groupe Bayer) quand il est devenu ministre de l'Ecologie.
Nicolas Hulot ne retient pas sa colère contre l'entreprise Monsanto, désormais propriété du groupe Bayer. L'ancien ministre commente pour le JDD le procès qui s'ouvre mercredi et qui opposé le géant mondial de l'industrie agrochimique à un agriculteur français, Paul François. Ce dernier "ne réclame pas vengeance mais justice pour lui et pour toute sa profession", juge Nicolas Hulot qui livre son opinion sur Monsanto, "la pire firme du monde". Il révèle ainsi au JDD qu'il aurait été la cible du groupe agrochimique à partir du moment où il est devenu ministre de l'Ecologie d'Emmanuel Macron.
"Quelques mois après que j'ai été nommé ministre, une personne de ma connaissance, haut placée dans une entreprise travaillant dans le domaine de l'environnement et qui pourra confirmer ce que je révèle ici, est venue me voir avec ce message menaçant : Monsanto avait demandé à une officine belge de s'occuper de ma réputation", détaille Nicolas Hulot.
Le "lobbying musclé" de Monsanto
"Je ressens une profonde colère face à l'indulgence dont bénéficie Monsanto : toutes les portes lui sont ouvertes dans la plupart des institutions. Ce lobbying musclé est intense", dénonce encore l'ancien ministre.
Et selon lui, "tous [les] agissements [de ce groupe] se font sous le regard de la plupart des décideurs mondiaux". "Leur silence et leur indifférence valent presque complicité", déplore-t-il encore.
Sollicité samedi par le JDD, Bayer Monsanto dément "formellement ces allégations très graves et diffamatoires".
En octobre 2016, un « faux tribunal » constitué de vrais juges condamnait Monsanto pour les ravages sur l’homme et l’environnement qu’est fortement soupçonné de causer son herbicide à base de glyphosate, le Roundup. La journaliste Marie-Monique Robin a enquêté en amont du procès et accumulé les indices contre Monsanto. Son documentaire, Le Roundup face à ses juges, ouvertement à charge, est accablant, non seulement pour le glyphosate, mais aussi pour la firme américaine, qui semble prête à tout pour sauver son herbicide. À voir sur Arte, mardi 17 octobre à 20h55.
C’est une succession de témoignages à vous glacer le sang. En Argentine, la caméra de Marie-Monique Robin suit des chercheurs à la rencontre de populations vivant à proximité de champs aspergés d’herbicides à base de glyphosate. « Nous avions une fille, elle avait 11 ans. Elle est morte d’une pneumonie et d’un arrêt respiratoire. » « Ma femme est morte l’an dernier, elle avait 56 ans. Elle a eu un problème d’asthme grave quand ils ont pulvérisé le champ en face. Et mon petit-fils vient d’être opéré d’un rein à cause d’une malformation congénitale. » « Mon frère est décédé il y a un peu moins de deux ans d’un cancer du foie », dit encore un homme tremblant et rachitique. Son sort n’est guère plus enviable : il souffre de polyneuropathie toxique sévère. Son métier avant la maladie ? Remplir les cuves des avions d’épandage avec du glyphosate. Le lien ne fait pour lui aucune doute. « C’est un génocide silencieux dont je ne veux plus être complice. »
Les victimes et leurs proches ont eu l’occasion de rompre le silence lors du Tribunal Monsanto, organisé à La Haye, aux Pays-Bas, du 14 au 16 octobre 2016. Un procès fictif, mais dirigé par d’éminents juges internationaux. Monsanto, la firme qui a mis le glyphosate sur le marché et le commercialise dans son pesticide star, le Roundup, a été reconnu coupable de porter atteinte à de nombreux droits humains. Les juges espèrent par cet « avis consultatif » inciter la Cour pénale internationale à reconnaître le crime d’écocide.
« J’ai accepté d’être la marraine du Tribunal Monsanto car c’est un évènement important qui peut donner de l’espoir. On ne pense même pas pouvoir porter plainte quand on est un petit paysan en Argentine », confie Marie-Monique Robin. La réalisatrice, qui dénonçait déjà les agissements de la multinationale dans son film Le monde selon Monsanto (2008), a donc repris du service. En plus du Tribunal, elle a filmé en amont, chez eux, aux quatre coins du monde, les victimes et les experts appelés à la barre. Le résultat est une démonstration limpide d’1h30, accumulant arguments scientifiques et témoignages sur les ravages du glyphosate et l’implacable volonté de Monsanto d’empêcher toute régulation. 24 800 morts au Sri Lanka
Outre l’hécatombe argentine, le film montre le combat des milliers de citoyens américains en lutte contre la firme d’agrochimie, celui d’une mère française dont le fils de 10 ans en est à sa cinquante-deuxième opération chirurgicale à cause d’une malformation congénitale, et raconte l’histoire des paysans au Sri Lanka, où 24 800 personnes sont mortes d’une maladie rénale soupçonnée d’être liée au glyphosate et où 69 000 autres en sont encore malades, d’après les chiffres du gouvernement. Dans le monde, rien qu’en 2016, 800 000 tonnes de glyphosate ont été produites. Peut-on imaginer le nombre de personnes potentiellement victimes du glyphosate sur la planète ? « Impossible, répond la réalisatrice. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des malades partout et qu’il y aura, probablement, de plus en plus de procès. »
« L’industrie chimique s’est rapprochée de l’industrie du tabac pour savoir quelles techniques ils avaient employées pour retarder l’établissement de liens entre cancer du poumon et tabac » Officiellement, le glyphosate est inoffensif pour l’homme. D’après l’agence européenne de régulation des aliments (EFSA) et son homologue américaine (EPA), le glyphosate n’est pas cancérigène. Sur son site, Monsanto affirme également que la toxicité aiguë du glyphosate est moins élevée que celle de la caféine ou du sel.
Le documentaire met quant à lui en avant pléthore d’études scientifiques qui prétendent le contraire. Poussins nés malformés, grenouilles à 5 pattes... Ces études constatent une action du glyphosate sur l’altération de certains gènes. Le film souligne également les conclusions du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui a classé en 2015 le glyphosate comme « cancérogène probable ». « J’ai passé deux ans à lire toutes les études, toutes les publications sur le glyphosate, raconte Marie-Monique Robin. Face aux études indépendantes qui l’accusent, Monsanto finance des études contradictoires pour “fabriquer du doute”. C’est une vraie machine de désinformation.
L’industrie chimique s’est rapprochée de l’industrie de tabac pour avoir des conseils sur les techniques qu’ils avaient employées pour retarder l’établissement de liens entre cancer du poumon et tabac. »
« Fraude scientifique »
Pire que la désinformation, certains témoignages laissent entendre que la firme s’adonne aux pressions et aux menaces sur ceux qui mettent son business en péril, et à la dissimulation de résultats. Les propres études menées par Monsanto en 1978 auraient conclu à des liens entre son herbicide et de nombreux cancers. « Monsanto a fait d’excellentes études, je suis impressionné par la qualité de leur travail. Mais ils ont caché toute cette information », accuse le biochimiste Anthony Samsel devant la caméra.
Les agences de régulation sont aussi très fortement soupçonnées de collusion avec Monsanto. « L’EFSA ne fait pas la différence entre des études publiées par l’industrie et celles de scientifiques indépendants. Christopher Portier, toxicologue de renommée mondiale, a dénoncé les conclusions de l’EFSA dans une lettre signée par 96 scientifiques. Il accuse l’agence de fraude scientifique. C’est vachement grave. Mais il ne se passe rien, la Commission européenne fait comme si de rien n’était, et ça n’émeut personne », s’indigne la réalisatrice.
Les conclusions du documentaire sont largement étayées par les révélations du journal Le Monde et sa série d'articles baptisée « Monsanto Papers ». Des documents internes à l’entreprise rendus publics et qui laissent entendre que la multinationale aurait fait signer à des scientifiques de renom des études écrites par ses soins et aurait de très étroites relations avec des membres des agences de régulation, lui assurant une forme de protection contre toute initiative contre le glyphosate. « Les normes sanitaires sont établies au doigt mouillé, appuie Marie-Monique Robin. La limite maximale de résidus dans le soja est passée de 0,4 mg/kg à 20 mg/kg. On adapte sans s’appuyer sur rien, pour arranger l’industrie. »
« Tous les mois, de nouvelles personnes portent plainte aux Etats-Unis. Si ça aboutit, il y aura des milliards de dollars de sanction à la clé, et ce sera la fin pour Monsanto »
Après d'autres séquences accablantes, renforçant les soupçons d’effets délétères du glyphosate sur les animaux, les sols et les cultures, le documentaire conclut sur la condamnation factice de Monsanto par son tribunal du jour. Mais il nous laisse avec une angoisse : l’accusation lourde d’empoisonnement massif de l’humanité depuis 40 ans va-t-elle encore planer longtemps sans être tranchée par un vrai tribunal, indépendant et bien informé ? « Tous les mois, de nouvelles personnes portent plainte aux Etats-Unis. Si ça aboutit, il y aura des milliards de dollars de sanction à la clé, ce sera la fin pour Monsanto », prophétise la réalisatrice. Un glyphosate de substitution ?
En septembre 2016, Monsanto a été racheté par Bayer, un autre géant de l’industrie chimique. Du moins si la Commission européenne autorise l’opération. Sa décision est attendue au plus tard le 22 janvier 2018. « Mais quid de la responsabilité pénale de Monsanto si le rachat est autorisé ? », demande la journaliste.
L’Union européenne est décidément au cœur du jeu, avec une autre décision attendue sous peu : celle de la ré autorisation - ou non - pour dix ans du glyphosate sur son territoire. Après quelques tergiversations sur le sujet, la France a annoncé qu’elle voterait contre cette prolongation. Encore incertain, le vote pourrait avoir lieu dès le 23 octobre 2017. Le ministre français de l’Agriculture, Stéphane Travert, souhaiterait aboutir à un compromis et laisser le temps aux industriels de trouver un « produit de substitution ». Une position qui risque de réitérer les erreurs du passé, estime Marie-Monique Robin : « On ne va pas attendre de trouver un produit chimique qui détruise la vie dans les champs sans affecter les organismes en dehors. Ça n’existe pas. La solution passe par la fin du chimique et l’agroécologie qui, au passage, est aussi vertueuse et nécessaire pour le climat. »
Pas forcément l’avis de Stéphane Travert, qui a annoncé en septembre 2017 l’arrêt des aides d’État au maintien des agriculteurs bio pour 2018. Dans le même temps, le Parlement européen a demandé le bannissement des représentants de Monsanto hors de son enceinte. L’avenir du glyphosate, et de tout le monde agricole, semble plus incertain que jamais.
Le Roundup face à ses juges, de Marie-Monique Robin. Diffusé mardi 17 octobre 2017 à 20h55 sur Arte.
La revue Environmental Science Europe a décidé de remettre en lumière l’étude du professeur français, prouvant les méfaits d’un maïs OGM et de l'herbicide Roundup, tous deux fabriqués par le géant des biotechnologies agricoles Mosanto.
Il y a un an et demi, l’étude du Pr Gilles-Eric Séralini avait provoqué une onde de choc dans le monde scientifique. Accusant le géant Monsanto de provoquer sur la santé des rongeurs des dommages toxiques, son étude avait cependant été retirée de la publication, la revue scientifique Food and Chemical Toxicology dénonçant un manque de sérieux dans la méthodologie.
Un changement sur la forme, mais pas sur le fond
Bien que l’article ait été remanié sur la forme, le fond reste le même. « La toxicité du Roundup et ses impacts sur les organes de détoxification du corps, le foie et les reins ainsi que sa capacité à perturber le système hormonal à très faible dose » explique l’association Criigen (Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique) dont le chercheur français est membre.
Pour mener à bien cette étude, 200 rats avaient été nourris pendant deux ans avec le maïs OGM NK603 de Monsanto, qui était lui-même traité avec l’herbicide Roundup, lui aussi fabriqué par le groupe. Les rats ayant consommé ce maïs génétiquement modifié présentaient deux à trois fois plus de tumeurs que les autres rongeurs.
Ces conclusions avaient été rejetées à la fois par l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) et par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), mais avaient cependant réussi à lancer un débat au sein de la communauté scientifique.
Une étude publiée en toute transparence et consultable par tous
Cette fois-ci, dans le but de favoriser le débat scientifique, l’étude est publiée en « open-source », c’est-à-dire qu’elle est consultable par tous en toute transparence, "ce que l'industrie s'est toujours refusée de faire au nom du secret industriel ou de la propriété intellectuelle" assène le Criigen.
L’unique objectif de cette republication est d’ouvrir à nouveau le débat sur le sujet en permettant « une discussion rationnelle » : « Le seul objectif est de permettre la transparence scientifique et, sur cette base, une discussion qui ne cherche pas à cacher, mais bien à se concentrer sur ces controverses méthodologiques nécessaires »
Un compromis permettant aux Etats membres de l'Union européenne d'interdire sur leur territoire la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) a été entériné jeudi par les ministres de l'Environnement des Vingt-Huit.
Cette question divise de longue date les gouvernements et les citoyens de l'UE et le compromis approuvé jeudi a suscité des critiques aussi bien de partisans que d'adversaires des OGM.
Dans un communiqué, les ministres français de l'Ecologie, Ségolène Royal, et de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, qualifient "l’accord obtenu d’avancée très importante".
La France, qui a mené bataille pour cette nouvelle réglementation, juge que le texte permettra de combiner "une liberté accrue des Etats et une plus grande sécurité juridique".
Le Conseil constitutionnel a validé en mai la loi française interdisant la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié en France.
L'accord adopté jeudi a été approuvé par 26 des 28 ministres réunis à Luxembourg. La Belgique et le Luxembourg se sont abstenus.
Il doit encore être entériné par le Parlement européen.
A l'heure actuelle, la décision d'approuver un nouvel OGM dans l'UE revient à la Commission, sur base d'avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), sauf opposition à la majorité qualifiée des Etats membres.
La France proposait que cette étape soit transférée au niveau national. Les Etats membres auraient alors pu décider de leur côté, en incluant également des facteurs additionnels comme l'efficacité d'un OGM ou le rapport bénéfices/risques.
Aux termes de cette nouvelle réglementation, la Commission européenne conservera le pouvoir d'interdire ou d'autoriser la culture de chaque variété d'OGM à travers l'UE en se fondant sur un avis scientifique.
Dans le cas où l'exécutif européen donnerait son feu vert, un Etat pourra ensuite demander à ne pas appliquer cette décision sur tout ou partie de son territoire. Les pays qui refusent la culture des OGM pourront aussi passer par la Commission européenne pour que celle-ci demande aux fabricants de semences génétiquement modifiées de les exclure des demandes d'autorisation formulées à Bruxelles.
Pour l'instant, le maïs MON810 de Monsanto est la seule semence génétiquement modifiée autorisée à la culture en Europe, et ce depuis 1998. Il est cultivé depuis une décennie en Espagne et au Portugal.
Le groupe américain a déclaré que, si elle était adoptée en l'état, la nouvelle réglementation de l'UE l'inciterait à concentrer ses investissements dans d'autres régions du monde.
Le groupe écologiste au Parlement européen qualifie en revanche cet accord de "cheval de Troie" ouvrant la voie à la culture d'OGM à travers le continent.
Que Monsanto se le dise, il n'est pas le bienvenu en France. Après les interdictions du conseil des sages, c'est maintenant l'Etat qui met des batons dans les roues de cette machine à empoisonner.
Le ministère de l'Agriculture a ordonné la destruction de parcelles de maïs OGM en Midi-Pyrénées qui avaient fait l'objet d'une action des faucheurs volontaires emmenés par le député européen José Bové début mai.
Les inspections et prélèvements organisés par le service régional de contrôle «ont confirmé» la mise en culture de MON 810 - du maïs génétiquement modifié de la firme américaine Monsanto - dans ces parcelles située dans le Tarn-et-Garonne et près de Toulouse, a annoncé mercredi la préfecture de Haute-Garonne dans un communiqué.
Les agriculteurs propriétaires de ces deux parcelles avaient planté du MON 810 courant mars, à la faveur d'une annulation par le Conseil d’État de l'interdiction de la culture de ce maïs OGM en France, pour non conformité au droit européen.
Depuis, le gouvernement s'est attaché à sécuriser juridiquement l'interdiction de la culture de maïs OGM: le Parlement a adopté début mai une proposition de loi en ce sens, validée par le Conseil constitutionnel. Parallèlement, un accord a été trouvé au niveau européen permettant aux États réfractaires d'interdire de telles cultures.
Le ministère de l'Agriculture «a donc ordonné aux exploitants la destruction des parcelles (...) pour éviter tout risque de dissémination», explique la préfecture dans son communiqué.
En Haute-Garonne, l'agriculteur concerné «a procédé ce (mercredi) matin à la destruction chimique du maïs génétiquement modifié non autorisé». La préfecture précise que ces parcelles feront l'objet d'«un suivi particulier pour s'assurer de l'absence de repousses».
Un autre agriculteur ayant des parcelles dans le Tarn-et-Garonne et le Gers «est concerné par la même procédure», conclut la préfecture.
Le 2 mai, plusieurs dizaines de faucheurs volontaires avaient arraché des plants de maïs transgénique dans l'un de ces champs, près de Toulouse. Des militants de Greenpeace avaient dénoncé sur place «une contamination en cours».