Il se vend 54 téléphones portables chaque seconde dans le monde, et chacun d’entre nous le regarde en moyenne 150 fois par jour. Mais comment cet objet du quotidien, devenu indispensable, est-il fabriqué ? Dans quelles conditions ?
Entre exploitation des enfants, désastre écologique, évasion fiscale, ou encore atteintes démocratiques, le smartphone est devenu le symbole de la faillite de la mondialisation néolibérale. Pourtant, aucune politique n’est engagée pour répondre à ces problèmes que beaucoup considèrent comme une fatalité.
Dans ce numéro de l’Instant éco, accompagnés par Léo Charles, maître de conférence en économie à l’université de Rennes 2 et membre des économistes atterrés, on vous dit tout sur les mécanismes économiques qui ont fait naître le précieux téléphone, et surtout, sur les alternatives à l’échelle individuelle mais aussi à l’échelle nationale, que l’on pourrait envisager. Des mines de coltan en république Démocratique du Congo aux usines chinoises, en passant par l’Inde où des ouvriers en colère ont saccagé leur usine : plongée au cœur d’un monde que les grandes multinationales préfèreraient vous cacher.
Selon un responsable de l’ONU, Madagascar est le premier pays au monde à expérimenter une famine à cause du réchauffement climatique.
Des enfants tentent de labourer une plantation avec du bétail à Maroalomainty à Madagascar
La famine à Madagascar fait des ravages, contraignant des habitants à manger des criquets, des feuilles de cactus et même de la boue, a alerté vendredi 25 juin un responsable de l’ONU, en soulignant qu’il s’agit du premier pays au monde à expérimenter la faim à cause de la crise du réchauffement de la planète.
La situation actuelle, provoquée par plusieurs années de sécheresse, fait dire au patron du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley, qui s’est récemment rendu sur place que « cela ressemblait à ce que vous voyez dans un film d’horreur ».
Une « situation très dramatique »
Vendredi, la directrice régionale du PAM pour le sud de l’Afrique, Lola Castro, qui a accompagné David Beasley dans son voyage, a évoqué une « situation très dramatique », lors d’un entretien vidéo. « Le pire est à venir », a-t-elle prédit.
« Nous avons des gens au bord de la famine et il n’y a pas de conflit. Il y a juste le changement climatique avec ses pires effets qui les affecte gravement », a-t-elle ajouté, jugeant une « action rapide plus que nécessaire » de la communauté internationale. « Ces gens n’ont contribué en rien au changement climatique et ils en prennent l’entier fardeau à l’heure actuelle », s’est-elle insurgée, en citant David Beasley.
L’emprise de la famine est particulièrement importante dans le sud du pays. Il y a plus d’un mois, l’ONU avait déjà alerté sur une famine en progression mettant à risque plus d’un million de personnes. L’île de l’océan Indien reste difficilement accessible à l’aide comme aux médias, en raison de la pandémie de Covid-19 et des restrictions qui l’accompagnent. Les agences humanitaires peinent aussi à sensibiliser sur la tragédie, alors que les fonds manquent pour apporter suffisamment d’aide.
Aux États-Unis, en Sibérie, dans le Caucase… Un peu partout dans l’hémisphère Nord, des records de chaleur tombent. Les climatologues redoutent des réactions en chaîne, comme la libération de davantage de gaz à effet de serre avec le dégel des sols arctiques.
Feux de forêts en Sibérie
Alors que le sud-ouest des États-Unis commence à peine à respirer, le Service américain météorologique a publié, jeudi 24 juin, un bulletin alarmant pour le nord-ouest : une vague de chaleur déjà qualifiée d’"historique" va s’installer pour quelques jours, avec des températures supérieures à 40 °C à Seattle et à Portland.
Environnement Canada a lancé la même alerte, en Colombie-Britannique, avec 43 °C attendus à Vancouver. Tous les services de santé sont mobilisés dans cette région réputée pour ses conditions météo tempérées, voire bretonnes, où peu de logements sont équipés de climatiseurs.
Sommes-nous à "l’aube de retombées climatiques cataclysmiques" dont parlera le prochain rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et dont de larges extraits ont fuité mercredi via l’AFP ? (Agence France Presse) "Il ne fait aucun doute, pour le climatologue Michael Wehner, du laboratoire national Lawrence-Berkeley en Californie, que ces vagues de chaleur interviennent sous l’influence du réchauffement climatique. Et celui-ci résulte de la combustion d’énergies fossiles engendrée par l’activité humaine."
Selon lui, aux États-Unis, les canicules sont déjà plus chaudes d’un degré. "Si l’on ne fait rien d’ici à 2080, elles le seront de trois degrés. La vallée centrale agricole californienne connaîtra les mêmes températures que la Vallée de la mort, en été. On ne pourra plus y cultiver la terre". Pour l’instant, elle produit un quart de la nourriture des États-Unis.
Le climatologue redoute aussi une augmentation exponentielle des feux, excités par "une végétation extrêmement sèche". Le service américain des incendies surveille cinquante foyers en cours ; c’est beaucoup pour un mois de juin. En Californie, mais pas seulement. Au Colorado, ils prennent désormais dans les forêts subalpines des Rocheuses, pourtant plus humides, selon une étude validée par le chercheur Michael E.Mann, grand vulgarisateur des sciences climatiques. Le "Muddy Slide Fire" fait rage près de Denver. Déjà 2 000 ha brûlés.
Ces feux sont surveillés par les scientifiques qui travaillent sur les "points de bascule" : un phénomène climatique abrupt en entraîne un autre. Ainsi à l’autre bout du globe, la Sibérie inquiète avec ses 47,7 °C enregistrés, lundi, en Yakoutie. Les canicules, qui se répètent aussi au-delà du Cercle polaire arctique ces dernières années, provoquent des incendies incontrôlables dans ces immenses territoires. Ceux de 2020 avaient rejeté environ 59 mégatonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit les émissions annuelles du Portugal. Ce qui aggrave une concentration de CO2 déjà saturée.
Les températures élevées contribuent aussi au dégel du pergélisol, ces terres habituellement gelées du grand nord, ce qui libère le carbone (CO2 et méthane) accumulé depuis des milliers d’années. En 2019, l’Administration américaine des océans et de l’atmosphère (Noaa) estimait que le dégel du pergélisol arctique "pourrait libérer dans l’atmosphère de 300 à 600 millions de tonnes de carbone net par an". "Ces observations montrent que le dérèglement climatique n’est pas uniquement le problème de nos petits-enfants", insiste le chercheur Michael Wehner. "Nous sommes déjà en plein dedans."
Les impacts du changement climatique sont déjà dévastateurs et « le pire est à venir », détaille sur 4 000 pages un rapport des experts climat de l’ONU.
Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt, alerte un projet de rapport des experts climat de l’ONU.
Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assure le Giec. « La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes », note le résumé technique de 137 pages. « L’humanité ne le peut pas ».
“Conséquences irréversibles”
Le rapport d’évaluation complet de 4 000 pages a pour vocation d’éclairer les décisions politiques. Même si ses principales conclusions ne changeront pas, il ne sera officiellement publié qu’en février 2022, après son approbation par consensus par les 195 États membres.
Parmi ses conclusions les plus importantes, figure un abaissement du seuil au-delà duquel le réchauffement peut être considéré comme acceptable. En signant l’accord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement à +2°C par rapport à l’ère pré-industrielle, si possible +1,5°C. Désormais, le Giec estime que dépasser +1,5°C pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ».
Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de +1,5°C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40 %. « Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre », martèle le Giec.
Trop tard pour certains animaux
Le climat a déjà changé. Alors que la hausse des températures moyennes depuis le milieu du XIXe siècle atteint 1,1°C, les effets sont déjà graves et seront de plus en plus violents, même si les émissions de CO2 sont freinées.
Pour certains animaux et variétés de plantes, il est peut-être même déjà trop tard : « Même à +1,5°C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter », souligne le rapport, citant les récifs coralliens dont un demi-milliard de personnes dépendent. Parmi les espèces en sursis figurent les animaux de l’Arctique, territoire qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne.
Agriculture, élevage, pêche, aquaculture…. «Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent », observe aussi le rapport, pointant les aléas climatiques comme « principal moteur ». Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation.
Famine, canicule extrême
Même en limitant la hausse à 2°C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici dix ans.
En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par hausse du niveau de la mer. À +1,5°C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes. Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par des catastrophes météo simultanées, voire plus : canicule, sécheresse, cyclone, incendies, inondation, maladies transportées par les moustiques…
Prendre des mesures fortes
Sans oublier les incertitudes autour des « points de bascule », éléments clés dont la modification substantielle pourrait entraîner le système climatique vers un changement violent et irrémédiable. Au-delà de +2°C, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest pourraient par exemple entraîner un point de non-retour, selon de récents travaux. C’est pour cela que « chaque fraction d’un degré compte », insiste le Giec.
En dépit de ses conclusions alarmantes, le rapport offre ainsi une note d’espoir. L’humanité peut encore orienter sa destinée vers un avenir meilleur en prenant aujourd’hui des mesures fortes pour freiner l’emballement de la deuxième moitié du siècle. « Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation », plaide le rapport.
Un cliché d’une famille de lynx, capté dans une forêt de Charlevoix par le photographe Jay Lapointe.
Les deux agences de l’environnement et de l’alimentation de l’Onu encouragent un plan de restauration des écosystèmes sur dix ans et réclament l’engagement des gouvernements au sommet mondial d’octobre, en Chine.
C’est la Journée mondiale de l’environnement, pas au top de sa forme pour son anniversaire, ce samedi 5 juin. L’humanité vit à un rythme insoutenable ; il lui faudrait 1,6 planète Terre pour satisfaire son appétit annuel. Elle a déjà éliminé 93 % des mammifères sauvages, la moitié des plantes ; les populations d’oiseaux, d’insectes et la vie dans les sols sont en chute libre.
À juste titre, les Nations unies notent un balbutiement des meilleures pratiques dans l’agriculture et dans le BTP, mais jugent les efforts de conservation insuffisants pour empêcher une perte généralisée de la biodiversité. Jeudi 3 juin, l’Onu a ouvert une « Décennie pour la restauration des écosystèmes », pilotée par ses agences de l’environnement (PNUE) et de l’alimentation (FAO). D’ici à 2030, il faudrait que les gouvernements s’engagent à restaurer et à réensauvager au moins un milliard d’hectares, soit l’équivalent de la superficie de la Chine. Sachant qu’il faut, en même temps, cesser de détruire forêts, prairies, mangroves… Sans oublier l’océan.
Un manque d’investissements
De nombreux États s’y engageront, lors de la COP 15 de la biodiversité, en octobre, en Chine. Mais d’autres, notamment les riches, traînent. Exemple ? L’Union européenne négocie actuellement sa nouvelle Politique agricole commune, soit l’occasion de mieux financer les « services rendus » à la nature. Les eurodéputés ont bien proposé d’orienter 30 % des financements vers la biodiversité et le climat. Les dirigeants estiment que 18 % suffisent.
Une vision à courte vue. « La moitié du PIB mondial dépend de la nature et la dégradation des écosystèmes affecte déjà 40 % des humains, en menaçant la santé, les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire », cosignent Inger Andersen, directrice du PNUE, et Qu Dongyu, directeur de la FAO.
La préservation de la biodiversité souffrirait du même mal que la lutte contre le réchauffement climatique : le manque d’investissements, selon l’ONG néerlandaise Care. Ainsi, les États développés n’ont pas tenu leur promesse de trouver, en 2020, 100 milliards de dollars pour aider les pays les plus démunis face au changement climatique. Il en manque vingt. En cette même année de pandémie, l’argent est allé ailleurs : les dix plus grandes compagnies aériennes au monde ont reçu 62,7 milliards de subventions publiques.