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L'info écologique
L’affaire des lasagnes a mis à jour les contradictions d’une industrie agroalimentaire toujours plus dévoreuse d’énergie et de matières, engagée dans une course aux bas prix. Avec 147 milliards d’euros engrangés en 2009 et 400 000 salariés, c’est le premier secteur industriel français. Il dépend intégralement du travail des agriculteurs. Leurs méthodes de production, héritées d’un autre âge pour la plupart, épuisent l’environnement, ne rémunèrent pas toujours équitablement les hommes et consomment trop d’énergie. Alors que s’ouvre aujourd’hui le 50e Salon international de l’agriculture, retour sur trois symptômes d’un système malade.
Le bio au rythme d’un escargot
Tout le monde en veut, mais l’agriculture française la boude. En 2012, 64% des Français ont consommé bio au moins une fois. «C’est une vraie tendance de fond puisque la part des consommateurs réguliers (au moins une fois par mois) s’élève à 43%, tandis que 8% des Français en consomment tous les jours», note l’Agence bio. Devant l’insuffisance de certaines productions, notamment de fruits et légumes, il faut importer 32% des produits labellisés. Le bio en France ne concerne qu’un million d’hectares, soit 3,7% de la surface agricole utile (SAU). Le Grenelle de l’environnement avait fixé d’ambitieux objectifs (20% de la SAU en 2020), hors de portée vu les moyens accordés. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a renoncé aux 20% et s’est contenté de viser un doublement des surfaces d’ici à la fin du quinquennat.
«Ces objectifs sont plus modestes, mais atteignables au moins», indique Dominique Marion, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Pour soutenir le bio, deux leviers principaux : la restauration collective et la qualité de l’eau. François Hollande avait promis que 20% des commandes de la restauration collective d’Etat seraient passées en bio, avant de renoncer. Quant à la qualité de l’eau, une directive européenne impose à la France d’atteindre un «bon état écologique» en 2015. Mais les associations attendent encore l’interdiction des pesticides sur les bassins versants des 509 captages prioritaires identifiés par le Grenelle.
Redonner des ailes à l’apiculture
Les 40 000 apiculteurs français sont à la peine et perdent à 20 à 30% de leurs colonies tous les ans. Près de 25 000 tonnes de miel sont importées chaque année de Chine, des pays de l’Est ou d’Espagne, soit plus de la moitié de la consommation tricolore. Début février, le ministre de l’Agriculture a dévoilé un plan de soutien triennal à la filière, doté de 40 millions d’euros pour inciter des milliers de jeunes à se lancer et installer un million de colonies d’abeilles supplémentaires.
Ce qui ne sert à rien si on ne s’attaque pas au principal problème des abeilles : les pesticides. Le déclin des insectes s’accélère depuis les années 90, avec le recours massif aux produits dits systémiques ou «néonicotinoïdes», comme le Cruiser, le Gaucho ou le Poncho. Le principe : la semence est enrobée d’insecticide, la plante s’en imprègne tout au long de sa croissance et devient toxique pour les insectes. Très efficace pour la protection des céréales, délétère pour les abeilles.
En janvier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments l’ a enfin reconnu, et Bruxelles a demandé aux gouvernements d’interdire trois de ces produits pendant deux ans sur les cultures de colza, maïs, tournesol et coton. L’Union des apiculteurs français (Unaf) juge cette mesure insuffisante : les modes de contamination sont multiples et les pesticides peuvent rester présents dans les sols jusqu’à trois ans après leur utilisation. L’Unaf demande une interdiction générale. Elle cite en exemple la Slovénie, grand producteur de miel, qui a interdit totalement ces pesticides depuis trois ans et où les pertes d’abeilles ont diminué. Idem en Italie, où la mortalité est passée de 37% à 15% par an après l’interdiction de ces produits sur le maïs en 2008. Mais la France s’abrite derrière la future décision européenne pour ne rien faire : les Etats membres ont jusqu’à la fin du mois pour en débattre.
L’impasse des marées vertes
Les algues vertes, problème symptomatique de l’impasse dans laquelle se trouve la France avec son agriculture intensive. Depuis quarante ans, les plages bretonnes sont envahies par ces algues qui prolifèrent à la faveur d’un déversement excessif de nitrates dans l’eau de mer. Ces nitrates proviennent de l’épandage massif d’engrais azotés (lisier ou fumier) nécessaires aux cultures et élevages intensifs. Avec 7% de la surface agricole française, la Bretagne rassemble 50% des élevages de porcs et de volailles et 30% des bovins !
Depuis des années, Bruxelles menace Paris de lourdes amendes pour non-application de la directive de 1991 qui limite l’usage des nitrates et interdit l’épandage à certaines périodes. En vain : plus de la moitié du territoire français est concerné par cette pollution et quinze départements pâtissent de marées vertes. Fin 2012, le gouvernement a fini par adopter des mesures pour mieux protéger les points de captage de l’eau et les nappes phréatiques, ce qui pourrait éviter à la France les pénalités qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros. Mais la FNSEA, principal syndicat agricole, juge que l’application de la directive menace la compétitivité des agriculteurs, et a réclamé, mi-janvier, la démission de Stéphane Le Foll.
Jusqu’à présent épargnées par les plantations de palmier à huile, les forêts du bassin du Congo voient s’ouvrir les premières exploitations. Et ça n’est pas fini.
Retour au bercail pour Elaeis guineensis. Après avoir dévasté les forêts primaires d’Indonésie et de Malaisie, le palmier à huile revient dans l’une des régions qui l’a vu naître: le bassin du Congo.
Originellement, cet arécacée poussait naturellement dans les pays du golfe de Guinée et du bassin du Congo. Faute de débouchés, pas plus les pays africains que les ex-puissances coloniales n’exploitèrent cette ressource industriellement. En 2010, la surface plantée en palmier à huile au Cameroun, dans les deux Congo, au Gabon, en Guinée équatoriale et en République centrafricaine n’excède pas 100.000 hectares (dont plus de la moitié au Cameroun): 100 fois moins qu’en Indonésie et en Malaisie, les deux premiers producteurs mondiaux d’huile de palme.
La situation est pourtant en train d’évoluer. Dans un rapport publié en fin de semaine, Rainforest Foundation UK dénonce le développement massif en cours des plantations de palmier à huile dans les 6 pays du bassin du Congo. Selon l’ONG, qui s’appuie sur une enquête de Earthsight Investigation, pas moins de 500.000 ha ont déjà été plantés, comme à Kango (Gabon), ou sont en cours de défrichage ou d’aménagement. Soit 5 fois la superficie déjà plantée dans ces pays de l’Afrique tropicale.
Plus inquiétant: des études estiment à 115 millions d’hectares la superficie des terres de la région favorable à la culture du palmier. D’ores et déjà, estime l’ONG britannique, de nouveaux projets prévoient de porter à 1,6 Mha la surface des plantations. S’ils sont menés à bien, ils permettront l’émergence de gigantesques forêts industrielles, à l’instar des plantations d’Atama (470.000 ha en République du Congo) ou de celles que Sime Darby (300.000 ha) et Siva (200.000 ha) comptent prochainement inaugurer au Cameroun.
En faisant reculer la forêt naturelle, ces champs de palmier contribueront à diminuer la biodiversité et à réduire les habitats des habitants de la forêt et des espèces sauvages menacées. Des dégâts collatéraux régulièrement dénoncés en Indonésie et en Malaisie. Sans surprise, ce sont d’ailleurs des entreprises issues d’Asie du Sud-est qui sont souvent derrière ces investissements. Sime Darby est malaise.
Très active au Congo, Atama Plantations appartient, avec d’autres actionnaires fantômes, à l’énergéticien malais Wah Seong. La Singapourienne Olam prévoit de planter 130.000 ha au Gabon. Siva, elle, est d’origine indienne. Bien évidemment, ces multinationales ne visent pas les marchés locaux de l’huile de palme. Rainforest Foundation UK rappelle que les plantations existantes produisent un peu plus de 300.000 tonnes d’huile par an, dont moins de 9.000 sont exportées dans les pays de la région, et quelques dizaines de tonnes vers l’Europe.
Pour autant, c’est essentiellement la satisfaction des besoins des pays développés et émergents en huile de palme et en agrocarburants qui est indirectement responsable du recul annoncé des forêts tropicales africaines. Certaines études estiment que la demande mondiale en huile de palme va progresser de 60% entre 2010 et 2020. Ce qui ne doit pas masquer l’appétit croissant de l’Afrique pour cette huile bon marché: +15% par an.
Conséquence: l’Afrique importe 3 millions de tonnes d’huile par an, en moyenne. Paradoxe: les pays du bassin du Congo se battent depuis des années pour faire avancer le dossier Redd+. Derrière ce barbarisme se cache un mécanisme permettant aux pays forestiers des tropiques protégeant leurs massifs (qui stockent d’importantes quantités de carbone) d’émettre des crédits carbone, achetables par les pays industrialisés.
Or, en déforestant pour laisser la place au palmier à huile, les pays du Congo vont alourdir leur bilan carbone et laisser passer une chance de monétariser leur patrimoine vert. En détruisant 73.000 ha de forêt gabonaise, la compagnie américaine Herakles Farm devrait contribuer, estime un rapport de Greenpeace USA, à relâcher 9,5 millions de tonnes équivalent carbone: plus de 2 années d’émissions nationales de gaz à effet de serre!
Près d'une trentaine de mammifères marins ont été trouvés sur les plages. Les photos qui ont circulé, hier, sur Internet, avaient de quoi intriguer et même révolter les défenseurs des animaux. On y voyait un tas de cadavres de dauphins et de marsouins, des traces rouges sur leur peau, entreposés à même le sol, dans la cour d'un local technique, au cœur de la zone artisanale de La Teste-de-Buch. Certains commentaires parlaient même de charnier. La réalité est moins cruelle, même si elle nécessite des explications.
Lundi, quinze dauphins et marsouins ont été trouvés sur les plages océanes de La Teste-de-Buch. Les services techniques de la ville les ont effectivement enlevés et transportés dans ce local technique.
Examinés mardi
Le Centre de recherches sur les mammifères marins (CRMM) de La Rochelle a bien été immédiatement alerté, comme le veut la procédure lorsqu'on trouve des mammifères échoués (1).
Le CRMM a alors demandé à ses correspondants sur le Bassin, en l'espèce les agents de la Sepanso qui gèrent la réserve du banc d'Arguin, d'effectuer des prélèvements, dans la journée de mardi. Les traces rouges sur la peau des mammifères ont été faites à ce moment-là. Mercredi matin, l'équarrisseur est venu récupérer les carcasses.
La mairie de La Teste-de-Buch, régulièrement confrontée à l'échouage d'animaux marins, reconnaît qu'elle devrait trouver un local plus adapté pour entreposer ces cadavres.
Car cet échouage, s'il surprend par le nombre, n'est pas exceptionnel.« C'est une caractéristique de la saison. Nous constatons, chaque année, des pics hivernaux, de début janvier à fin mars », explique un chercheur du CRMM de La Rochelle.
Les plages du Médoc
Ainsi, le 16 février, 38 dauphins et marsouins ont été retrouvés sur la plage toute proche de Biscarrosse, dans les Landes. La veille, cinq mammifères avaient été ramassés sur les plages du Cap-Ferret où six autres ont également été retrouvés, hier. D'ailleurs, aujourd'hui, des correspondants du CRMM vont procéder à une reconnaissance sur les plages médocaines de Montalivet, du Porge et de Carcans.
L'origine de la mort des dauphins et marsouins retrouvés à La Teste-de-Buch est encore inconnue. Les prélèvements sont en cours d'analyse. « Nous pouvons avoir des présomptions. Souvent, nous observons des traces de filets qui témoignent que ces animaux ont été victimes d'accidents de capture. Ils sont rejetés à la mer par les pêcheurs et poussés vers les plages par les fortes marées et la houle », ajoute-t-on à La Rochelle.
Avec le début des vacances de février et le beau temps revenu, les promenades vont être plus nombreuses ces jours prochains sur les plages océanes et d'autres cadavres de mammifères marins pourraient être retrouvés sur le sable.
(1) Centre de recherche sur les mammifères marins de La Rochelle, Tél. : 05 56 44 99 10.