Dans son documentaire qui sort ce mercredi au cinéma, le cinéaste et homme politique argentin Fernando Solanas filme le désastre sanitaire, écologique et social qui frappe son pays depuis l'adoption d'un modèle agricole basé sur les monocultures de soja OGM arrosées de pesticides.
Jusqu’à quand serons-nous complaisants avec la mort ?
La phrase est dite d’une voix douce, calme, chantante, celle de l’un des grands noms du cinéma argentin, Fernando Solanas. Elle claque, pourtant, cette interrogation à laquelle pourraient s’ajouter moult points d’exclamation, qui conclut le Grain et l’Ivraie. Dernier volet d’une série documentaire commencée en 2002 par le réalisateur sur la crise économique qui ruine son pays, le film sort sur les écrans de cinéma français ce mercredi. Ce «voyage chez les peuples soumis aux fumigations» documente le cataclysme sanitaire, écologique et social que subit l’Argentine depuis l’arrivée massive du soja transgénique de l’Américain Monsanto (désormais propriété de l’Allemand Bayer), en 1996.
Cancers et malformations fœtales
La pulvérisation aérienne et exponentielle de centaines de millions de litres d’herbicide Roundup Ready sur les millions d’hectares de monocultures de ces plantes rendues résistantes au glyphosate provoque des ravages inouïs. Le nombre de cancers (estomac, poumons, œsophage, gorge), de fausses couches ou de malformations congénitales explose. Les médecins assistent, désemparés, à la naissance de bébés nés avec les intestins dehors, cyclopes, sans membres ou encore atteints de sirénomélie (une malformation fœtale souvent fatale dont le symptôme le plus spectaculaire est la fusion des membres inférieurs). Les directrices d’écoles, en larmes, confessent leur «sentiment d’impuissance et de solitude absolue», alors que les avions déversent leurs poisons en toute impunité, à un jet de pierre des cours de récréation remplies d’enfants.
Le désert vert du soja n’abrite pas une «mauvaise herbe», pas un insecte, pas un oiseau, pas même des humains. Fermiers et apiculteurs ont dû migrer en masse. Et ceux qui avaient misé sur le nouveau «modèle» d’agriculture chimique ont souvent dû jeter l’éponge, étranglés par leurs dettes. En cause, une hausse constante du prix des intrants, conjuguée à une baisse des prix sur le marché international. Le soja est exporté pour engraisser les animaux d’élevage du monde entier, mais aussi et surtout les multinationales, lesquelles pratiquent au passage une évasion fiscale qui fait perdre à l’Argentine un tiers de la valeur de sa récolte, affirme Solanas. Qui est aussi un homme politique classé à gauche et préside depuis 2013 la commission du développement durable au Sénat argentin.
Alternatives
Son film n’apprendra pas grand-chose à ceux qui ont vu les documentaires de Marie-Monique Robin, en particulier le Roundup face à ses juges, sorti en 2017, au sujet du tribunal citoyen qui s’est tenu en 2016 à La Haye et où témoignait déjà Damián Verzeñassi, un docteur en santé publique argentin qui a mené une vaste enquête épidémiologique dans son pays. Ni à ceux qui avaient visionné en 2016 sur Arte le film OGM, mensonges et vérités. Mais il a le mérite de citer des alternatives écologiques, au succès grandissant (l’Argentine se hisse au 2e rang mondial en matière de surfaces certifiées en agriculture biologique, nous apprend le documentaire). D’être sensible, personnel, touchant, parfois faussement candide. Et d’être en VO. De quoi nous laisser bercer, malgré la rudesse du sujet, par le timbre suave de celui qui a déjà été primé à Cannes, Venise ou Berlin.
Ce film américain, lauréat du premier prix de l'Animal Film Festival, qui s'est déroulé du 9 au 10 février en Californie, nous plonge dans un restaurant chic qui propose une "expérience complète" : tuer l'animal que l'on commande à la carte. Le film dénonce la dissonance cognitive qui nous pousse à manger de la viande, tout en étant incapable de tuer l'animal de nos propres mains. Un court-métrage percutant.
Pendant trente ans, l’agriculteur Christophe Piquet estime avoir « bousillé l’environnement ». Après s’être converti au bio, il a planté un millier d’arbres sur l’une de ses parcelles.
Des solutions pour la planète. « Pendant trente ans, j’ai bousillé l’environnement. Saccagé la planète. Pendant trente ans, cela m’a fait souffrir. » Désormais, Christophe Piquet, agriculteur de 61 ans installé à Azé (Mayenne), n’a qu’une chose en tête : redonner un peu de vie à cette terre nourricière que des décennies de productivisme agricole ont laissée exsangue, selon lui.
Il estime avoir sa part de responsabilité dans cette réalité, et n’en est pas fier. Christophe Piquet est fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’agriculteur. Il s’est installé sur les terres familiales en 1982. Petit, il aimait écouter les conversations des grandes personnes. « J’avais environ 12 ans. Je me souviens de mon voisin, également paysan, qui disait à mon père qu’il avait sali sa terre depuis qu’il y avait mis de l’engrais et des pesticides… Ces propos m’ont suivi tout au long de mon parcours. »
Christophe Piquet le reconnaît. En tant qu’agriculteur, il a toujours été « coupé en deux ». Entre le fait de « produire toujours plus et mal » et son aspiration profonde à « respecter la planète ». « Pendant trente ans, je n’ai pas eu la conscience tranquille. Nos machines agricoles étaient de plus en plus grandes, performantes. On s’est adapté aux machines. Nous étions à leur service », raconte-t-il.
« Mes bêtes ne voyaient jamais le jour »
Pendant toutes ces années, Christophe Piquet est un bon petit soldat. « On n’était plus des agriculteurs, mais des gestionnaires. Ce qui comptait, c’était le petit chiffre de revenus en bas du bilan. Mes bêtes ne voyaient jamais le jour. Elles ne savaient pas ce qu’était l’herbe non plus. » Il ne gardait ses jeunes bovins qu’un an, avant qu’ils ne prennent la direction de l’abattoir.
« Autour d’un arbre, il y a toute une vie »
À la prochaine Toussaint, comme l’ont fait son arrière-grand-père Auguste, son grand-père Ernest et son père Ernest avant lui, Christophe transmettra la ferme à la génération suivante. L’homme s’est lancé un dernier défi : nettoyer la terre que lui, comme les générations précédentes, ont « saccagée ».
Fin 2018, il a planté 1 000 arbres dans l’une de ses parcelles. « Toute la famille s’y est mise. » Les amis et les Azéens aussi : en tout 70 personnes, ont mis les mains dans la terre. Le champ sera toujours cultivé et servira de prairie pour le troupeau. Ce principe se nomme l’agroforesterie.
« C’est un complément de l’agriculture biologique, décrit Christophe Piquet. L’arbre a un rôle régulateur. Son enracinement lui permettra de puiser des minéraux dans le sol, de recréer de l’humus, de faire baisser la température du sol. L’arbre va drainer, irriguer, fertiliser. Autour d’un arbre, il y a toute une vie. » Le cheptel de vaches « rouge-des-prés » y trouvera aussi son bonheur. L’été surtout, lorsqu’il cherchera de l’ombre.
« Pendant dix ans, on va avoir du boulot »
Des projets de cette ampleur sont très rares chez des particuliers. Chênes, châtaigniers, mûriers, noyers grandissent aujourd’hui paisiblement dans le champ azéen. « Chaque essence a son auto-écologie, explique Cyrille Barbé, le professionnel qui a accompagné Christophe Piquet dans son projet. On les a plantées en fonction de leur position dans la parcelle. »
Le Mayennais pense déjà à l’étape suivante : veiller sur les arbres. « Il faudra tailler les branches, couper les racines de surface pour les obliger à descendre très profondément… Pendant dix ans, on va avoir du boulot, mais après ça va se faire tout seul », sourit-il.
Christophe Piquet dit de lui-même qu’il n’est pas un intellectuel. Mais ses paroles sont pleines de sagesse. Tel le colibri qui veut éteindre l’incendie à la force de son minuscule bec transportant des gouttes d’eau, il veut faire sa part pour sauver la planète.
« Les arbres qu’on plante aujourd’hui, c’est pour dans une ou deux générations… » Pour ses sept petits-enfants. Comme le petit Diego, capable de reconnaître « ses » arbres au premier coup d’œil. Le garçonnet de 5 ans ne voit pas son avenir ailleurs qu’à la ferme. Les mains dans la terre qu’il a travaillée avec papy, les yeux dans les arbres qu’il a plantés avec lui.
Au Brésil, les défenseurs de l’environnement comme les indigènes protégeant leurs terres payent souvent de leur vie le prix de leur engagement. Les effets de la prise de fonction du président Jair Bolsonaro en janvier, qui ne cache pas son soutien à l’agro-industrie, se font déjà sentir, comme l’accélération de la déforestation.
Rosane Santiago Silveira, 59 ans, a été torturée et assassinée chez elle dans la ville de Nova Viçosa (État de Bahia) le 29 janvier. Elle s’opposait à l’exploitation d’eucalyptus, prédatrice de terres dans la région. Militante écologiste et défenseur des droits humains pendant 18 ans, Rosane Silveira était membre de l’association de protection de l’île de Barra Velha et membre du conseil d’administration de la réserve de Cassurubá, une zone de 1.000 km2 située dans l’État de Bahia entre mangrove et forêt atlantique.
La réserve, appelée Resex Cassurubá, est utilisée par les populations traditionnelles, dont la subsistance repose sur l’agriculture et l’élevage de petits animaux. Sa création visait à protéger la culture de ces populations en assurant l’utilisation durable des ressources naturelles. Mille familles vivent dans la réserve de Cassurubá. Leur principale activité est la pêche (poissons, crabes et huîtres).
L’idée de la Resex est née de la demande de pêcheurs locaux, inquiets par l’arrivée des pêcheurs de crabes d’autres régions et par la spéculation immobilière. L’un des principaux défis de la communauté est de lutter contre l’installation du plus grand projet d’élevage de crevettes du pays, proposé par la Coopérative d’éleveurs de crevettes de l’extrême sud de Bahia (Coopex), projet considéré comme incompatible avec la préservation de l’environnement de la région. L’opposition de la communauté à certains projets a aussi généré de nombreux conflits avec les secteurs pétrolier, gazier et de la cellulose.
57 exécutions de militants écologistes au Brésil en 2017
Rosane Silveira, membre engagée de la communauté de Cassurubá, a donc rejoint la longue liste des activistes écologistes assassinés au Brésil. Selon son fils, Tuian Santiago Cerqueira, Rosane Silveira avait auparavant reçu plusieurs menaces de mort. Toujours selon Tuian, la mort de Rosane a créé un climat de terreur dans la ville. « Tout le monde a peur, ma mère était une personne souriante et entretenait de bonnes relations avec les gens, malgré sa dureté dans ses combats. Elle était proche des gens », a-t-il déclaré.
Concernant les investigations sur la mort de l’activiste, les enquêteurs ont déclaré « qu’ils ne doutaient pas du lien entre le crime et les activités politiques de Rosane. Elle était membre suppléante du conseil de la réserve d’extraction (Resex) de Cassurubá et était propriétaire d’un terrain sur l’île de Barra Velha, qui fait partie de la même réserve. Plus récemment, elle s’était battue contre la production et le transport fluvial d’eucalyptus dans la zone de protection, ce qui entraînait la dégradation des mangroves ».
Défendre l’environnement au Brésil est une activité dangereuse pour les militants écologistes.Selon l’ONG britannique Global Witness, qui a enregistré 57 exécutions au Brésil en 2017, le pays a été l’un des leaders des assassinats d’activistes écologistes en 2016 et 2017. Les Philippines figurent en deuxième position dans le classement, avec 48 morts. La troisième place revient à la Colombie, avec 24 exécutions. En Afrique, 19 militants ont été assassinés, dont 12 en République démocratique du Congo. Selon le rapport de Global Witness, les activistes ont été exécutés car ils s’opposaient à des projets forestiers, agro-industriels ou à des sociétés minières.
L’eucalyptus a provoqué des modifications irréversibles dans la structure et la texture des sols
Le rapport de l’ONG britannique démontre encore que l’agroalimentaire est le secteur le plus dangereux, dépassant pour la première fois le secteur minier, avec 46 défenseurs morts en protestant contre la façon dont les biens que nous consommons sont produits. L’opposition aux activités minières et pétrolières a fait 40 morts, la lutte contre le braconnage a tué 23 militants, comme celle contre l’exploitation forestière.
Rosane Silveira défendait sa terre et s’opposait à l’exploitation d’eucalyptus dans sa région. L’eucalyptus s’est répandu dans tout le pays depuis les années 1970, du Rio Grande do Sul à Bahia. Depuis son arrivée, l’eucalyptus a provoqué des modifications irréversibles dans la structure et la texture des sols. Avec lui et la déforestation sont entrées en scène la monoculture et les industries de cellulose.
Fernando Borges, directeur de l’ONG Groupe d’étude et conscientisation de l’environnement (Geca), regrette que l’eucalyptus ait remplacé les terres pouvant produire de la nourriture et affirme : « Pourquoi les pouvoirs publics ne supervisent-ils pas le dossier de l’eucalyptus ? Parce que les entreprises financent la campagne des politiciens ! À l’avenir, quand ces terres n’intéresseront plus les entreprises, que va-t-il leur arriver ? »
Ivonete Gonçalves, coordinatrice du Centre d’études et de recherche pour le développement de l’extrême sud de Bahia (Cepedes), a déclaré : « L’eucalyptus assèche les sources d’eau et détruit les sols. 70 % des zones agricoles de la région sont occupées par des eucalyptus. Un crime contre l’environnement ! »
Jair Bolsonaro avait clairement dit qu’il n’était pas favorable au programme socio-environnemental mis en place par ses prédécesseurs
Défendre l’environnement au Brésil est une activité dangereuse pour les indigènes. Les terres sur lesquelles ils vivent sont de plus en plus convoitées en raison de leurs richesses naturelles. Le nombre d’invasions des terres a ainsi considérablement augmenté, passant de 59 cas en 2016 à 96 l’année dernière. Selon le Cimi (Conseil missionnaire indigène), « tout ceci est la conséquence de l’absence de démarcation des terres et du manque de protection des communautés ». D’après le Cimi, 110 Indiens ont été assassinés dans le pays en 2015, dont 17 au Mato Grosso do Sul, et 118 en 2016. La plupart des meurtres sont causés par des conflits liés à la déforestation et à l’invasion des terres.
L’invasion des terres protégées et la croissance de la déforestation sont en progression depuis deux ans au Brésil. Pendant la campagne électorale, Jair Bolsonaro avait clairement dit qu’il n’était pas favorable au programme socio-environnemental mis en place par ses prédécesseurs. Aussitôt dit, aussitôt fait. Depuis la prise de fonction du président Bolsonaro, le 1er janvier 2019, le gouvernement a transféré la responsabilité de l’identification, de la délimitation, de la reconnaissance et de la démarcation des terres indigènes au ministère de l’Agriculture (Mapa), actuellement dirigé par la ministre Tereza Cristina Dias, chef du Front parlementaire agroalimentaire (FPA) et fervente défenseur de l’agrobusiness. La Fondation nationale de l’Indien (Funai), l’organisme défenseur des indigènes, a perdu le peu de pouvoir qu’elle possédait et est désormais subordonnée au nouveau ministère de la Femme, de la Famille et des Droits de l’homme.
La déforestation en Amazonie a augmenté de 54 % en janvier
Les conséquences négatives de cette nouvelle politique environnementale sont flagrantes. L’Institut de l’homme et de l’environnement de l’Amazonie (Imazon) vient de publier les premières données de 2019 relevées par le Système d’alerte de déforestation (SAD). Son rapport démontre que la déforestation en Amazonie a augmenté de 54 % en janvier par rapport à la même période de l’année précédente.
Au total, 108 km² ont été déboisés. L’État du Pará est celui qui a le plus été déboisé (37 % du total), suivi par le Mato Grosso (32 %), le Roraima (16 %), le Rondônia (8 %), l’Amazonas (6 %) et l’Acre (1 %). La majeure partie de la déforestation (67 %) s’est produite dans des zones privées, préservées et occupées par les indigènes, ce qui signifie un relâchement du contrôle gouvernemental ainsi qu’un arrêt des démarcations et une course au déboisement.
Plus de 900.000 indigènes vivent au Brésil. Leurs droits sont menacés et ignorés. En janvier 2019, au moins six invasions ont été confirmées dans plusieurs régions du pays. Face à cette offensive, l’ONG Campement Terre libre (ATL) organise une manifestation du 24 au 26 avril 2019 à Brasília contre les nouvelles directives gouvernementales.
L’objectif d’ATL est de réunir à Brasília tous les leaders des peuples indigènes et de lancer une grande offensive contre les organismes politiques responsables de la déforestation et de l’invasion de leurs terres. Cette année, le slogan du ATL est « Sang indigène. Dans les veines, la lutte pour la terre et le territoire ».
Ici, le trafic aérien décline tandis que la fréquentation des trains bat des records. L'explication ? Prendre l'avion est devenu quelque chose de honteux.
Et si l’avion devenait totalement has been ? Alors que les Pays-Bas se préparent à interdire les lignes aériennes courtes distances, voici qu’en Suède « la honte de prendre l’avion » est peu à peu en train de gagner la population. Un phénomène nouveau qui illustre des préoccupations écologistes grandissantes.
La transport aérien pollue ? Alors il est honteux de prendre l’avion. Voici, en somme, le raisonnement terre à terre qui pousse de plus en plus de Suédois à bouder l’avion et à privilégier le train. À vrai dire, le mouvement est tel qu’il existe désormais « un salon du voyage du train » qui donne toutes les bonnes astuces et toutes les bonnes pratiques pour voyager partout en Europe le plus facilement possible rien qu’avec le rail.
Cette honte de prendre l’avion, qui se traduit déjà par une baisse du transport aérien et par une nette augmentation de la fréquentation des trains, porte même un nom : le « flygskam ».