GRAIN | 25.10.2010 | 16:12
mercredi 10 novembre 2010
De nos jours, les pays du Sud consomment apparemment de plus en plus de viande. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), la consommation de viande par habitant dans les pays en développement a doublé entre 1980 et 2005, et la consommation d’œufs y a été multipliée par trois. Comment expliquer cette évolution ? Pour certains, le facteur majeur a été l’augmentation des revenus en Asie, mais cela peut difficilement justifier une hausse aussi énorme. La raison principale est plutôt à chercher du côté de l’approvisionnement.
Les entreprises de l’agrobusiness, soutenues pas de fortes subventions et par les gouvernements, ont réussi, au cours des dernières décennies, à pousser la production mondiale de viande à des niveaux inouïs, provoquant des conséquences dévastatrices pour les animaux, les personnes et l’environnement. Une grande partie de cette production industrielle se fait désormais dans les pays du Sud, où une nouvelle génération de compagnies transnationales (TNC), originaires de ces pays, s’allient avec les firmes plus anciennes des pays du Nord, pour imposer “le dieu viande” d’un bout à l’autre de la planète.
Qu’est-ce qui alimente l’essor effréné du marché de la viande dans les pays en développement dans le Sud ? La réponse la plus évidente est l’abondance de viande bon marché provenant de fermes industrielles, elle-même rendue possible par l’abondance d’une alimentation animale bon marché. L’explosion actuelle de la consommation de viande n’est que la répétition de ce qui s’est passé il y a des années au Nord, quand les entreprises ont commencé à installer des fermes industrielles et des parc d’engraissement, pour transformer en protéines animales destinées à la restauration rapide et aux supermarchés les montagnes de céréales et d’oléagineux produites grâce aux subventions. On se débarrassait – et c’est toujours le cas - des excédents de viande, depuis les cuisses de poulet congelées aux tripes de bovins, dans les pays pauvres.
Derrière le système de la viande industrielle, s’agite tout un monde de grandes entreprises impliquées dans la production et le commerce de la viande. C’est un système qui reçoit toutes sortes de subventions, aux États-Unis comme en Europe. Selon certaines études, le prix d’une livre de viande hachée aux États-Unis devrait avoisiner les 30 dollars US, plutôt qu’un à deux dollars, le prix de vente habituel dans les centres de vente en gros. 1
Si l’on annulait ne serait-ce que les subventions sur l’alimentation animale, les coûts d’exploitation pour les producteurs de viande américains seraient environ 10 % plus élevés et on commencerait probablement à voir des stands de fruits et de légumes remplacer les Kentucky Fried Chicken et les McDo dans les quartiers pauvres. 2 Dans l’Union européenne, une vache reçoit en moyenne 2,50 dollars US de subventions par jour, alors que les deux tiers de la population de l’Afrique sub-saharienne vivent avec moins de deux dollars par jour. 3 Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, la plupart des gens, les pauvres en particulier, sont obligés de manger de la viande bon marché. Et c’est le modèle qui est en train de s’imposer partout dans le monde.