L'Ethiopie va miser sur de grands projets éoliens
Le vent souffle fort sur les hauteurs d'Adama, collines rocailleuses à plus de 2.000 m d'altitude sur les hauts plateaux éthiopiens, offrant des conditions idéales pour la production d'énergie éolienne. L'Ethiopie, en pointe dans ce secteur, y a installé le plus puissant parc éolien d'Afrique subsaharienne.
«En février, pendant la saison sèche, le vent est tellement fort qu'il est difficile de se tenir debout», assure Solomon Yismaw, l'ingénieur du site d'Adama II, inauguré en mai à une centaine de kilomètres au sud-est d'Addis Abeba, où 102 turbines de construction chinoise hautes de 70 mètres ponctuent l'horizon aussi loin que porte le regard.
Sa capacité de 153 mégawatts (MW) fait d'Adama II la plus grande ferme éolienne d'Afrique subsaharienne. Elle vient compléter en Ethiopie le parc d'Ashegoda (120 MW, dans la région septentrionale du Tigré) en service depuis 2013 et celui d'Adama I (50 MW) datant de 2011.
N'ayant ni gaz ni pétrole, l'Ethiopie mise sur son important potentiel en énergies renouvelables pour alimenter son rapide développement économique. A commencer par les eaux du Nil, grâce auxquelles les barrages existants assurent déjà plus de 90% de la production électrique du pays. Mais le débit du Nil est soumis aux aléas climatiques.
«Nous disposons d'une source abondante d'énergie hydroélectrique. Mais pendant les périodes de sécheresse, le niveau des barrages hydroélectriques baisse. L'éolien permet de compenser cette perte, d'autant que le vent est plus fort pendant la saison sèche. L'éolien et l'hydroélectricité sont complémentaires», explique Solomon Yismaw.
Les paysans labourant la terre au pied des turbines, derrière de simples charrues tirées par des bœufs, offrent un saisissant contraste entre la vie rudimentaire des campagnes éthiopiennes et la modernité à laquelle aspire le pays.
Plus de 75% des 94 millions d'Ethiopiens, principalement dans les campagnes, ne sont pas connectés au réseau électrique. Pour ceux qui le sont, les coupures électriques sont fréquentes: trois mois par an en moyenne.
Les besoins en énergie sont énormes en Ethiopie. Le pays a besoin d'accroître sa production électrique de 20 à 25% par an, selon des chiffres du ministère de l'Energie.
En attendant la mise en service sur le Nil Bleu du plus grand barrage d'Afrique, le barrage de la «Renaissance» toujours en construction, l'Ethiopie multiplie les projets «verts» pour diversifier ses sources d'énergie.
«Notre priorité reste le développement de l'hydroélectricité, mais nous ne pouvons pas en dépendre totalement. Nous savons que nous serons affectés par le changement climatique. C'est pourquoi nous développons aussi l'éolien, la géothermie et le solaire», explique le ministre éthiopien de l'Energie et de l'Eau, Wondimu Tekle.
«Nous allons installer 28.000 systèmes solaires individuels sur des habitations avec l'aide de la Banque mondiale», ajoute-t-il.
En ce qui concerne l'éolien, la technologie est simple et peu coûteuse.
«Les fermes éoliennes sont des projets rapides à mettre en place. Nous avons construit cette ferme de 153 MW en seulement 24 mois. Un barrage hydroélectrique aurait pris beaucoup plus de temps», explique Tahaguas Andemariam, ingénieur consultant et professeur à l'université d'Adama.
Une autre ferme éolienne encore plus importante, d'une capacité de 300 MW, est déjà en projet. Elle doit voir le jour à Ayesha, dans le désert près de la frontière djiboutienne, balayé par des vents puissants.
«Nous avons maintenant les connaissances suffisantes pour développer une feuille de route pour l'énergie éolienne en Ethiopie», assure Tahaguas Andemariam, formé pendant un mois en Chine avec les autres ingénieurs du site. Il n'exclut pas de voir un jour des turbines éoliennes assemblées au moins partiellement en Ethiopie.
Avec ces énergies vertes, l'Ethiopie entend réduire son recours aux énergies fossiles, coûteuses et polluantes. Les autorités éthiopiennes se sont donné comme objectif de parvenir à entrer dans le club des pays à revenus intermédiaires d'ici 2025, tout en veillant à ce que l'impact du développement économique sur l'environnement soit limité.
Addis Abeba s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 64% d'ici 2030, notamment grâce aux énergies renouvelables. C'est l'objectif le plus ambitieux présenté jusqu'ici dans le cadre la conférence de Paris sur les changements climatiques prévue fin 2015.