Votre P.I.B, vous le voulez avec ou sans désert ?
Il est navrant de penser que le changement climatique qui éradiquera l’humanité, ou du moins une grande partie d’entre elle, est vécue par la plupart d’entre nous comme une histoire vague qui arrivera dans un futur lointain, un fantasme de climatologue. A cette menace terrifiante, on lui préfère l’immigration, le coronavirus ou le pouvoir d’achat, qui manifestement ne feront pas disparaitre la race humaine et qui occupent néanmoins tout l’espace public.
Lorsque je pense à ce paradoxe, je me dis que soit l’humanité est devenue complètement folle, ravagée par les écrans et le numérique tous azimuts, soit elle a bien conscience du péril en cours mais préfère vivre dans un confortable déni entretenu par les pouvoirs politiques et les mass médias.
Dans un cas comme dans l’autre, nous courrons à notre perte. J’aurais pensé naïvement que les terribles sécheresses, inondations et autres pics de chaleur des dix dernières années auraient permis une prise de conscience et une action globale des industriels, politiques et citoyens. C’est ce qu’on appelle la catastrophe pédagogique.
Manifestement la course à la compétitivité, les distractions d’un weekend à l’autre bout de l’Europe, venir de Marseille pour skier 48H dans les Hautes-Alpes (440 KM A/R) avec un SUV qui consomme plus de 10L/100 KM, la consommation excitative de biens et services non nécessaires ont réussi à s’emparer de l’esprit de beaucoup d’entre nous, vivant telles des cigales, chantant et dansant alors que le monde est déjà en train de sombrer dans des cataclysmes que même notre imagination la plus fertile ne pourrait envisager.
Alors comme pour défier le destin, on se fait tatouer un « carpe diem » sur l’avant-bras en se disant qu’il faut profiter, que la vie est courte et que de toute façon la science trouvera bien des solutions pour nous sortir de là.
On nous a longtemps parlé de développement durable pour se donner bonne conscience, c’est-à-dire qu’on nous propose de nous développer ainsi durablement, ce qui est mathématiquement impossible dans un monde aux ressources finies. On nous parle maintenant de croissance verte ou même de capitalisme vert ! Mais pourquoi vouloir croître à tout prix lorsqu’on en connait les désastreuses conséquences sur la nature, et par extension sur la race humaine ?
Lorsque quelqu’un parle de décroissance ou d’austérité on l’isole en le traitant de néandertalien et d’empêcheur de tourner en rond, les décroissants sont perçus comme des punisseurs ou des trouble-fêtes. On les conspue et cela fait du bien, oui cela fait du bien d’avoir un ennemi commun sur qui taper devant les caméras ou sur les réseaux sociaux.
C’est pourtant bien le progrès, amorcé depuis des millénaires mais propulsé durant le siècle des lumières qui nous a conduit à la lisière des ténèbres. Pourtant on nous promettait une vie meilleure grâce aux progrès de la médecine, de la technologie et de la science en général. Le résultat est sans équivoque :
Fallait-il vraiment progresser pour en arriver là aujourd’hui ? A quoi a servi l’évolution sinon à nous autodétruire ? Nous sommes clairement en présence d’un suicide collectif. Il ne fait nul doute que progrès ne rime pas avec conscience. Le progrès et le culte du PIB sont martelés tel un dogme, et dénoncer cette hérésie manifeste fait de nous des hérétiques nostalgiques du moyen-âge. On nous propose une vision binaire, manichéenne de l’écologie, les pour et les contre… Mais entre les deux, nous trouvons pourtant des nuances.
Naitre dans les années 2020, c’est connaitre l’enfer de 2050. J’aurais 20 ans aujourd’hui je m’abstiendrai de me reproduire car je porterai toute ma vie le poids de la culpabilité d’avoir jeté un enfant dans la fosse aux lions.
Nos enfants nous accuseront, pour reprendre le titre du documentaire français de Jean-Paul Jaud. Ils nous accuseront de leur avoir légué un monde en perdition, en proie aux guerres, aux famines, aux sécheresses, aux inondations, un monde pollué et ravagé par les toxines de la chimie agricole, un monde où bientôt il faudra se battre pour manger et boire.
J’espère que les gros pollueurs, les patrons des multinationales, nos gouvernants, les maires qui bétonnent les champs et les prairies, les gros consommateurs de viande, les conducteurs de pick-up qui se croient dans une série tv américaine, les aficionados des rallyes motorisés et des voyages en avion, les consommateurs compulsifs de merdes chinoises achetées sur internet seront hantés par l’image de leurs enfants ou de leurs petits enfants en train de boire dans des flaques d’eau dans des villes étouffantes et gangrénées par la violence.
Cet égoïsme vire à la pathologie car nous sabotons le futur de nos enfants. Croyez-moi, cela va arriver.
Il vaut mieux une nécessaire austérité dès maintenant, une austérité qui soit décidée plutôt que de la subir et de la faire subir à nos descendants dans quelques années.
A bon entendeur.