Ces dernières années, les marques ont fait de plus en plus de promesses quant à leur impact sur l'environnement. Elles déclarent notamment vouloir atteindre la « neutralité carbone » d'ici 2030. Elles nous disent aussi qu'elles utilisent de l'énergie verte et qu'elles plantent des arbres.
On aurait tendance à les croire, ou en tout cas on en a envie. On aurait envie de vivre dans un monde où ces promesses seraient tenues. Les marques et leurs agences de communication le savent bien, elles l'exploitent même.
En réalité, seules quelques marques sont en bon chemin pour atteindre leurs objectifs. Le fossé entre les promesses des entreprises et leurs véritables engagements est plus profond que jamais.
Mais partons du principe que ces sociétés veulent réellement tenir leur parole. Partons du principe qu'elles arriveront à atteindre leurs objectifs. Doit-on se sentir soulagé ?
Pas vraiment. Car la plupart de ces déclarations ne sont pas aussi ambitieuses qu'elles le paraissent et s'apparentent souvent à du greenwashing. Par exemple, on peut se dire « neutre en carbone » tout en causant des émissions toxiques et en les compensant avec des crédits carbone peu coûteux et inefficaces. De même, on peut dire qu'on plante des arbres tout en soutenant les monocultures nocives plutôt que de planter des forêts riches en biodiversité. En s'acquittant d'une petite somme, les entreprises (même celles qui produisent des énergies fossiles) peuvent se dire « vertes » et « neutres en carbone » sans changer leurs pratiques polluantes.
Alors, comment faire pour éviter l'effondrement climatique en gardant les températures mondiales en dessous des 2°C supplémentaires ?
La réponse est simple : tant que les entreprises et les États n'auront pas réellement atteint la neutralité climatique, de notre côté, nous devrons faire plus qu'être simplement neutres. Réfléchissez-y : même si, par miracle, 50 % de toutes les entreprises atteignaient vraiment la neutralité climatique, on ne pourrait pas être véritablement neutres à l'échelle mondiale, puisque l'autre moitié des entreprises continuerait de polluer. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre que chaque entreprise fasse sa part. Nous manquons de temps.
Étant donné la sévérité de la crise, la « neutralité climatique » et le « développement durable » sont à présent des objectifs inadaptés. Ils ne nous sauveront pas. Lorsque les entreprises nous promettent qu'elles seront « neutres » d'ici 2040, nous ne devrions pas nous en satisfaire. Au contraire, nous devrions nous en inquiéter.
C'est cette idée qui nous a poussés à devenir une entreprise régénératrice plutôt que de viser la neutralité climatique. Ecosia ne fonctionne pas à 100 % d'énergie renouvelable, mais à 200 %. Nous produisons non seulement assez d'énergie solaire pour alimenter toutes nos recherches, mais nous en produisons même deux fois plus. Le bilan carbone d'Ecosia n'est pas neutre, mais négatif : grâce aux arbres que nous plantons et protégeons, nous absorbons bien plus de CO2 que nous en émettons.
Nous venons de publier notre rapport sur la régénération pour l'année 2020. Nous y examinons en profondeur ce que la régénération signifie. Dans ce rapport, qui a été audité par ClimatePartner, nous nous penchons sur combien de CO2 nous avons émis en 2020, combien nous en avons absorbé et combien d'émissions nous avons évité (spoiler : 10 000 fois plus). Nous y parlons aussi des centrales solaires que nous avons construites et de certains de nos investissements verts. Vous pouvez lire le rapport dans son intégralité ici.
En 2020, Ecosia a fonctionné à 335 % d'énergie renouvelable et a planté plus de 30 millions d'arbres. En moyenne, chaque recherche Ecosia absorbe 1 kg de CO2.
Nous espérons que notre rapport incitera d'autres organisations à réfléchir différemment. Les entreprises progressistes comme Ecosia ne devraient pas seulement arrêter de faire partie du problème. Elles doivent faire partie de la solution. Si d'autres entreprises deviennent régénératrices comme nous, si elles commencent à fonctionner avec plus de 100 % d'énergie renouvelable, alors nous n'aurons plus besoin d'attendre que tout le monde atteigne vraiment la neutralité climatique.
Changeons de modèle : la neutralité, c'est fini. Il faut penser en termes de régénération.
La publication fin mars 2021 du bilan des déforestations pour l’année 2020 par le World Resources Institute est à nouveau alarmante.
Selon ce document, la perte de couvert forestier atteint les 25,8 millions d’hectares, soit plus de 0,6 % de la superficie mondiale des forêts, estimée à plus de 4 milliards d’hectares par la FAO (avec 45 % de forêts tropicales, 27 % de forêts boréales, 16 % de forêts tempérées et 11 % forêts subtropicales). Les forêts représentent environ 31 % de la superficie des terres émergées du globe.
Ce recul concerne tout particulièrement les forêts tropicales, où la perte atteint les 12,2 millions d’ha, dont 4,2 millions de forêts humides primaires – c’est 12 % de plus qu’en 2019 et ceci malgré le ralentissement de l’économie mondiale imposé par la pandémie.
Le Brésil constitue le pays responsable de la majorité des déboisements de forêts humides primaires (1,7 million d’ha), avec une augmentation de 25 % des destructions dans ce pays en 2020 par rapport à 2019.
Les forêts, ces précieux « puits de carbone »
Toujours selon les données de la FAO, les forêts de la planète mobilisent environ 662 gigatonnes (Gt) de carbone en 2020 (contre 668 en 1990), avec une densité moyenne de 163,1 tonnes de C/ha en 2020 (contre 158,8 en 1990). La forêt constitue ainsi, avec le milieu marin, un des principaux « puits de carbone ».
On le comprend bien, la destruction des forêts contribue à réduire cette fonction de fixation du carbone.
Or cette destruction se poursuit à un rythme accéléré : elle représente selon la FAO, 178 millions d’hectares de forêts (tous types confondus) pour la période entre 1990 et 2020 ; dans les régions tropicales, l’extension de l’agriculture et de l’élevage en constitue la cause principale.
Selon Global Forest Watch, de 2002 à 2020, il y a eu une perte de 64,7 millions d’hectares (M ha) de forêt tropicale humide primaire (soit une perte de 6,3 % de sa superficie) ; cela correspond à 16 % de la perte de forêt dans le monde.
Les forêts sont également les victimes du changement climatique, en particulier les cyclones et tempêtes, les sécheresses et surtout les incendies.
La FAO avance le chiffre de 98 M ha de forêts touchées par les incendies en 2015. Au cours des dernières années, ce sont 18 M ha qui ont brûlé en Australie pour la période 2019-2020 et 21 M ha qui sont partis en fumée en Sibérie au cours des 6 premiers mois de l’année 2020.
Lutter contre la déforestation importée
Comment inverser ces tendances délétères ? La première action à mener est évidemment d’agir sur la déforestation volontaire, en particulier celle des forêts primaires dans les zones tropicales, car ce sont ces forêts primaires qui abritent de loin la biodiversité la plus élevée.
Cela concerne tout particulièrement les États qui abritent ces forêts, mais également les pays importateurs des produits issus de la déforestation, dont l’Europe, considérée par le WWF comme responsable en 2017 de 16 % de la déforestation du fait de sa consommation de denrées issues des déboisements ; c’est ce phénomène que l’on appelle la « déforestation importée ».
Avec d’autres ONG, le WWF a aussi proposé fin 2020 dix actions concrètes pour lutter contre la déforestation importée ; et l’UE devrait également proposer une loi cette année.
Débats autour de la « reforestation massive »
Une seconde action concerne la restauration et la reforestation des zones dégradées et déboisées. Dans ce domaine, le « défi de Bonn » adopté en 2011 a retenu l’objectif de restauration de 150 millions d’hectares de terres dégradées et déboisées d’ici à 2020. Objectif rehaussé à 350 millions d’hectares en 2014 lors du Sommet des Nations unies sur le climat… mais aussi reporté à 2030.
Ces mesures ont été approuvées à ce jour par plus de 100 gouvernements, organisations de la société civile et entreprises ; des engagements de restaurations et plantations ont été pris par 43 pays.
Mais des scientifiques se sont alarmés en 2019 des propositions de plantations mono spécifiques – ne correspondant en rien à des forêts naturelles et n’en présentant pas les mêmes intérêts pour la biodiversité et le climat – faites par certains pays (le Brésil, par exemple, pour 19 M ha, soit 82 % de ses engagements de restauration).
En juillet 2019, une publication dans la revue Science avait fait grand bruit, estimant qu’il serait possible d’accroître la superficie forestière mondiale de 0,9 milliard d’hectares ; ce qui permettrait de stocker 205 Gt de carbone supplémentaires.
Mais dans un commentaire publié deux semaines plus tard, d’autres spécialistes ont considéré que ces estimations comportaient de nombreuses erreurs. Un erratum a fait suite à ces commentaires.
L’idée de « reforestation massive » a toutefois fait son chemin, reprise par exemple début 2020 par le Forum économique mondial de Davos, avec un projet de plantation de 1000 milliards d’arbres, avec l’objectif de capter l’essentiel des émissions de CO2.
Cette proposition a rapidement été considérée comme irréaliste du fait d’erreurs d’évaluation et de l’impossibilité de réaliser de telles plantations sans impacter fortement terres agricoles et écosystèmes ouverts (comme les savanes).
Une année de mobilisation mondiale
En janvier 2021, le Sommet mondial sur l’avenir de la planète, le « One Planet Summit », a marqué le début d’une série d’évènements en faveur de la préservation de l’environnement et de la biodiversité en particulier. Cette quatrième édition aura notamment vu la relance du projet de la grande muraille verte du Sahel. L’ Alliance pour la préservation des forêts tropicales aura également reçu une forte attention lors de l’événement.
En septembre prochain, se tiendra le Congrès mondial de la nature, organisé par l’UICN à Marseille ; puis en octobre, la conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP 15) prévue à Kunming en Chine.
Un des objectifs de ces conférences est d’inciter les États à renforcer les superficies protégées et restaurées dans le monde, l’ONU ayant déclaré la décennie 2021-2030 comme celle de la « restauration des écosystèmes ».
Comment restaurer des centaines de millions d’hectares de forêts ?
Sur la thématique plus spécifique de la conservation et de la restauration des forêts, deux conférences internationales ont mobilisé scientifiques et décideurs en ce début d’année : la « Reforestation for biodiversity, carbon capture and livelihoods », à partir de Londres et le « Global Forest Summit », à partir de Paris.
La rencontre londonienne aura permis de présenter les 10 règles d’or devant guider les opérations de restauration des forêts ; elles avaient fait l’objet d’une récente publication.
Il s’agit de protéger prioritairement les forêts existantes ; travailler avec les populations locales ; maximiser la restauration de la biodiversité ; sélectionner la surface adéquate pour la reforestation ; privilégier la restauration naturelle ; choisir les espèces d’arbres qui maximisent la biodiversité ; utiliser des espèces d’arbres résilientes qui peuvent s’adapter au climat changeant ; programmer à l’avance ; apprendre en faisant ; rentabiliser les opérations.
Au Global Forest Summit de Paris (dont le mot d’ordre était « Protect faster, Restore stronger »), la priorité a été donnée à la protection des forêts subsistantes, soulignant la nécessité de stopper la déforestation puis de mener des opérations correspondant à de réelles restaurations de « forêts naturelles », différentes de plantations ligneuses mono spécifiques à seul objectif de production ; il s’agissait également de développer des partenariats avec les acteurs des territoires concernés.
Co-organisatrice du Global Forest Summit de Paris, Reforest’action a financé depuis sa création en 2010 la plantation ou la régénération de plus de 11 millions d’arbres dans 30 pays dans le monde. De nombreuses autres structures interviennent dans de telles actions, en France en premier lieu l’ Office national des forêts qui y gère près de 11 millions d’hectares de forêts publiques, dont plus de la moitié en Outre-mer (Guyane en tête).
Atteindre la neutralité carbone
Dans sa stratégie en faveur de la biodiversité, l’Union européenne a également affiché un objectif de plantation au cours de la prochaine décennie de 3 milliards d’arbres sur son territoire, en respectant les principes écologiques.
Il est toutefois évident que ce volet de restauration et surtout de plantation de forêts – très prisé actuellement par les entreprises au titre de la « compensation carbone » – ne doit pas se faire au détriment des efforts prioritaires nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, indispensables pour espérer atteindre la neutralité carbone en 2050.
Ces efforts sont plébiscités par des mobilisations d’un nombre de plus en plus important de citoyens, à l’image en France de la Convention citoyenne pour le climat et de « l’Affaire du siècle ». L’enjeu n’est ni plus ni moins que les conditions de vie pour l’espèce humaine au cours de la deuxième moitié du XXIe siècle !
Seulement 2 % à 3 % de la surface terrestre sont encore dans le même état naturel qu'il y a 500 ans, signale ce jeudi une étude d'un groupe international de chercheurs universitaires.
C'est peut-être bientôt la fin. La planète n'abrite plus que 2 % à 3 % d'espaces terrestres vierges, ceux dont la faune et les habitats naturels sont restés dans un état strictement identique à ce qu'il était en l'an 1500. Une part de « biodiversité intacte » très inférieure à toutes les estimations émises sur le sujet jusqu'à présent, lesquelles oscillent entre 20 et 40 % d'espaces non impactés par la présence et les activités de l'homme, indique une étude internationale mise en ligne jeudi sur le site de l' ONG Frontiers .
Un tel écart tient à la méthode d'analyse particulièrement draconienne qu'a adoptée la douzaine de chercheurs de plusieurs universités d'Europe et d'Amérique du Sud associés à ces travaux. Leur méthode s'appuie sur les normes mondiales établies par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) afin d'identifier des « zones clés pour la biodiversité » (« key biodiversity areas ») sur la planète. Des lieux dont les écosystèmes sont absolument intacts.
Des espaces très mal protégés
Les chercheurs y ont ajouté deux autres critères de « virginité écologique » : l'un relatif à l'état de la faune qui ne doit avoir essuyé aucune perte d'espèces depuis l'an 1500, l'autre à la capacité du milieu naturel à conserver la même population animale sous peine de voir ses écosystèmes gravement affectés. Cette grille d'analyse a ensuite été systématiquement appliquée sur une échelle de territoire de 10.000 kilomètres carrés. Un espace minimum dans lequel tous les critères définis par l'étude devaient être satisfaits pour être classé « 100 % naturels ».
Les résultats sont pour le moins préoccupants. En plus d'être réduites à leur strict minimum, les dernières terres vierges sont très vulnérables. « Seulement 11 % sont comprises dans le périmètre de zones protégées », indique l'étude. Beaucoup coïncident avec des territoires gérés par des communautés indigènes qui jouent un rôle essentiel dans leur préservation.
Une tendance réversible
Ces derniers territoires de « pleine nature » encore en état de marche sont concentrés sur la Sibérie orientale et le nord du Canada pour les espaces boréaux et de toundra. Les forêts tropicales d'Amazonie et du Congo concentrent également les ultimes parcelles à la biodiversité intacte et encore non menacée.
Le processus de dénaturation de la planète, qui semble en voie d'achèvement, n'est cependant pas irréversible. « Il est encore possible de rendre à 20 % des terres leur authenticité écologique », estime Andrew Plumptre, coauteur de l'étude et chercheur à l'Université de Cambridge. Un des moyens d'y parvenir consiste à réintroduire des espèces dans les territoires où l'impact des activités humaines est encore faible.
Une solution qui ne manquera pas d'être débattue au prochain congrès de l' UICN , prévu en septembre à Marseille. Et plus encore à la conférence mondiale sur la biodiversité, la COP 15 , qui doit se tenir le mois suivant à Kunming, en Chine. L'un des enjeux de cette conférence onusienne est de parvenir à faire s'entendre tous les pays sur l'objectif d'une protection de 30 % de la planète d'ici à 2030.
Cette mesure emblématique du projet de loi climat vise à supprimer des liaisons entre Paris (Orly) et Nantes, Lyon ou Bordeaux.
L‘Assemblée nationale a voté samedi soir en première lecture la suppression de certaines lignes aériennes intérieures, en cas d’alternatives en train de moins de 2h30, après un débat animé et des divergences jusque dans la majorité.
Cette mesure emblématique du projet de loi climat vise à supprimer des liaisons entre Paris (Orly) et Nantes, Lyon ou Bordeaux, mais prévoit des exceptions pour les trajets en correspondance. La Convention citoyenne pour le climat avait réclamé de renoncer aux lignes intérieures en cas d’alternatives de moins de 4 heures en train, et non 2h30.
Le vote s’est joué à 56 voix pour et 14 voix contre sur 70 suffrages exprimés.
Le projet de loi gouvernemental entérine surtout l’existant, puisque le gouvernement avait contraint Air France à renoncer aux liaisons concernées en contrepartie d’un soutien financier en mai 2020. Il interdira aux concurrents de s’engouffrer dans la brèche. « Nous avons choisi (le seuil en train de) 2h30 car 4 heures ça vient assécher des territoires souvent enclavés comme le grand Massif central… Ce serait inique sur le plan de l’équité des territoires », a argumenté le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari.
Levée de boucliers de tous bords
La mesure a suscité une levée de boucliers de parlementaires de différents bords, souvent élus du Sud Ouest, territoire d’implantation d’Airbus, à Toulouse, et de nombre de ses sous-traitants. Le PS Joël Aviragnet (Haute-Garonne) a fustigé le « coût humain disproportionné » du dispositif et mis en garde contre les pertes d’emplois dans l’aéronautique. Son collègue David Habib a critiqué une mesure de « décroissance » et de « chômage ».
À droite, Jean-Marie Sermier et Martial Saddier (LR) ont dénoncé une mesure qui vient « casser une filière d’exception ». En raison du Covid, « on a une filière qui va très mal », a abondé le MoDem Nicolas Turquois, membre de la majorité. Le ministre Jean-Baptiste Djebbari a voulu « dédramatiser le débat », soulignant « la complémentarité des modes » entre avion et train : « à chaque fois », le développement des TGV a « asséché très rapidement » les lignes aériennes concernées, a-t-il insisté. À l’inverse, écologistes et insoumis ont plaidé pour revenir à la proposition initiale de la Convention citoyenne pour le climat, avec le seuil de 4 heures. La députée Danièle Obono (LFI) a d’ailleurs défendu un amendement en ce sens au Palais Bourbon samedi soir. Il préconisait d’interdire les vols intérieurs en cas d’alternative en train allant jusqu’à 4 heures. « Ce sont les plus riches qui polluent l’air de la majorité », a précisé l’élue.
Mathilde Panot (LFI) a critiqué « l’article vide » du projet de loi actuel. Un seuil de 4 heures permettrait de supprimer les lignes « les plus émettrices » de gaz à effet de serre comme Paris-Nice, Paris-Toulouse et Paris-Marseille, a insisté Danièle Obono (LFI).
Un décret devra préciser la mesure et les éventuelles autres lignes susceptibles d’être concernées comme Paris-Rennes ou Lyon-Marseille. Le projet de loi prévoit également une compensation carbone graduelle des vols intérieurs - Air France l’applique déjà - et l’interdiction de l’agrandissement des installations aéroportuaires par expropriation si elles entraînent une hausse des émissions.
En raison de phénomènes causés par le changement climatique, certaines forêts n'ont pas le temps de s'adapter. Les arbres meurent et de nouveaux arbres n'arrivent plus à pousser. Cela génère des forêts fantômes.
« Sur toute la côte de la Caroline du Nord, les preuves de la disparition des forêts sont partout. Presque tous les fossés en bordure de route que je croise en conduisant dans la région sont bordés d’arbres morts ou mourants », écrit Emily Ury. Avec trois autres biologistes, cette écologue est à l’origine d’une étude acceptée dans la revue Ecological Applications, fin mars 2021, et dédiée à la déforestation rapide observée sur la côte Atlantique des États-Unis.
« Comme tous les organismes vivants, les arbres meurent. Mais ce qui se passe ici n’est pas normal. » Dans cette région des États-Unis, la déforestation est visible ne serait-ce qu’à l’œil nu d’après les biologistes à l’origine de cette étude. Dans la zone concernée, qui comprend pourtant le grand refuge côtier de Caroline du Nord, un lieu protégé et donc dénué d’activités humaines, des parcelles entières d’arbres meurent et les jeunes arbres ne poussent pas pour les remplacer.
Comme l’expliquent les auteurs, la principale origine du phénomène est à trouver dans la montée des eaux. Celle-ci provient du changement climatique et s’amplifie. Elle provoque une humidification accrue des zones humides, mais les rend également plus salées — l’eau de mer est 400 fois plus salée que l’eau douce. C’est là que se pose un problème pour les arbres initialement installés dans un écosystème d’eau douce. « L’élévation rapide du niveau de la mer semble dépasser la capacité de ces forêts à s’adapter à des conditions plus humides et plus salées », explique Emily Ury. D’autant plus que, dans cette région, l’élévation est très rapide : 30 centimètres en un siècle (et elle pourrait atteindre 1 mètre ou plus d’ici la fin du XXIe siècle).
Une grande partie des forêts fantômes de la Caroline du Nord sont toutefois observées à plus d’un kilomètre des côtes. Car avant même que la montée des eaux ne soit visible, l’eau de mer infiltre ces régions jusqu’à atteindre les forêts côtières. Une infiltration aidée dans cette région par les centaines de kilomètres de fossés et de canaux construits au milieu des années 1900 comme conduits d’évacuation.
En pénétrant les terres de ces forêts, le sel « aspire » l’eau contenue dans les cellules végétales et assèche les semences en privant les graines de leur propre humidité. Pour les arbres sensibles à ce phénomène, la germination de nouvelles pousses ne fonctionne plus, et c’est une réaction en chaîne : les arbres existants meurent sans être remplacés par d’autres arbres, sauf par des herbes et des petits arbustes tolérants au sel. « Les arbres morts aux troncs pâles, dépourvus de feuilles et de branches, sont un signe révélateur des niveaux élevés de sel dans le sol », déplore Emily Ury.
choses
Emily Ury et ses collègues ont étudié les forêts fantômes depuis l’espace, à l’aide d’images satellites de 1985 à 2019, pour mieux identifier les causes, l’état actuel et l’évolution du phénomène. « Les résultats ont été choquants », écrit Emily Ury. En 35 ans, 11 % de la surface forestière du refuge côtier de la Caroline du Nord s’est transformé en forêts fantômes, soit 21 000 acres (plus de 8 000 hectares).
En plus de l’élévation du niveau de la mer, « les phénomènes météorologiques extrêmes, alimentés par le changement climatique, causent des dommages supplémentaires dus aux fortes tempêtes, aux ouragans plus fréquents et à la sécheresse ». Les tempêtes et les ouragans projettent de l’eau salée sur les forêts ; et la sécheresse, période durant laquelle l’eau douce est absente, facilite la pénétration et les effets de l’eau salée dans les sols forestiers.
C’est ainsi qu’Emily Ury et ses coauteurs identifient un point de bascule en 2011-2012, une période intense de sécheresse, à laquelle se sont ajoutés l’ouragan Irène et des feux de forêt. Cela a provoqué des « dépérissements massifs d’arbres dans toute la région ».
Des conséquences sur la biodiversité et le climat
Les forêts fantômes permettent de constater les conséquences du changement climatique à l’échelle globale, même là où l’être humain n’agit plus directement (dans cette région, plus de la moitié des forêts fantômes sont observées dans une zone « protégée »). La perte rapide des forêts sur la côte de la Caroline du Nord vient avec des « répercussions en cascade sur la faune et la flore », par exemple sur le loup roux et le pic à tête rouge, qui sont devenues des espèces menacées ces dernières années. Par ailleurs, les forêts humides constituent des stocks de carbone, et leur disparition retire peu à peu un « tampon » face au réchauffement.
La Caroline du Nord n’est qu’un aperçu plus visible d’un phénomène ayant lieu dans d’autres localités. De nombreuses régions côtières, dans le monde, sont concernées par la montée des eaux ne serait-ce qu’en étant atteintes par l’eau salée, alors que ce n’était pas le cas avant dans ces écosystèmes. Cela menace alors la biodiversité, certes, mais aussi les cultures locales, ou même les aquifères d’eau douce dont des populations dépendent pour obtenir de l’eau potable.
Les solutions ne sont toutefois pas inexistantes. Elles consistent notamment en de nouvelles approches de gestion des terres, avec des stratégies adaptatives, comme faciliter la transition des forêts vers les marais salés en introduisant par exemple, dans les zones menacées, des plantes adaptées aux eaux salées. Bien que cette idée soit controversée, « car elle va à l’encontre de la volonté de préserver les écosystèmes tels qu’ils sont », Emily Ury estime que cela pourrait être mieux que de laisser ces forêts mourir. « Une gestion proactive peut prolonger la durée de vie des zones humides côtières, leur permettant de continuer à stocker du carbone, à fournir un habitat [à la biodiversité], à améliorer la qualité de l’eau et à protéger les terres agricoles et forestières productives des régions côtières. »