En Ouganda, les écologistes bataillent pour sauver une forêt tropicale

Publié le par Gerome

Sans la forêt tropicale de Mabira, Godfrey Ojambo ne pourrait pas nourrir son bétail, n'aurait pas de bois pour cuire ses repas. Il se demande comment sa famille survivrait si les imposants arbres qui l'entourent étaient abattus, comme le prévoit le président ougandais.

 

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Ici, la forêt, c'est la vie, explique l'agriculteur, qui est aussi vice-président d'un groupe local qui aide à la préservation de cette forêt protégée au sud du pays, la Conserve for Future Sustainable Development Association.

Nous ne savons pas comment nous pourrions vivre sans elle, mais ils veulent tout de même la céder, poursuit-il en montrant de la main la forêt, qui abrite toute une série de plantes rares et d'espèces animales.

Le mois dernier, le président ougandais, Yoweri Museveni, a déclenché un tollé de militants écologistes et de membres de l'opposition, en annonçant vouloir céder près d'un quart des 29.000 hectares de la forêt de Mabira à un magnat local indien de l'industrie du sucre de canne.

En 2007, M. Museveni avait déjà dû renoncer à la cession de 7.000 hectares de cette forêt à la même compagnie, la Sugar Corporation of Uganda Ltd (Scoul). Son projet avait déclenché des émeutes meurtrières à Kampala.

Mabira, située à une cinquantaine de kilomètres à l'est de la capitale et l'une des dernières forêts tropicales d'Ouganda, avait été protégée et classée réserve nationale en 1932.

En accédant au pouvoir en 1986, le président Museveni avait contribué à sa sauvegarde. Mais il justifie désormais l'abattage des arbres par une pénurie de sucre dans le pays.

Nous avons un problème de pénurie de sucre (...) et le président est d'accord avec la population qui dit que nous avons besoin de plus de sucre, explique à l'AFP son porte-parole, Tamale Mirundi.

Dans la zone que la présidence ougandaise réserve à la Scoul, il n'y a pas d'arbres, assure M. Mirundi. Selon lui, cette partie de la forêt ne s'est jamais remise de précédents actes de déforestation.

Cette partie de Mabira est abîmée, elle ne contribue plus du tout à l'environnement, poursuit-il.

Un écosystème menacé, selon les écologistes

Les écologistes démentent pourtant fermement. Et pour eux, abattre des arbres aura des conséquences majeures sur l'écosystème de la région.

Mabira constitue un important bassin hydrographique pour les rivières, dont le Nil, affirme Onesmus Mugyenyi, directeur-adjoint de l'Advocates coalition for development and environment.

Tout ce qui pourrait réduire la forêt affecterait l'écosystème dans son ensemble, le bassin hydrographique de l'Ouganda et de toute la région, poursuit-il.

Les écologistes entendent bloquer toute tentative de cession de Mabira, prévient encore M. Mugyenyi.

La cession, même partielle de la forêt, pourrait déclencher une émeute majeure ou un soulèvement contre le gouvernement, estime-t-il. Selon lui, le ressentiment est palpable dans plusieurs cercles de la population, il y a une réelle colère.

Peu après la première tentative de cession de la forêt, Washington avait fustigé l'incapacité de Kampala à prendre en compte le sentiment, parmi la population, que de super-riches hommes d'affaires indiens profitaient de contrats d'amis en échange d'un soutien financier pendant les élections, selon des câbles diplomatiques récemment publiés par Wikileaks.

Cette fois-ci, devant la levée de boucliers qu'ont provoquée ses nouveaux plans, le président Museveni a un peu assoupli sa position, promettant de consulter le Parlement.

Mais autour de Mabira, la population regrette toujours qu'il n'ait pas expliqué son choix. Selon elle, d'autres terrains seraient disponibles pour la production de sucre de canne.

Il y a un consensus de la population qui vit ici et des écologistes pour dire que Mabira ne doit pas être abattue, affirme M. Ojambo. Alors pourquoi le gouvernement insiste-t-il tant pour la céder?

 

 


Publié dans Nature

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